Solution espérée pour endiguer la spirale négative dans laquelle est embourbée la série Need for Speed depuis quelques années, Shift débarque plein de bonnes intentions. Pour l'occasion, l'univers NFS a muté vers les courses sur piste, prônant un pilotage radicalement différent de ses aînés.
Rien de tel qu'une remise en question totale ponctuée par une profonde refonte du gameplay pour briser l'image d'une série qui a enchaîné les épisodes moyens ces dernières années. Comme un symbole, c'est l'équipe de Slightly Mad Studios qui s'est chargée du développement de Need for Speed Shift. Les références de ces petits gars ne sont autre que GT Legends et GTR 2, deux simulations PC sur lesquelles ils ont travaillé aux côtés de SimBin, le développeur principal de ces derniers. Pour autant, pas question de parler de véritable simulation ou de jeu élitiste puisque Shift ne compte aucunement se couper du fidèle public de la série NFS. Simplement, le moteur du jeu et sa physique offrent bien plus de garanties, en termes de sensations, que les précédents épisodes. Ceci ajouté au fait que l'on tourne (enfin) le dos à des scenarii bidons, à des cinématiques lourdingues et à un esprit ras les pâquerettes qui se limite à savoir qui a la plus grosse, Need for Speed semble parti pour tirer des leçons de toutes les erreurs passées. Et si elles n'étaient pas des erreurs, changer de cap apporte tout de même un vent de fraîcheur sur le bitume brûlant de Spa, Silverstone ou encore Laguna Seca !
Visuellement inspiré de GRID, Need for Speed Shift fait la part belle aux épreuves de grand tourisme et aux voitures de courses réglées pour dompter aisément les caprices de circuits assez torturés. Et comme GRID, le jeu d'Electronic Arts s'est appliqué à proposer une vue intérieure soignée et parfaitement jouable. Mais s'arrêter à ce constat serait injuste pour cette fameuse caméra qui apporte en soi beaucoup plus qu'un simple confort de jeu. En effet, tout l'intérêt du titre ou presque tourne autour de cette vue cockpit, relativement innovante et pourvoyeuse de sensations fortes. Chaque coup de volant, chaque accélération, chaque freinage est ressenti via un mouvement de caméra réaliste et pas exagéré, ce qui suffit à surclasser la majorité des vues intérieures proposées dans les jeux de courses, simulations ou non. Mieux encore, il s'agit davantage d'une vue à la première personne qu'une caméra cockpit dans la mesure où le joueur est derrière les yeux du pilote. Ainsi, à très grande vitesse, il verra sa vision se troubler, notamment dans ses rétroviseurs qui, s'ils sont de base tout à fait fonctionnels, voient alors leur utilité grandement diminuer. Même constat lorsque le pilote heurte un rail de sécurité, une barrière de pneus ou un concurrent adverse. Selon la force de l'impact, l'écran se brouillera jusqu'à même devenir noir et blanc. Le joueur ressent le choc et doit attendre que le pilote reprenne ses esprits avant de pouvoir enclencher la première.
Le gameplay de Shift ne se résume cependant pas à cette vue puisqu'il profite énormément du nouveau moteur de jeu pour accoucher de courses beaucoup moins rigides et mono-rythmiques que dans les précédents NFS. Ainsi, fini les voitures qui collent à la route et qui rebondissent sur les rails de sécurité. Tête-à-queue et tonneaux sont fréquents, agrémentant les courses de quelques erreurs commises par l'IA. Une IA au passage très humaine et très variée, agressive sans être bornée à vous sortir de la piste, fluide dans ses changements de direction... En bref, on s'amuse et l'immersion est au rendez-vous. En revanche, tout n'est pas parfait dans Shift, à commencer par son orientation première, assez bourrine et telle que le laissaient suggérer les trailers diffusés par EA. Ainsi, difficile de se faire une place dans le peloton de furieux sans jouer des coudes, au point que l'on joue de tous les vices pour faire déjouer chaque concurrent. Petite poussette par derrière, queues de poisson, rentre-dedans... Vouloir dépasser chacun de ses adversaires proprement est quasi utopique. Un peu dommage pour un titre qui se tournait au départ vers des courses réalistes et dont les stars sont des voitures de grand tourisme. D'ailleurs, on note également que la conduite se fait tout en dérapage. Inutile de penser pouvoir adopter une conduite classique avec ce genre de véhicules, à savoir en freinage en ligne puisque les voitures glissent systématiquement à partir du moment où l'on braque. Un temps d'adaptation est nécessaire avant de maîtriser cet aspect assez obscur du gameplay.
Cela dit, Shift se veut accessible dans la mesure où la toute première course du jeu est en réalité un tour d'essai qui détermine votre niveau de pilote. L'interface vous propose alors un premier paramétrage de la difficulté, que ce soit au niveau de l'IA ou des différentes aides à activer ou non. Antiblocage, contrôle motricité, contrôle stabilité, dégâts... Libre à vous de le suivre ou d'y apporter autant de modifications que vous le souhaitez. Mais au final, même en désactivant l'intégralité des aides, Shift est un titre que tout néophyte peut maîtriser assez rapidement puisque l'on demeure bien loin de l'exigence d'un GTR pour ne citer que lui. Cette liberté n'est malheureusement pas poussée à la configuration de touches puisque les allergiques au stick analogique (pour la direction) et aux gâchettes (pour l'accélération et le freinage) devront composer avec. S'il existe bien plusieurs configurations distinctes, aucune ne permet d'accélérer et freiner avec des touches classiques comme A et X sur 360 (croix et carré sur PS3) et de tourner avec la croix directionnelle. Un petit point négatif qui n'est pas qu'un détail puisque les courses de drift auraient notamment gagné à jouir d'une telle prise en main. Des courses que l'on retrouve dans le mode Carrière de Shift, alors qu'elles avaient disparu de Undercover.
