Sorti fin 2001, Red Faction avait été présenté comme le summum de l'interaction avec le décor dans un shoot en vue subjective. Son moteur physique, le Geo-Mode, permettait de pulvériser presque n'importe quelle surface de l'environnement. Pour Red Faction : Guerrilla, le studio Volition a largement repensé son cher concept pour l'adapter aux goûts du jour. Le résultat ? Une action vue à la troisième personne, un monde ouvert prêt à s'effondrer à la moindre déflagration, un moteur boosté aux amphétamines de guerre, le tout conduisant à un jeu aussi percutant qu'un coup de masse en pleine tronche.
Red Faction : Guerrilla nous entraîne sur les traces d'Alec Mason, un mineur baroudeur décidé à rejoindre son frère sur Mars la rouge. La planète a effectivement été terraformée quelques dizaines d'années auparavant et des hordes de colons sont maintenant libres d'exploiter sans vergogne les ressources nouvellement accessibles. Mais "libres" n'est peut-être pas le terme adéquat, puisque l'EDF (Earth Defense Force), la milice locale, a clairement fait de Mars son fief exclusif. Jadis considérés comme des sauveurs par une population opprimée par les méga-corporations industrielles, les membres de l'EDF occupent maintenant le rôle de leurs ennemis de jadis. De la liberté des colons, il ne reste plus rien. Seule la Red Faction ose encore défier l'EDF en organisant des opérations clandestines, du sabotage aux embuscades en règle. Mal armée, désorganisée, la Red Faction ne va pas tarder à prendre contact avec notre cher Mason. Celui-ci trouve rapidement des raisons de haïr l'EDF (comme nous tous, cela dit) et n'hésite pas à prendre les armes pour enfin donner une âme à la révolution.
Allez, soyons honnêtes, le scénario de ce Red Faction n'est qu'un vague prétexte au déchaînement de violence à venir. On oublie rapidement ce pour quoi on se bat pour se concentrer sur l'aspect le plus réussi du jeu : la possibilité de bousiller à-peu-près tout ce qui croise notre route. S'il n'est pas possible d'altérer la topographie des lieux en creusant de larges cratères dans le sol par exemple, on passera cependant la majeure partie de son temps à réduire en miettes tous les véhicules et les bâtiments du jeu. Et autant vous dire qu'on ne perd pas au change. Volition a effectivement mis au point une gestion des masses et de leurs forces d'interaction très réalistes : la Chaîne de Destruction. Ce système au nom ampoulé prend en compte des milliers de points de référence pour chaque bâtiment sur lesquels, à la moindre altération, il applique des règles fondamentales comme la gravité, la résistance par rapport au poids et à la nature de la matière, etc. En termes clairs, pour détruire un bâtiment, vous devrez généralement vous attaquer aux piliers porteurs afin d'affaiblir suffisamment la structure. Ne restera plus alors qu'à vous éloigner le plus rapidement possible pour contempler le résultat.
Avec un peu de chance, vous pourrez même déclencher une belle réaction en chaîne. En effet, une structure élevée aura tôt fait d'écraser les bâtiments alentour dans un nuage de poussière et de débris. Le spectacle est véritablement saisissant. Mais au-delà de leur dimension esthétique et clairement jubilatoire, les destructions influent avec intelligence sur le gameplay. Ainsi, s'il est possible de se mettre à couvert à la moindre pression d'un bouton, on devra toujours considérer la nature très temporaire de notre abri de fortune. Un sniper vous gêne du haut de sa tour ? Qu'à cela ne tienne, grâce à quelques explosifs, le bougre pourra rapidement être descendu de son perchoir au milieu d'une cascade de gravats. Notez cependant que toutes ces destructions sont permanentes et que cela n'est pas sans incidence dans un monde ouvert. Ainsi, un pont détruit le restera. Tâchez de vous en souvenir lorsqu'il faudra fuir une horde de soldats en colère.
A ce titre, Red Faction : Guerrilla adopte une structure qui n'est pas sans rappeler celle des deux autres produits de Volition : les GTA-like Saints Row. A l'instar de la ville de Stilwater, Mars est divisée en six secteurs distincts qu'il faudra libérer un par un. Le contrôle qu'exerce l'EDF sur chaque région se matérialise par le biais d'une jauge dédiée, alors qu'une autre jauge rend compte du moral de la population locale. En fait, l'idée est que chacune des 8 types de missions du jeu influeront largement sur ces deux instruments de mesure, le but étant évidemment d'affaiblir l'EDF tout en gagnant la confiance des locaux. La plupart des missions sont signalées par des icônes sur la carte générale. Selon le cas, on devra secourir des otages, protéger un petit groupe de colons d'un raid punitif, tendre une embuscade à un convoi, ou rejoindre des résistants lors d'une attaque. Il est également possible de s'en prendre directement aux installations de l'EDF pour réduire son emprise sur la zone. Plus une structure est importante, plus il sera délicat d'en venir à bout. Mais il est généralement possible de préparer le terrain, en contournant une base à travers un canyon par exemple, avant de faire une brèche dans les murs et de revenir quelques temps plus tard afin de s'infiltrer et de finir le boulot. Bref, aussi étrange que cela puisse sembler, un peu de stratégie est nécessaire dès lors qu'on quitte le mode Facile.
