Deux mois avant la sortie d'Aion, nous vous proposons de faire un dernier point sur ce MMORPG très attendu que l'on doit aux équipes de développement de NCSoft (Lineage). Sorti en Corée du Sud depuis novembre 2008 à l'issue d'intenses phases de bêta-test, le jeu présente un degré de finition à en faire pâlir les pontes de Blizzard. Mais si la qualité de sa réalisation et la richesse de son univers ne font aucun doute, Aion a-t-il vraiment quelque chose de neuf à proposer ?
La quatrième phase de bêta fermée (US et européenne) arrive à son terme. Durant trois jours, les heureux bêta-testeurs ont eu le plaisir de retrouver les deux factions du jeu, les Elyséens et les Asmodiens, et de pouvoir progresser jusqu'au niveau 25. Comme souvent dans ce type d'événement de courte durée, on hésite à essayer les différentes combinaisons de races et de classes ou bien à en tester une en profondeur, choix que nous avons fait dans l'optique de cet aperçu. Gardez à l'esprit qu'à la sortie officielle du jeu, il sera impossible de jouer un Asmodien et un Elyséen sur le même serveur, restriction courante dans les MMORPG orientés vers le PvP. L'éditeur de personnages est quant à lui toujours aussi complet et ouvert à toutes vos fantaisies. A ce sujet, précisons que NCSoft a récemment désamorcé la polémique sur les personnages minuscules (prétendument plus difficiles à cibler), en agrandissant leur aura de sélection. Voilà qui devrait contenter tout le monde.
Satisfaire tous les joueurs, voilà sans doute le credo d'Aion, qui malgré sa parenté évidente avec Lineage en particulier et le MMORPG coréen en général, enfonce ses racines dans un terreau bien plus vaste. Outre le contenu développé spécifiquement pour le marché US et européen, bon nombre de ses caractéristiques le rapprochent du modèle occidental traditionnel (Everquest, World of Warcraft...). L'évolution des personnages reflète parfaitement cette dualité : la possibilité de changer de classe au niveau 10 (l'éclaireur, par exemple, se spécialisera en ranger ou en assassin), très populaire en Corée, s'accompagne de mécanismes de progression plus occidentaux : augmentation automatique des statistiques, système linéaire d'acquisition des compétences (qui ne peuvent être améliorées autrement qu'en achetant leur version supérieure à un niveau donné), foisonnement de quêtes permettant de franchir les niveaux sans "grinder" (tuer des monstres à la chaîne), scénarisation poussée donnant au joueur l'impression d'être au centre des événements... Chacun appréciera à sa manière le bien-fondé de ces apports, mais certains joueurs regretteront sans doute le manque de prise et de latitude dans le développement de leur avatar : deux personnages de même classe et de même niveau se ressembleront immanquablement, du moins statistiquement parlant. En réalité, contrairement à la tradition coréenne en matière de MMORPG, Aion donne moins l'occasion de construire un personnage que de l'''incarner''.
Et sur ce plan, le jeu s'annonce comme une indéniable réussite. Rarement, ces dernières années, un MMORPG n'avait proposé un background aussi séduisant et aussi étoffé que celui d'Aion. Bien que la progression dans les territoires Asmodiens et Elyséens souffre d'un certain dirigisme, la variété des environnements, l'originalité du bestiaire et la qualité des quêtes (formidablement bien écrites en regard de leurs fondements très classiques) font mouche, sans parler de la possibilité de déployer ses ailes à partir du niveau 10 pour explorer les moindres recoins de cet univers éthéré, fantaisiste et envoûtant. Pour ne rien gâcher, le jeu s'appuie sur une réalisation aux petits oignons. Si, sur le plan technique, le Cry Engine accuse un peu le poids des ans, il a le mérite de ne pas voler la vedette à une direction artistique remarquable, inspirée de Lineage II mais en plus exotique. Riches sans être trop chargés, les environnements bénéficient d'un éclairage somptueux et regorgent de ces petits détails qui attestent du degré de finition du titre : dans la forêt profonde, on croise de petites créatures étranges tout droit sorties d'un dessin animé de Miyazaki ; sur fond d'un ciel très animé, propice à la rêverie, se découpent les silhouettes de gigantesques monstres préhistoriques... Les personnages, finement modélisés, ne sont pas en reste ; ils sont remarquablement bien animés, notamment lors des combats. Pour ne rien gâcher, une bande-son dynamique et efficace, qui s'adapte constamment à la tonalité de l'action, vient magnifier les qualités visuelles du titre.
Aion se montre plus conventionnel sur le plan du gameplay. Bien qu'on apprécie grandement ses combats dynamiques, qui permettent de réaliser des enchaînements dévastateurs en cliquant au bon moment sur les compétences adéquates, une certaine impression de déjà joué prédomine. S'il est sans doute un peu tôt pour en juger, il semble qu'en matière de PvE, le jeu en groupe ne soit pas vraiment favorisé (les monstres surpuissants sont rares et l'agro est rarement létale, ce qui incite au "solotage"). Autre réserve : outre d'être vu et revu, le système d'upgrade d'équipements, fondé sur le sertissage de pierres de nature et de rareté variées, s'avère aussi permissif que peu élaboré. Aion dispose tout de même d'un système d'artisanat assez complet à défaut d'être complexe. Aux phases de récolte en un clic, très basiques (bien qu'à défaut de retrousser ses manches, il faille parfois déployer ses ailes), se succèdent des phases de construction guère plus exigeantes, à des établis de travail dédiés. Simple mais utile et gratifiant (surtout en cas d'obtention d'une réussite critique), il promet de nombreuses heures de crafting à tous les mordus d'équipements faits maison. Pour ce qui est du PvP, que nous n'avons pu tester, on rappellera brièvement que, s'il peut être pratiqué en zone ennemie à la faveur d'un système de portails, il s'organise essentiellement autour de prises de forts en RvR : les Elyséens, les Asmodiens et les Balaurs (ces derniers étant contrôlés par l'IA) se livrent une guerre fratricide dans une zone appelée les Abysses, accessible dès le niveau 25.
Sous ses atours aguicheurs, Aion se révèle donc assez classique. Le mix entre deux styles de gameplay, asiatique et occidental, devrait convaincre un large public, de l'amateur d'univers immersifs et fouillés à l'adepte de PvP et de jeu en guilde. Le titre semble pourtant manquer un peu de profondeur, en particulier dans le domaine de l'évolution des personnages, et se montre bien trop frileux en termes d'innovation (le système de Stigmas et la jauge de divinité, sur lesquels nous reviendrons lors du test, sont de bien modestes apports). Ces réserves mises à part, Aion est un MMORPG éminemment sympathique qui semble bien parti pour faire un carton, et c'est tout ce qu'on lui souhaite.