Moins de 6 mois après la sortie de Champions Online, Cryptic remet le couvert avec Star Trek Online, un MMORPG basé sur la licence éponyme. D’aucuns pourraient s’inquiéter de voir le studio disperser ainsi ses forces vives sur plusieurs projets simultanés. Mais il faut reconnaître que les productions Cryptic dégagent un pouvoir d’attraction bien particulier. Aussi, même si vous ne vous sentez pas l’âme d’un trekkie, n’hésitez pas à lire ces quelques lignes, qui devraient vous convaincre du potentiel de Star Trek Online.
L'action de Star Trek Online se situe en 2409, soit 30 ans environ après les événements du film Star Trek : Nemesis. Il ne s'inscrit donc pas dans la réalité alternative de la récente version de J. J. Abrams, mais respecte la chronologie des cinq séries TV et des 10 premiers longs métrages. A cette époque, la Fédération et les Klingons sont de nouveaux en conflit, alors même que l'Académie de Starfleet a déjà fort à faire contre les Borgs. Si Cryptic a su se montrer particulièrement respectueux de son matériau, notamment en termes de background, Star Trek Online s'adresse également aux amateurs de space opera qui ne seraient pas familiers avec la licence. Ils manqueront bien quelques références, mais devraient réussir à s'immerger sans problème dans l'univers du jeu.
Star Trek Online propose donc en toile de fond une lutte entre deux factions rivales toutes deux jouables, mais vous impose de vous faire la main avec un personnage de la Fédération. L'Empire Klingon n'est en effet pas accessible d'emblée, nous y reviendrons. Les deux factions offrent un choix d'espèces particulièrement vaste (Humain, Vulcain, Andorien, Ferengi, Saurien, Klingon, Gorn, Borg Libéré, etc.). Chacune d'elles possède un certain nombre de traits spécifiques (bonus aux dommages, immunités naturelles, télépathie...), sachant que vous pouvez aussi créer votre propre race extraterrestre, une liberté appréciable qui est désormais la marque des jeux Cryptic. L'éditeur physique, s'il n'est pas aussi poussé que celui de Champions Online, inclut suffisamment d'options pour laisser libre court à votre fantaisie. A la création, votre personnage a le choix entre trois carrières : celle d'officier tactique (une classe orientée dps), celle d'officier ingénieur (orientée tank) et celle d'officier scientifique (orientée buff/debuff). Vous aurez ensuite la possibilité de faire évoluer votre personnage comme vous l'entendez. Par exemple, votre officier scientifique pourra, à votre convenance, se spécialiser dans les soins ou dans le contrôle de vos adversaires.
L'une des particularités de Star Trek Online est de proposer un système de progression continue. A mesure de vos accomplissements (combats, quêtes...), vous obtenez des points de compétence, que vous pouvez utiliser sans attendre pour vous améliorer dans des domaines variés (commandement tactique, maîtrise de différents types d'armes...), liés pour certains à votre carrière. L'accumulation de points de compétence vous permet de progresser en grade et de passer au rang supérieur (enseigne, lieutenant, lieutenant-commandeur, commandant, capitaine, amiral). N'ayez crainte : vous bénéficiez dès le début de votre propre vaisseau, dont on vous propose de remplacer le commandant à l'issue d'un tutorial plutôt bien fichu. Plusieurs classes de vaisseaux vous seront accessibles au fil de votre progression : les escorteurs, les croiseurs et les vaisseaux scientifiques. Les premiers sont puissants et faciles à manoeuvrer, les seconds très résistants et les derniers sont des vaisseaux d'assistance. Tous peuvent être customisés et personnalisés graphiquement, même si les options restent limitées pour qu'ils restent facilement identifiables. Précision de taille : quelle que soit la voie choisie en tant qu'officier, vous ne serez pas bridé dans le choix de votre vaisseau.
Par contre, vous devrez vous adapter au type du vaisseau choisi, sachant que Star Trek Online vous laisse aussi gérer votre équipage, et en particulier les officiers de passerelle qui sont sous votre commandement direct. Le nombre d'officiers de chaque type (tactique, ingénierie et science) qu'il est possible d'affecter à votre passerelle dépend de la catégorie de votre vaisseau. Vous obtenez généralement ces bras droits, dont vous pouvez modifier le nom et l'apparence, en récompense de quête ou en les achetant auprès de PNJ dédiés. Une fois embauchés, ils ne sont provisoirement que simples candidats. Si le poste auquel ils peuvent prétendre est déjà occupé, vous avez le choix d'effectuer le remplacement ou bien de demander au candidat d'enseigner une de ses compétences à l'officier déjà en place, suite à quoi il partira : une excellente idée de la part de Cryptic ! Vous gérez ensuite l'ensemble de vos officiers de passerelle, à l'image de votre propre personnage, en leur apprenant des compétences et en les équipant. Leur intérêt est de procurer des capacités et des bonus spécifiques à votre vaisseau, mais aussi de vous servir de mercenaires quand vous effectuez des missions au sol. Leur gestion attentive est donc primordiale.
