Si Batman n'a jamais eu l'adaptation vidéoludique qu'il mérite, Arkham Asylum est en passe de changer cette triste constatation. S'étant, dès le départ, offert les services du grand Paul Dini, un gage de qualité aux yeux des fans de la série animée The Batman Adventures, Rocksteady semblait vouloir mettre toutes les chances de son côté pour cette nouvelle itération du justicier masqué sur nos machines. Et le moins qu'on puisse dire après quelques heures en compagnie de Bruce Wayne, c'est que le pari semble réussi.
Né de l'imagination fertile de Bob Kane et Bill Finger, Batman aura connu une fulgurante carrière en passant entre les mains d'innombrables artistes. Si très vite le Dark Knight a su s'évader de sa prison de papier pour renaître sous les traits de l'acteur Adam West, c'est également via l'animation qu'il a connu ses heures de gloire. Chapeauté par le talentueux Bruce Timm, The Batman Adventures aura ainsi marqué une étape décisive dans la relation que Batman entretenait alors avec la télévision américaine. Et ceci n'est pas près de s'arrêter puisqu'après Batman Beyond, The Batman ou le récent Batman : The Brave & The Bold, l'homme chauve-souris semble plus que jamais avoir la cote. Il faut dire qu'après les deux excellents longs-métrages de Christopher Nolan, le justicier de Gotham ne pouvait que planer majestueusement vers un autre horizon à même de proposer une expérience inédite. De fait, le retrouver dans un nouveau jeu vidéo n'est pas en soi une surprise. Ce qui l'est plus en revanche tient au degré qualitatif de l'oeuvre.
En effet, dès les premières minutes de jeu, on est proprement soufflé par l'aspect artistique du soft. Aussi bien d'un point de vue sonore que graphique, le résultat étonne en permettant au joueur de se projeter dans un asile d'Arkham à la macabre beauté. L'introduction elle-même propose de faire corps avec Batman, avec le jeu tout entier, via une séquence nous donnant l'occasion de suivre le Joker, fraîchement capturé, en déambulant dans les sombres couloirs de la prison, pardon, de l'hôpital psychiatrique. Le ton est donné : le jeu sera dur, le contenu mature, la progression difficile. Pour autant, le scénario n'est pas des plus originaux, le pitch de départ faisant simplement état de l'évasion de l'illustre bouffon ricaneur qui libère de surcroît tous les fous d'Arkham. De fait, le personnel et Batounet se retrouvent pris au piège, ce dernier devant bien entendu mettre fin aux méfaits du clown psychopathe en sauvant le plus de monde possible. Dans l'absolu, rien de bien fameux sauf que dans le cas de Batman Arkham Asylum, l'aspect artistique rend un fier service à la psychologie des personnages.
On citera en tout premier lieu le doublage français qui reprend certaines des voix des premières séries animées. De fait, quel plaisir de retrouver à nouveau le doubleur officiel de Christopher Loyd (le Doc de Retour vers le Futur, c'est lui) dans le rôle du Joker ou celui du commissaire Gordon. Quelle joie de constater que si Richard Darbois ne rempile pas dans le rôle du Dark Knight, le comédien le remplaçant, issu de la série The Batman, correspond malgré tout au personnage malgré un timbre moins grave. Du coup, l'ensemble gagne en crédibilité d'autant que les fantastiques thèmes musicaux embaument les passages placés sous le signe de l'action, de l'émotion, etc. Bien sûr, l'aspect graphique accentue encore un peu plus le charisme des protagonistes, leur modélisation étant tout simplement bluffante. Si les screens parleront pour moi, inutile de préciser que Batman Arkham Asylum reste à ce jour un des plus beaux jeux de la machine, ses ambiances se permettant même parfois d'évoquer le non moins sublime Bioshock. Si nous aurons le temps de revenir sur ce point lors du test, précisons tout de même qu'en plus de la galerie de vilains déjà présentés via de nombreux trailers, vous aurez la chance de découvrir quelques invités surprises en plus de Poison Ivy, Bane, Killer Croc et Harley Quinn. A ce sujet, on notera que chacun de ces sujets d'étude bénéficie d'un design totalement inédit, cette émancipation visuelle par rapport aux comics, animes et films étant une excellente idée car s'accordant à merveille avec l'ambiance ténébreuse du soft.
