Il faut savoir que cette adaptation n'a pas été confiée aux Allemands de 4 HEAD Studios, à qui l'on doit les deux opus PC, mais à leurs compatriotes de Independent Arts Software, qui n'ont pas tout à fait le même CV. Malgré toutes les bonnes intentions qui les animaient, les développeurs ont abouti à un titre simpliste et répétitif, manquant de richesse, de cohérence et d'ergonomie. Et ça fait beaucoup, même pour une version portable dont on attendait forcément moins que ses homologues PC. Comme ces derniers, The Guild DS se présente sous la forme d'un jeu de gestion économique dans un univers médiéval. Vous y incarnez un jeune négociant qui s'est fixé pour but de réaliser le rêve de son père décédé : fonder une guilde regroupant et protégeant les marchands du royaume tout en préservant leurs intérêts communs.

Convaincre les autres négociants des bienfaits d'une guilde ne sera pas chose aisée, mais cet objectif peut être accompli de trois façons différentes, qui peuvent être comparées à trois conditions de victoire. La première consiste à élever votre rang jusqu'à celui d'Electeur, qui vous permettra alors d'imposer votre vision des choses. C'est un travail de longue haleine, car chacun des titres successifs ne peut être acheté que sous certaines conditions (nombre requis d'ateliers et d'entrepôts à posséder), de plus en plus coûteuses. La seconde méthode ne vous contraindra qu'à obtenir le titre de comte, mais il vous faudra dans ce cas convaincre, une par une, les différentes villes du royaume des besoins d'une guilde. C'est un peu laborieux, mais moins onéreux que la première méthode. La troisième voie est celle du scélérat, puisqu'elle consiste à contrarier les affaires de vos rivaux en faisant appel à des brigands pour les attaquer de manière répétée. Ils finiront tôt ou tard par se rallier au principe d'une guilde protectrice. Quelle que soit la voie que vous choisissez (sachant que vous pouvez en changer librement à tout moment), le principe reste tout de même d'amasser suffisamment de fonds pour parvenir à vos fins. Il va donc falloir jouer votre rôle de négociant.

Vous allez donc passer le plus clair de votre temps à vous déplacer entre les différentes villes du royaume, muni d'un chariot, pour acheter et revendre des marchandises. Prenez soin de profiter de l'évolution des prix, qui est fonction de l'offre et de la demande, sachant que vous pouvez négocier le montant de la transaction pour augmenter plus vite votre capital. Première mauvaise surprise : le nombre de biens à négocier (pain, viande, bière, habits et bijoux) est assez restreint. De même, la carte peu étendue ne propose qu'une dizaine de villes dotées en général des mêmes structures (marché, mairie, atelier, comptoir et auberge). The Guild DS, dont le gameplay n'est pas évolutif comme celui d'un Anno, aurait pourtant gagné à bénéficier d'un contenu plus varié. Autre écueil : le jeu se déroule au tour par tour, choix d'autant plus curieux que l'évolution de vos rivaux sur la carte n'a que peu d'influence sur le déroulement de la partie. Vous pouvez effectuer un déplacement et une action par tour : entrée dans une ville, interaction avec un personnage (brigand ou marchand itinérant) ou utilisation de vos entrepôts, il faut choisir. Du coup, chaque tour ne dure pas plus d'une poignée de secondes, et il en faut à peu près autant au jeu pour s'acquitter du chargement et de l'animation permettant de passer au jour suivant.

Lorsque vous êtes amené à croiser un personnage hors des murs d'une ville, vous bénéficiez tout de même de plusieurs options : saluer, commercer ou attaquer (face à un marchand) ; fuir, baratiner, négocier, se défendre ou se rendre (face à un brigand). DS oblige, la majorité de ces situations prend la forme d'un mini-jeu. Le négoce, qui consiste à utiliser un nombre limité de poids pour gagner des duels main fermée, semble tout droit sorti d'une épreuve de Fort Boyard ; l'IA de vos adversaires est si peu performante que vous ne devriez échouer que rarement. Inspirées de Monkey Island, les joutes verbales consistent à remettre en ordre des étiquettes pour reconstituer le plus vite possible une insulte. Enfin, les combats à l'épée sont assez confus mais plutôt faciles dès que vous en avez compris le fonctionnement. En fonction du talent que vous aurez sélectionné en début de partie (commerce, rhétorique ou escrime), vous bénéficierez d'un bonus dans l'épreuve dédiée. Bien réalisés, ces mini-jeux remplissent leur office mais sont trop souvent repris à toutes les sauces (l'épreuve de négoce sert par ailleurs à discuter les prix, les joutes verbales à convaincre les guildes de se rallier à votre cause...) pour ne pas se montrer redondants. On les aurait bien échangés contre un surcroît de possibilités en termes de gestion.

Car dans le domaine de la gestion pure et dure, les options ne se bousculent pas au portillon. Les deux voies "honnêtes" donnent lieu à un gameplay poussif et répétitif dont le manque de cohérence finit par agacer. Par exemple, quel que soit le statut acquis, vos attributions de négociant n'évoluent pas : un comte devra toujours pousser sa charrette, dont les capacités sont limitées à 20 exemplaires de chaque bien, sans pouvoir embaucher personne pour le faire. Vous avez bien la possibilité d'acquérir des ateliers et des comptoirs, mais ces deux structures brillent par leur inutilité. Les comptoirs permettent d'acheter dans la ville où ils sont situés même lorsque vous ne vous y trouvez pas, mais il vous faudra de toute façon y passer pour aller chercher la marchandise stockée. Quant aux ateliers, ils produisent des ressources qu'il serait idéal de pouvoir stocker pour les revendre au moment opportun ; hélas, seules quelques rares villes sont à la fois dotées d'un atelier et d'un entrepôt. Quant à la voie sombre, elle se montre tout aussi décevante : vous ordonnez des incursions et des extorsions chez les marchands à partir de camps de brigands auxquels il faut sans arrêt revenir sachant qu'il est impossible de désigner sa cible et que les résultats sont aléatoires. En cas de réussite, votre réputation baisse, sachant qu'un don en ville suffit à la faire remonter.

Les incohérences ne s'arrêtent pas là. La carte se couvre parfois de neige pour symboliser l'hiver, sans aucun effet sur le prix des denrées alimentaires. En revanche, il arrive qu'un type de biens voie, sans raison apparente, son coût multiplié par 5 ou 10 par rapport à une ville toute proche, ou encore qu'un marchand sortant d'une ville vous achète à prix d'or des ressources qui y sont vendues contre une bouchée de pain. Le système économique est donc loin d'être concluant ; il est pourtant au centre du jeu. Et comme si cela ne suffisait pas, l'ergonomie est à revoir. Si l'environnement visuel et l'interface sont clairs et agréables, on ne peut pas en dire autant du tutorial mal fichu et expédié, qui fait l'impasse sur certains aspects du jeu, et de la jouabilité au stylet qui connaît quelques ratés (il vous arrivera plus d'une fois de toucher par erreur l'icône de l'entrepôt en voulant entrer dans une ville, ce qui mettra fin à votre tour). Ajoutez à cela un manque récurrent d'indications ; par exemple, le prix des ateliers et des comptoirs ne s'affiche qu'en sélectionnant l'option "acheter". Bref, malgré son thème accrocheur et sa réalisation convenable, The Guid DS souffre de trop nombreuses tares pour convaincre. Si toutefois vous persistiez à vouloir boucler le mode principal, sachez qu'une dizaine de scénarios prédéfinis vous permettront de prolonger la durée de vie de ce titre décevant.