Star Trek Online n'a toutefois pas la complexité et la dimension hardcore d'un EVE Online, dont il se distingue, comme vous le constaterez dès vos premières virées dans l'espace. L'univers est très découpé et les zones de jeu sont particulièrement cloisonnées. Vous pouvez évoluer librement autour des bases spatiales et des planètes, mais pour vous rendre d'un système à l'autre, inutile de fouiller votre vieille boîte de Elite à la recherche du précis de navigation de David Braben : à la faveur d'une distorsion (voyage instantané) suivi d'un écran de chargement, vous voilà transporté dans une carte stellaire en 3 dimensions, dotée d'une unité d'espace et de temps destinée à simplifier les voyages inter-systèmes. Vous aurez tout de même l'occasion d'y croiser d'autres joueurs et d'y effectuer quelques rencontres (ennemis, marchands...). Le fractionnement de l'immensité spatiale en une multitude de zones instanciées ne convaincra pas tout le monde, mais au moins se montrent-elles particulièrement immersives, car très réussies sur le plan visuel et sonore. Traverser une ceinture d'astéroïdes pour pénétrer dans une nébuleuse, porté par un thème planant, reste un vrai plaisir, même si on eut apprécié pouvoir s'écraser sur les objets célestes rencontrés.
Si le jeu n'est pas avare de quêtes, il faut bien admettre qu'elles se révèlent plus convaincantes sur la forme que sur le fond. Les situations de départ diffèrent suffisamment et s'inscrivent dans une continuité appréciable ; les planètes visitées et les autochtones croisés sont suffisamment variés ; mais au final, même si vous êtes embarqué dans une mission diplomatique ou scientifique, vous vous retrouvez les 3/4 du temps à devoir dessouder ce qui vous tombe sous le laser, que ce soit au sol ou dans l'espace. Vous disposez bien de quelques missions d'exploration de systèmes inconnus, mais elles sont générées aléatoirement (ce qui vous vaudra d'ailleurs quelques gros temps de chargement) et se limitent trop souvent à analyser quelques anomalies. Bref, le gameplay de Star Trek Online accorde une place prépondérante aux affrontements, et ça tombe bien vu qu'ils se montrent très réussis. Sachez, avant qu'on s'y attarde, que pour vous aider à mener vos combats plus facilement, le jeu regroupe automatiquement les joueurs qui sont sur une même quête. Vous pouvez même appeler quelqu'un à l'aide en cas de danger. Dans la même veine, on retrouve le système de quêtes publiques de Warhammer Online, déjà repris dans Champions Online.
La dimension stratégique des combats se mesure surtout dans l'espace. Votre vaisseau dispose de plusieurs armes, situées à l'avant ou à l'arrière, qui ont toutes un angle de tir donné et ne peuvent donc être utilisées qu'en fonction de votre orientation par rapport à la cible. Le reste réside dans la gestion de votre bouclier énergétique, dont la puissance est répartie sur les quatre côtés : devant, derrière, à droite et à gauche. Si vous encaissez trop de dégâts sur l'un des côtés, vous avez la solution de manœuvrer votre vaisseau pour en présenter un autre à votre (vos) adversaire(s), ou bien de redéployer votre énergie pour revigorer le côté en question. Vous disposez de 4 présélections (attaque, défense, vitesse et équilibrée) vous permettant de redistribuer votre puissance en fonction de la situation. Vous pouvez également utiliser les compétences propres à votre personnage ou octroyées par vos officiers de passerelles : les officiers tactiques boosteront par exemple vos attaques, tandis que leurs collègues scientifiques draineront l'énergie de votre cible et que les ingénieurs leur enverront d'ennuyeuses tourelles mobiles. L'ensemble rend les combats spatiaux particulièrement exigeants, même si forcément répétitifs.
Sans doute moins techniques, les affrontements au sol (dans une base spatiale, sur la surface d'une planète...) n'en demeurent pas moins tout aussi dynamiques. Votre escouade, composée de membres de votre équipage mais aussi d'autres PJ éventuels, progresse sur le terrain à la manière d'un Mass Effect. Chaque personnage peut jongler entre deux armes, dotées d'un tir principal et secondaire, mais aussi utiliser ses compétences, s'accroupir pour viser, ou encore esquiver en roulant à droite ou à gauche. Au cas où l'IA de vos compagnons d'armes ne vous satisferait pas, Cryptic vous donne même la possibilité de mettre le jeu en pause pour passer vos ordres. L'ensemble se laisse jouer agréablement, même si on peut regretter une fois encore que vos objectifs de départ (désamorcer des bombes, sauver des otages, éteindre un incendie, etc.) aboutissent toujours à une bonne baston, à quelques exceptions près (comme cette sympathique mission où vous devez aider des mineurs à faire valoir leurs revendications). Bien entendu, combats au sol et spatiaux vous procureront des loots de toutes sortes, pouvant être équipés, mis en banque, vendus aux marchands ou aux enchères, ou encore apportés à des chercheurs pour booster votre équipement.