Sachez enfin que les missions principales deviennent accessibles lorsque le niveau de contrôle de l'EDF descend suffisamment. Plus élaborées, ces dernières permettent généralement de varier les plaisirs, même si au final, l'action dégénère toujours en un magnifique ballet d'explosions et de corps virevoltants. On ne s'en plaindra pas, d'autant que Mason se contrôle très bien, quelle que soit la situation. L'armement mis à sa disposition s'avère en outre particulièrement redoutable. En dehors des fusils mitrailleurs et des pistolets de base, on profitera de charges de démolition qu'on pourra déclencher à distance, d'une pétoire capable d'électrocuter plusieurs ennemis en même temps, d'un lance-roquettes et de tout un tas d'autres outils pas toujours très variés, mais globalement plaisants à utiliser. On pourra d'ailleurs améliorer notre matériel dans les différentes planques de la Red Faction. En échange du métal que vous collecterez dans les décombres des bâtiments et près des épaves des véhicules, il sera possible d'acheter de nouvelles armes, des protections, ou des améliorations diverses (plus de munitions, explosions plus importantes, etc.). Mason peut transporter quatre armes en même temps, dont sa fidèle masse, outil de destruction indispensable tant elle s'avère puissante. Switcher de l'une à l'autre ne prend qu'une seconde mais l'on devra souvent batailler ferme pour récupérer des munitions dans des caisses dédiées. Et pour regagner de l'énergie, il vous faudra tout simplement ne pas subir de dégâts pendant un moment. Une tâche plutôt délicate compte tenu de la nature souvent bordélique des affrontements.
Dans un autre registre, Red Faction met évidemment à votre disposition de nombreux véhicules : des buggies, des camions, des véhicules de chantier ou des engins de guerre, toujours piqués à l'EDF. Globalement, le pilotage se révèle précis et agréable, même si les plus chagrins pesteront parfois contre la curieuse légèreté de ces instruments. Prompts à se retourner (sans doute du fait d'une gravité moindre...), les engins disponibles restent cependant indispensables lors de la plupart des missions. C'est un coup à prendre, et après seulement une ou deux heures de jeu, on prendra plaisir à grimper dans un énorme camion avant de se lancer à pleine vitesse dans un avant-poste de l'EDF. Dangereux mais toujours rigolo. Bref, vous l'avez compris, Red Faction : Guerrilla prend volontiers des airs de généreux bac à sable. Cette analogie est d'ailleurs parfaite pour évoquer le seul petit écueil du soft : des décors qui peinent à se renouveler en dépit de quelques changements plastiques (on navigue toujours dans des canyons rougeâtres, de vastes plaines bosselées et poussiéreuses et des installations carrées et fonctionnelles). En même temps, on n'imagine mal Mars autrement. L'ensemble reste donc très cohérent, et les fans de SF et des romans de Kim Stanley Robinson notamment seront très probablement aux anges.
En somme, même si l'action se résume toujours à tout exploser, les manières de parvenir à ce résultat sont suffisamment variées pour que l'on ne s'ennuie pas. On prend plaisir à participer à la libération de Mars pendant la quinzaine d'heures que dure la campagne. Et une fois l'aventure terminée, il sera toujours possible de revenir dans le jeu pour terminer les missions annexes. On profitera même d'un nouveau mode de difficulté, histoire de corser un jeu qui ne se montre déjà pas toujours très tendre avec le joueur. Mais Volition ne s'est pas arrêté en si bon chemin et nous a même concocté un solide multijoueur, à pratiquer en compagnie de 15 autres ouvriers du bâtiment en pleine revendication. Ici, pas de véhicules et des modes relativement classiques qui vivent cependant très bien, grâce à la faculté de chacun d'altérer l'environnement. Cela passe notamment par la possibilité d'utiliser 10 packs dorsaux spéciaux en plus des armes de base du jeu.
Chacun de ces équipements confère à celui qui le porte un pouvoir particulier : invisibilité, jet-pack, capacité à détruire l'environnement immédiat, charge à travers les murs, régénération accrue, dommages augmentés, etc. On se retrouve là avec une sorte de Battlefield : Bad Company décomplexé, et ce même si les affrontements n'ont évidemment pas l'ampleur de ceux du titre de DICE. On reste effectivement dans le domaine de l'escarmouche au sein de cartes peu étendues. Mais l'ensemble s'avère tout de même très accrocheur, d'autant que chaque partie vous permettra d'accumuler de l'expérience et ainsi de débloquer des améliorations et de nouveaux skins/personnages. Nos multiples sessions nous ont également permis de constater que les parties de Red Faction semblent assez incroyablement dépourvues de lag. Un fait rare, qui se devait d'être signalé dans ce test.
