La carte de l'humour et de la parodie dans les jeux vidéo est rarement payante. Aussi déplorable que puisse être ce constat, il se vérifie une fois de plus avec Eat Lead qui échoue sur tous les plans : l'humour et le jeu.
Les choses partaient pourtant drôlement bien avec une intro bien sentie dans laquelle Matt Hazard nous raconte comment il a connu la gloire en débutant sa carrière de héros de jeu vidéo dans les années 80. Petit personnage pixéllisé il devint une vedette de sa discipline, tombant dans la spirale des suites à répétitions et des séries dérivées qui le verront passer de l'arcade à l'aventures, chassant aussi bien les soldats russes que les zombies. Puis, il décide de prendre sa carrière en main en suggérant de nouveaux produits à son développeur. Après le premier jeu de tir non violent pour enfants, il termine sa carrière dans l'infâme Haz-Matt Carts avant de sombrer dans l'oubli. Puis, un beau jour, Marathon propose à Matt de faire son come-back dans un nouveau jeu d'action.
Et là c'est le drame, le jeu part en sucette, les décors changent, les ennemis aussi et rien ne se passe comme prévu. La vérité c'est que le créateur de Matt Hazard cherche à se débarrasser de lui en le faisant mourir. Pour y parvenir, il le bloque dans un jeu que ses développeurs modifient régulièrement en envoyant à Matt ses vieux ennemis ou en menaçant ses anciens alliés. Tous sont de beaux spécimens de clichés éculés du jeu ou de parfaites absurdités. Vous serez par exemple confronté aux héros du jeu Soak'em armés de pistolets à eau, à des clones de space marines secondés par des cow-boys. Vous rencontrerez même les zombies surgis d'un antique jeu d'aventure dans lequel Matt avait fait une apparition. Le mythe du personnage de jeu "vivant" est donc constamment entretenu, malheureusement, l'humour qui en découle n'est pas franchement à la hauteur. Si on sourit à la façon qu'a Matt de s'entêter à clamer son expression fétiche envers et contre tous ("attention danger !") trop de vannes tombent à l'eau. Néanmoins, l'esprit parodique se maintient à flot, offrant au titre un petit fond salutaire mais dans ce registre parodique, on est très loin de ce que Les Simpsons : Le Jeu était parvenu à faire.
Souvent, les jeux tablant sur l'humour parviennent à compenser leurs lacunes en faisant rire. Vu les trop rares sourires que nous arrache Matt Hazard, il va falloir qu'il s'accroche niveau gameplay. Pas de bol, il flanche aussi sur ce point. Se présentant comme un simple shooter à la troisième personne, Eat Lead n'exige pas grand-chose du joueur et votre objectif est rarement plus complexe que de tirer sur tout ennemi qui présente un bout de chair exposé. On a même droit à une vanne sur la question lorsqu'au début du jeu, on expose une liste d'objectifs longue comme le bras à Matt avant de la synthétiser par un laconique "tire sur tout ce qui bouge". Pour ce faire, vous userez et abuserez du système de couverture. On se planque derrière un objet, on tire, on avance, on se planque et ainsi de suite. Pour rendre l'exercice plus souple, vous pouvez facilement viser une planque et appuyer sur un bouton pour y courir ou bondir d'un abri à un autre. Une façon de compenser l'extrême lourdeur du personnage qui se déplace assez gauchement, ce qui se révèle particulièrement pénible lorsque les vilains vous foncent dessus. Car le comportement ennemi se répartit comme suit : soit ils tirent en passant d'une couverture à une autre, soit ils foncent vers vous. Dans ce cas, on découvre avec peine à quel point Matt est lourdaud. Assez mollassons et pourvus d'une IA en mousse vos adversaires comptent sur leur nombre et les fusillades tournent vite en une longue épreuve à l'intérêt plus que limité.
Le level-design ne fait d'ailleurs rien pour arranger les choses. Malgré sa volonté de mettre à mal les points noirs du jeu vidéo, Eat Lead tombe en plein dedans. Séquences prévisibles, environnements finalement bien peu inspirés et level-design chaotique inutilement tortueux bien que linéaire sont bien des défauts récurrents du jeu vidéo tout ce qu'il y a de plus présent dans cette parodie. A titre d'exemple, le décor change souvent de forme et lorsque des ennemis apparaissent, on vous offre une livraison de caisses en bois pour vous planquer. Une belle pique à nombre de shooters qui ne cherchent pas toujours plus loin en matière de créativité. Si ce n'est que ça n'a rien de drôle dans la mesure où finalement, on se retrouve malgré tout à devoir jouer avec cette mécanique qu'on essaie de dénoncer. Quant aux séquences supposées apporter un peu de piquant, comme la séance de snipe pour protéger un mage d'une bande de policiers, elles sont tout au plus frustrantes et redondantes. Restent les combats contre les boss qui nous proposent un affrontement au corps-à-corps en QTE. On suit les indications à l'écran pour appuyer sur la bonne touche au bon moment. Tout ça en essayant de ne pas s'endormir.
On attendait une brillante parodie du jeu vidéo, on se retrouve finalement avec quelques traits d'humour sympathiques, d'autres plombés par un doublage qui manque de conviction et surtout un gameplay dont on a du mal à pardonner les errances et les lourdeurs. Une expérience à tenter si on trouve le jeu à petit prix mais en connaissance de cause.
- Graphismes10/20
Le moteur 3D est tout juste décent avec des textures pauvres, certains décors chichement éclairés, des modèles très moyens et quelques ralentissements. Le level-design est de plus trop quelconque, surtout pour un jeu misant sur la parodie.
- Jouabilité10/20
Le gameplay ultra basique sombre très vite dans la répétition façon "tape la taupe" et la prise en main n'est pas particulièrement souple, bien au contraire, Matt est un véritable poids lourd. Certaines séquences spéciales (snipe, RPG etc.) essaient vainement de rompre la monotonie.
- Durée de vie9/20
Comptez un peu moins de dix heures pour faire le tour de Eat Lead. Une campagne brève qui n'est supportée par aucun mode multijoueur ou campagne en coop.
- Bande son16/20
Si Eat Lead s'en tire sur un point, c'est bien sa bande-son, essentiellement grâce à ses thèmes musicaux qui s'inspirent fortement de ce qu'on trouvait dans les jeux des années 80, l'esprit MIDI en moins. Dommage en revanche que de nombreux doublages tombent à l'eau, même si certaines vannes ont su conserver leur charme.
- Scénario11/20
L'idée de départ est excellente, de même que la courte intro. Dommage que son exploitation soit plus maladroite par la suite même si quelques clins d'oeil n'échapperont pas aux joueurs. On attendait mieux malgré tout et on est loin de ce qu'avait accompli Les Simpsons : Le Jeu dans ce domaine.
L'intro annonçait une suite franchement appétissante et pourtant... D'un point de vue parodique, Eat Lead a quelques illuminations et peut sans problème arracher quelques sourires mais sans jamais vraiment réussir son pari. Quant à son aspect ludique, il s'empêtre précisément dans ce que les développeurs voulaient railler. Un level-design archaïque, une IA en carton, un héros qui bouge comme un grabataire et un manque intérêt qu'un humour trop moyen ne peut compenser. Les curieux pourront toujours y jeter un oeil s'ils le dénichent à petit prix.