Suivant la même courbe ascendante, le gameplay étonne lui aussi par sa simplicité. En somme, malgré le nombre d'actions, à l'intérieur ou en dehors des affrontements, le joueur n'est jamais perdu puisque la plupart des mouvements ne requièrent qu'un bouton ou une combinaison de touches. Au final, les phases d'exploration restent aussi jouissives que les combats qui demeurent violents à souhait. Mais avant d'en arriver là, vous devrez opter pour l'approche furtive ou musclée. Autant dire qu'à l'image d'un Assassin's Creed, la première est à privilégier tant les mouvements stylés de Batman flattent la rétine et l'égo du joueur venant d'éliminer un garde en silence tout en s'envolant dans la foulée vers une gargouille postée en hauteur. Le plus beau dans l'histoire est qu'au fur et à mesure qu'on avance, les nouvelles possibilités (combos plus puissants, mouvements inédits...) apportent un regain d'intérêt durant ces moments où on devra éliminer une patrouille d'ennemis sans se faire voir. Toutefois, espérons que le jeu saura amener des séquences un peu plus variées par la suite, le début de l'aventure montrant déjà quelques limites en proposant au joueur deux ou trois types de scènes uniquement. Ceci dit, entre la possibilité de se cacher dans des conduits, d'utiliser un gel explosif pour piéger un ennemi, de planer vers sa cible pour lui asséner un coup de pied fatal, d'effectuer un stealth kill depuis un grappin, d'user du Batarang, on jubile comme un petit fou. Et c'est à peu de chose près la même situation au corps à corps.
Car oui, c'est bien beau de se planquer derrière un mur pour attaquer sournoisement un adversaire mais n'oublions pas qu'en tant que super-héros, se coltiner une dizaine d'adversaires en même temps n'est pas censé nous faire peur. Entièrement dédiés au plaisir du joueur, les rixes d'Arkham Asylum mettent donc en exergue les coups de poings rageurs, les coups de pieds dans la gueule, les coups de coudes dans le sternum, enfin, bref, vous avez compris. A nouveau, le tout est d'une simplicité enfantine. Ainsi, si vous n'avez qu'à appuyer sur une touche pour enchaîner les coups, vous devrez en sus en utiliser une autre pour contre-attaquer aussi sec les ennemis essayant de vous atteindre. Néanmoins, il vous faudra attendre un signe du destin (un pictogramme au-dessus de la tête de votre adversaire, du moins en mode Facile) pour placer votre attaque, le but du jeu étant de réaliser de longs combos pour pouvoir embrayer avec des attaques plus puissantes. Par exemple, une fois placé cinq coups, il sera possible d'effectuer un "finish move", pour peu que vous l'ayez acheté au préalable, et ainsi de suite. Ressemblant alors à un ballet, la mise en scène, aidée par d'esthétiques ralentis, vous poussera à multiplier les attaques afin d'assister à un spectacle aérien où la grâce de Batman n'a d'égal que son imposante musculature.
En conclusion, cette première prise de contact avec Batman Arkham Asylum semble annoncer la meilleure adaptation du Dark Knight sur consoles. Si certains aspects restent à confirmer, comme la variété des situations, le titre de Rocksteady suinte à ce point la passion pour le justicier de Gotham qu'il est difficile de ne pas faire preuve d'enthousiasme. Encore plus vrai quand on sait que de nombreux éléments (rapports audio, biographies, croquis...) sont à débloquer et qu'en marge de l'aventure principale, on a droit à plusieurs défis rallongeant un peu plus la durée de vie semblant de prime abord déjà conséquente. Est-ce à dire que ce soft préfigure une aura d'excellence pour les futurs jeux mettant en scène des super-héros ? Nous n'irons pas jusque-là même si l'ironie de la situation veut qu'en parcourant BAA, on en viendrait presque à penser déjà à une éventuelle suite. Si ce n'est pas la marque des très grands jeux, alors qu'est-ce que c'est ? Une illusion ? Peut-être mais prions pour ne jamais nous réveiller dans ce cas-là.