La mouture PC en revanche n'est pas sans défaut. Nous déplorons l'apparition de nombreux ralentissements voire de freeze lors des briefings de mission et même lorsque l'action bat son plein. Un aspect inacceptable surtout quand on apprend qu'il suffit de mettre les graphismes au maximum et de jouer en fenêtré pour pallier ce fâcheux problème. En attendant un patch pour corriger cette bévue, nous ne pouvons fermer les yeux tant la jouabilité se voit amoindrie. Allez, l'heure est maintenant venue de conclure, même si de nombreux aspects du jeu n'ont pas pu être évoqués par manque de place. En tout cas, si vous ne devez retenir qu'une seule chose, c'est que Red Faction : Guerrilla est un excellent jeu d'action, bien fichu et intelligent. Certes, son scénario est tout ce qu'il y a de plus oubliable, mais on s'attendait évidemment à ce que la révolution vaille plus par son aspect spectaculaire que pour les enjeux qu'elle tente péniblement de mettre en avant.
- Graphismes15/20
Par souci de cohérence, les petits gars de Volition n'ont pas vraiment pu se permettre de varier les environnements. Mars, c'est donc avant tout de vastes étendues de terre rouge, des plaines poussiéreuses, des falaises ocres et des installations fonctionnelles, austères et souvent menaçantes. Mais le moteur physique, le fameux Geo-Mode 2.0, fait véritablement des merveilles. Tous les bâtiments peuvent ainsi être pulvérisés de manière réaliste, ce qui donne généralement lieu à d'impressionnantes réactions en chaîne. Poussière omniprésente, majestueuses pluies de débris, superbes explosions et glorieux effets de lumière confèrent à Red Faction : Guerrilla un style absolument unique et compensent largement la relative pauvreté de ses décors. Attention, le titre n'est pas très bien optimisé sur PC et réclame une grosse configuration pour être fluide.
- Jouabilité15/20
Que l'on soit à pied, l'arme au poing, ou au volant d'un des nombreux véhicules martiens, Red faction ne souffre d'aucun véritable défaut en termes de prise en main. Les âmes chagrines lui regretteront peut-être le manque de sensation lors de la conduite, ainsi que l'étrange légèreté de certains véhicules, mais globalement, il n'y pas grand-chose à reprocher au soft dans ce domaine. Pour le reste, le bébé de Volition se montre très efficace lorsqu'il s'agit d'amener le joueur au coeur de l'action : si l'on passe l'essentiel de notre temps à tout faire péter, l'approche et la mise en conditions varient suffisamment pour tenir rivés à l'écran. Seul petit écueil, l'absence d'une véritable montée en puissance.
- Durée de vie15/20
Comptez une quinzaine d'heures en Normal pour boucler la campagne. Restera alors la possibilité de repartir finir les missions annexes ou même carrément pour une nouvelle campagne en boostant la difficulté. Red Faction : Guerrilla propose en outre des modes multi sur une seule machine sous la forme de petits défis, comme ce qu'offrait le Burnout Revenge next-gen. Restent enfin les parties en ligne en compagnie de 15 autres joueurs, franchement bien fichues et qui ne semblent pas trop sujettes au lag.
- Bande son14/20
Des musiques de film d'action de bonne facture un petit peu trop en retrait et des bruitages d'excellentes qualités se partagent la trame de fond sonore de Red Faction : Guerrilla. Côté doublages en revanche, ça manque tout de même de conviction.
- Scénario10/20
On ne se souviendra pas de Red Faction : Guerrilla pour son scénario. L'histoire, bien que partant sur des bases plutôt sympathiques, se révèle en fait tout à fait convenue et inintéressante. On profitera cependant de quelques petites surprises amusantes.
Défouloir absolu, Red Faction : Guerrilla est un titre absolument unique en son genre. Addictif, souple et séduisant, le titre de Red Faction délivre des séquences d'action mémorables au sein d'un bac à sable parfaitement conçu. Dans une certaine mesure, le soft parvient même à nous faire oublier son caractère fondamentalement répétitif grâce à de nombreuses petites trouvailles. Pour ne rien gâcher, Red Faction : Guerrilla se paie même le luxe de nous offrir un mode multi d'excellente qualité. En revanche, on ne peut fermer les yeux sur l'optimisation lacunaire qui coûte un point à cette version PC. RFG reste tout de même une bonne surprise qui mérite amplement d'être essayée, et même adoptée.