Après avoir démontré ses qualités de concepteur sur des titres à licences tels Global Gladiators, Cool Spot ou encore Aladdin pour Disney, David Perry fonde Shiny Entertainment, sa propre société de production. 1994 marque la consécration pour le créateur qui, pour son premier projet entièrement original, engendre Earthworm Jim, un jeu de plates-formes à nul autre pareil, qui allait faire couler beaucoup d’encre et bien plus de larmes encore.
Quel joueur n'a pas pleuré de rire après avoir été témoin des pérégrinations désopilantes du héros d'Earthworm Jim ? Un insignifiant ver de terre de la planète bleue se retrouve, par un concours de circonstances grotesques, en possession d'une combinaison humanoïde octroyant à son détenteur puissance, intelligence et charisme d'un héros de comics. Ainsi vêtu, Jim court la galaxie pour porter secours à la magnifique princesse « C'est quoi son nom déjà ? », retenue prisonnière par la Reine, une entité insectoïde aussi malfaisante que moche. Une histoire loufoque sur le papier, mais qu'en est-il sur l'écran ?
Visuellement parlant, Earthworm Jim est tout simplement bluffant. Pourvu d'une ambiance cartoon distillée par des personnages extrêmement stylisés, le soft porte clairement la patte de David Perry. En témoigne l'animation de haut standing dont bénéficie le personnage principal, Jim. Ses gestes sont fluides, décomposés et traduisent avec réalisme un large éventail d'actions, constituant autant de possibilités pour le joueur qui doit alors composer avec un gameplay subtil et particulièrement riche.
Ainsi, Jim exploite de façon maximale la croix directionnelle, laquelle lui permet de s'orienter et de viser dans huit directions possibles. Le héros dispose ainsi d'un puissant blaster, aux munitions limitées, mais aussi et surtout de son statut de lombric. En effet, le corps même de notre ver fouisseur peut faire office de fouet, utile comme arme secondaire mais aussi pour s'agripper à toutes sortes d'éléments et ainsi atteindre les passages inaccessibles autrement. Planer est également à la portée de notre héros dont la tête peut être convertie en hélice durant les sauts. Une myriade de possibilités donc, qui nécessiteront un temps d'adaptation pour être pleinement maîtrisées, mais sans lesquelles il sera impossible au joueur de franchir les épreuves insolites ponctuant l'aventure.
L'aventure, justement, consiste en un enchaînement de phases de jeu, aussi drôles et variées qu'inattendues. Absolument tout y passe, de la course-poursuite sur mono-bike spatiale à la manœuvre chronométrée d'un bathyscaphe, en passant par la promenade d'un chien mutant à forte tendance schizophrène ! Les différentes planètes que visite Jim représentent autant de niveaux à parcourir pour le joueur qui, à chaque fois, devra se frotter à une faune et une flore unique mais toujours particulièrement hostile. Ceci étant dit, l'humour est omniprésent et si les autochtones croisés sont redoutables avant tout, ils n'en restent pas moins cocasses. Pour l'exemple, citons l'avocat projetant sa paperasse et s'abritant derrière son attaché-case, ou encore le félin gonflé à la testostérone, sans parler de l'immondice verdâtre se décomposant en une nuée de larves sautillantes. Une galerie de créatures hétéroclites en somme, qui pourtant fait pâle figure comparée aux boss du jeu ; de véritables bêtes de foire telles Evil, le démoniaque chat à 9 vies, ou bien encore le gélatineux Major Mucus, lequel n'acceptera la défaite qu'après une intense séance de saut à l'élastique. Autant d'adversaires convoitant la tenue de Jim et dont l'acharnement permet de conclure sur le point sans doute le plus "alarmant" du jeu : son incroyable difficulté.
Le titre de Shiny Entertainment est extrêmement varié et c'est bien l'une des raisons pour lesquelles il est aussi ardu. La grande diversité des phases de gameplay surprend constamment le joueur qui subit l'action et doit bien souvent réagir au feeling sans savoir ce qu'il doit faire ni où il doit aller. Le jeu étant lui-même assez corsé, finir un seul de ses stages du premier coup relève de la véritable gageure. Pour autant, Earthworm Jim fait partie de ces softs où chaque nouvel échec pousse le joueur à reprendre la manette en main, à s'accrocher pour surmonter les obstacles et voir enfin ce qui l'attend au-delà.
- Graphismes17/20
Le character design de Douglas Tenapel fait ici merveille. Doté d’un style cartoonesque lui allant à ravir, le jeu propose des personnages délirants bénéficiant d’une animation travaillée qui leurs confère une réelle profondeur. Quant au dépaysement, il est assuré par des environnements variés, contrastant fortement les uns avec les autres.
- Jouabilité18/20
De ce point de vue, le soft est un modèle du genre. Les possibilités de gameplay, déjà conséquentes en début de partie, évoluent et varient en fonction des niveaux traversés. Un certain laps de temps est nécessaire pour acquérir le contrôle total de Jim. Passé ce cap, le plaisir de jeu est sans appel.
- Durée de vie15/20
Avec ses 10 stages, dont un caché, Earthworm Jim peut être bouclé en l’espace d’une après-midi. Ceci étant dit, la difficulté du titre garantit au joueur lambda des heures et des heures d’acharnement avant d’en voir le bout. Certains passages sont de véritables épreuves pour les nerfs et, même après les avoir franchis, la compagnie de Jim est telle qu’il n’est pas rare de replonger dans l’aventure pour braver à nouveau ses dangers.
- Bande son17/20
Le titre est bien connu pour la diversité de ses compositions. Chaque stage est l’occasion d’expérimenter quelque chose de nouveau avec, par exemple, de l’électro, de la musique de cabaret voire carrément du muzak ! Un véritable foisonnement musicale qui, couplé à des bruitages détonants, achève de doter Earthworm Jim d’une ambiance sonore unique.
- Scénario14/20
C’est l’ambiance du titre qui prime ici sur son intrigue. Peuplé de personnages rocambolesques tous plus improbables les uns que les autres, le soft se veut constamment drôle, ne perdant jamais une occasion de faire de l’humour. Concrètement parlant, Earthworm Jim est la preuve vidéoludique que le ridicule ne tue pas, même en cas d’overdose.
Earthworm Jim est un ovni dans le monde pourtant vaste du jeu vidéo. De par sa nature même, il a effrayé un bon nombre de personnes mais en a fasciné bien plus encore. Son univers déjanté, sa difficulté légendaire et ses protagonistes farfelus sont autant d’éléments sur lesquels David Perry a misé. Guidé par la passion et l’audace, ce dernier a même été jusqu’à faire d’un ridicule vermisseau le héros de son premier projet indépendant. Grand bien lui en a pris car le titre de Shiny Entertainment a marqué les esprits à tel point qu’encore aujourd’hui, lorsqu’est évoquée la crème des jeux de plates-formes, le nom d’Earthworm Jim revient immanquablement.