Une fois que votre progression dans l'Académie de Starfleet vous a conduit au niveau 6, vous débloquez la possibilité de créer un personnage de la faction adverse. Côté Klingon, la différence réside dans les quêtes confiées, tournées vers l'affrontement, et dont la majorité consiste à effectuer des instances PvP. Plusieurs modes de jeu, très classiques, vous sont accessibles : Capture de Points, Arène (du deathmatch par équipes) et Assaut (qui mêle PvP et PvE). L'ensemble s'appuie sur des maps Klingons vs. Klingons ou Klingons vs. Fédération ainsi que sur une Zone Neutre à contrôler, et cela fonctionne plutôt bien dans la mesure où un groupe organisé prend facilement l'ascendant sur une opposition chaotique. Le jeu en guildes (ici appelées flottes) y a donc toute sa place. On apprécie également que la difficulté de progression apparente d'un personnage Klingon soit largement compensée par l'expérience obtenue. Quant aux joueurs de la Fédération, ils peuvent s'adonner au PvP en passant par le menu dédié accessible à droite de la mini-map, mais n'obtiennent pas de gain particulier lié à leurs performances en la matière. En l'état, l'équilibrage entre les deux factions paraît satisfaisant, même s'il est sans doute un peu tôt pour en juger.
- Graphismes16/20
Star Trek Online affiche des personnages et des vaisseaux proprement modélisés, mais sans génie particulier. En revanche, les décors sont franchement réussis : vous aurez plaisir à naviguer au coeur des différents systèmes et certaines planètes envoient même une grosse claque graphique. Les combats sont agrémentés de jolis effets visuels, parfois un peu too much. Les seules faiblesses techniques tiennent à la présence d'un clipping prononcé et d'animations quelque peu rigides.
- Jouabilité16/20
Plus accessible que celui d'un EVE Online, mais suffisamment riche pour satisfaire tout amateur de space opera, le gameplay de Star Trek Online est très accrocheur. Dommage que la variété apparente des situations débouche trop souvent sur une répétition de combats, qui se montrent heureusement intéressants et bien réalisés. L'interface, bien plus pratique que celle de Champions Online, ne souffre d'aucun gros reproche.
- Durée de vie15/20
Plus lente que de coutume, la progression s'étale sur 5 rangs composés chacun de 10 grades, soit 50 niveaux au total. La faction Klingon se débloque toutefois assez vite et vous épargne le tutorial, puisque votre personnage débutera au niveau 5, prêt à en découdre dans des sessions PvP. Ce dernier est bien fourni, mais risque de lasser les joueurs sur le long terme. En l'absence d'artisanat et de features de haut niveau, le end game reste pour l'instant une inconnue.
- Bande son16/20
Les thèmes musicaux, d'excellente facture, alternent entre nappes de synthé planantes et airs d'opéra. A l'image des bruitages qui illustrent les combats, leur dynamisme contribue à immerger le joueur dans l'univers de Star Trek Online. Hélas, on ne peut pas dire autant des bruitages environnementaux et notamment de l'ambiance à bord des bases spatiales, bien trop pauvre.
- Scénario14/20
Cryptic s'est montré respectueux de la licence Star Trek : l'univers graphique est fidèle à la série et les personnages croisés font régulièrement référence à des événements et des protagonistes bien connus des fans. Pourtant, au-delà de ce background réussi, on ne peut que regretter le découpage et l'instanciation à outrance du jeu, qui nuisent aux rencontres et aux relations sociales, et son optique « tout-action » qui relègue au second plan les missions scientifiques et diplomatiques.
Au final, Star Trek Online s'impose comme un bon MMORPG spatial, qui devrait plaire à un large public pas seulement constitué de Trekkies. Il va de soi que vous n'y retrouverez pas la profondeur et la complexité d'un EVE Online : son univers très découpé et son gameplay somme toute classique, qui souffre de l'abondance parfois indigeste de combats, le rapprochent davantage d'un Bounty Bay Online ou d'un Pirates of the Burning Sea. Pourtant, on se prend facilement au jeu, grâce à la patte désormais typique de Cryptic, qui offre à l'utilisateur de nombreux outils de personnalisation – et a fortiori d'immersion. Le plus gros reproche qu'on puisse lui adresser tient à sa localisation une fois encore bâclée par Atari : partielle et parfois digne d'une traduction Google, elle témoigne d'un certain mépris pour le public français, et c'est bien dommage.