Le mode Carrière de Need for Speed Shift constitue la principale attraction du jeu puisqu'en dehors de lui, le offline ne se pare que de simples courses rapides. Le système de progression est assez classique mais comprend quelques originalités, comme le profil de pilote. En effet, à chaque fin de courses, un certain nombre de points d'attaque ou de précision vous est attribué, déterminant ainsi votre profil de pilote. Comprenez plutôt fin ou plutôt casse-cou. Ce profil détermine à son tour les défis et occasions qui vous sont proposés par la suite. Chacun ne vit ainsi pas sa carrière comme le voisin. En plus de ça, l'utilisateur gagne des points de profil à chaque bon résultat, faisant ainsi grimper son niveau général, et permettant au final de débloquer de nouvelles courses. Tout ceci ne s'avère donc pas très original, d'autant que l'on suit scrupuleusement les conventions quant à la constitution d'un gros compte en banque permettant d'acheter de nouvelles caisses et de les tuner par la suite, aussi bien esthétiquement qu'en installant des packs d'améliorations au niveau du moteur, du turbo, de la transmission, du freinage, des suspensions et des pneus. Toutefois, les 65 voitures du jeu sont plutôt gâtées puisque l'on compte un nombre impressionnant de jantes et vinyles en tout genres. Précisons enfin que le mode Carrière est constitué de sorte à ce que l'on y revienne inlassablement puisqu'il compte énormément de petits défis à réussir en course (réussir un départ parfait, sortir un adversaire de la piste, effectuer tant de dépassements propres, etc.).
Au total, on compte huit types de courses dans le mode Carrière. Si l'on passe rapidement sur les courses classiques, à élimination, d'endurance ou de contre-la-montre, le drift ne nous a pas fait très forte impression, se présentant à la fois comme frustrant et trop instable. En effet, même avec une bagnole montée pour cette discipline, lancer un combo de dérapages est un vrai chemin de croix et réussir à éviter tout survirage tient du prodige. Si les exigences de résultat ne sont pas trop élevées, on peine tout de même à réussir un enchaînement de virages sans terminer sa course en travers de la route, la tête dans un rail de sécurité. Nous terminerons ce test par un mot sur le multijoueur en ligne qui n'est pas de trop dans la mesure où le titre fait malheureusement l'impasse sur le multi en local (comme tant d'autres). Si la plupart des épreuves sont relativement classiques et inspirées du mode Carrière (les parties avec classement rapportent d'ailleurs pas mal d'argent), il existe des championnats un contre un relativement dignes d'intérêt. Concrètement, il s'agit de duels disputés au meilleur des trois manches. L'un des deux connectés part en tête de la première et doit la conserver alors que son poursuivant a pour mission de le doubler et de rester cinq secondes en première position. Durant la seconde manche, les places s'inversent et en cas d'égalité, une troisième manche est nécessaire pour départager les deux joueurs. Ce principe se répète jusqu'à la finale du championnat et la moindre défaite est éliminatrice !
- Graphismes15/20
Pas exempt de tout reproche sur certaines textures ou même sur le contour des voitures, Need for Speed Shift jouit cependant d'une irréprochable fluidité. La plupart des modèles sont de petits bijoux de reproduction fine et fidèle, ce que l'on constate notamment au moment de faire notre shopping dans l'interface du jeu. Une interface soit dit en passant très classieuse, ce que l'on paye durant les temps de chargement, longuets pour ne pas dire interminables.
- Jouabilité16/20
La vue à la première personne apporte beaucoup au genre, au point qu'il sera difficile de se réhabituer à des caméras intérieures moins dynamiques que celles de Shift. L'immersion est totale et si le gameplay n'est pas encore parfait et peine à coller avec la catégorie de voitures du jeu, force est de constater que l'on ne s'ennuie guère durant les courses de ce nouveau Need for Speed.
- Durée de vie15/20
Les courses s'enchaînent rapidement mais le mode Carrière abrite suffisamment de défis pour que Shift devienne l'un des jeux les plus "rejouables" du marché. Si l'on peste contre l'absence d'un mode multijoueur en écran partagé, le multi en ligne est très soigné, profitant de la grosse expérience d'Electronic Arts.
- Bande son15/20
En dehors de crissements de pneus peu crédibles, la bande-son n'est pas vraiment critiquable puisque les sonorités des moteurs sont parfaitement rendues. Problème, on passe son temps à déraper et à faire souffrir les pneumatiques...
- Scénario/
Need for Speed Shift place la série chère à Electronic Arts sur de très bons rails, faisant fi d'une traite du passé récent des Most Wanted, Carbon, ProStreet et autre Undercover. Nouveau concurrent à des titres comme Race Driver : GRID ou à un degré moindre à la série des PGR, il sait se démarquer par une caméra intérieure dynamique qu'aucun autre jeu du genre n'avait osé utiliser. Fun et complet, il se place comme un jeu de courses accessible capable de séduire à peu près tous les types de joueurs. Et surtout les amateurs de dérapages.