Si Zack Snyder ne nous aura pas déçus avec un Watchmen reprenant à la case près l'oeuvre phénoménale d'Alan Moore, on ne peut pas en dire autant du jeu vidéo. S'évertuant à mettre en scène le charismatique Rorschach et le très collant Hibou, Watchmen The End is Nigh ne cherche jamais à faire décoller le genre beat'em all. Pire, il nous offre un voyage dans le temps grâce à une construction antédiluvienne et un plaisir de jeu réduit à peau de chagrin.
La création sombre, viscérale et dépressive d'Alan Moore aura marqué plus d'un amateur de comics. Watchmen nous aura ainsi dépeint le quotidien terriblement dépressif de super-héros où se mêle le destin de plusieurs personnages à travers un futur et un passé se déroulant du temps de la piraterie. L'incroyable maestria de son scénariste vedette et de son graphiste Dave Gibbons aura permis à ce Graphic novel d'obtenir le statut, mérité, d'oeuvre culte. L'adaptation de Snyder, qui avait déjà réalisé une véritable extension filmique à la BD 300, s'avérera également très cohérente d'autant que le matériau de base semblait au départ inadaptable. On pouvait donc s'attendre à quelque chose de réjouissant sur nos machines d'autant que The End is Nigh se déroule avant les événements du comics. Malheureusement, comme le laissait suggérer l'introduction, on est très loin du compte.
Le premier problème de Watchmen The End is Nigh est de faire preuve d'un manque total de jugement lorsqu'il s'agit de penser en terme de plaisir de jeu. Ainsi, s'il est possible d'incarner deux personnages au style de combat disparate, la construction du jeu, elle, reste la même. Comprenez par là que dans un cas comme dans l'autre, vous devrez arpenter six chapitres disposant de quelques embranchements en fonction du personnage incarné. Problème, les mécaniques de jeu sont aberrantes et nous renvoient en pleine poire des dizaines de beat'em all issus d'un lointain passé. Du coup, on avance comme un zombie, on tire quelques leviers pour ouvrir des portes, un mini-jeu de crochetage de serrure s'invite pour essayer de rompre la monotonie ambiante, on se frite avec des troupeaux d'ennemis, généralement constitués de deux ou trois types différents, et on recommence ainsi jusqu'à la fin. De mémoire, on n'avait jamais vu quelque chose d'aussi répétitif, d'aussi plat. Le cas typique du soft privilégiant la forme au détriment du fond. Un beau gâchis en l'occurrence d'autant que le graphisme de ce Watchmen détonne.
Jeux de lumière, richesse des textures, beaux effets spéciaux, la partie artistique étonne exception faite de cinématiques maladroites singeant le style de Gibbons. Mais voilà, en dehors de l'attrait visuel, le gameplay est bien trop simpliste pour permettre au joueur de prendre son pied. On aura beau nous offrir plusieurs combos, basés sur un timing à respecter, diverses choppes létales synonymes d'actions contextuelles, on tourne trop vite en rond. Le hic vient également de la difficulté mal calibrée nous obligeant souvent à attirer les ennemis, qui arrivent tout le temps en meute, afin de se les farcir ou à courir afin que notre jauge de vie remonte. A ce sujet, évitez d'être encerclé sous peine de mourir en trois coups. Ceci dit, malgré des checkpoints parfois mal placés (nous obligeant à reprendre de larges portions), le jeu reste simple une fois qu'on a compris le truc et peut se terminer en 4, 5 heures, le double si vous décidez de jouer avec le second personnage. Toutefois, comme nous le rappelle un Succès, il est possible de boucler le tout en 80 minutes. Vous avouerez que pour un jeu monnayé 12 euros, la pilule passe mal. Dans tous les cas, hormis la possibilité de découvrir la totalité des techniques de chaque perso, vous n'aurez aucun intérêt à revenir à ce jeu d'action mou du genou et redondant comme pas deux.
- Graphismes15/20
Des graphismes "fucking awesome" pour un jeu qui recycle des décors mille fois vus et revus. On ne s'étonnera donc pas de se retrouver dans un chantier de construction, des égouts, un port et des rues malfamées. Les ennemis sont généralement de deux ou trois types en fonction des niveaux et le nombre limité de combos et de "finish moves" n'aide pas vraiment à varier les plaisirs. Au passage, notons des cinématiques reprenant le style de Dave Gibbons qui ont du mal à convaincre à cause d'une animation intentionnellement limitée.
- Jouabilité11/20
De mémoire, on aura rarement vu un beat'em all aussi redondant. Des mécaniques de jeu usées jusqu'à l'os plombent littéralement ce Watchmen The End is Nigh qui n'arrive jamais à se sortir d'une construction rectiligne basée sur des combats monstrueusement ennuyeux malgré quelques combos ou divers finish moves. De plus, certains checkpoints sont mal placés et l'obligation d'aborder les affrontements de la même façon est atterrante. Du coup, le mini-jeu de crochetage ou l'affrontement d'un boss à la fin du chapitre VI ne sont pas suffisants pour relancer la machine.
- Durée de vie8/20
Si un Succès nous rappelle qu'on peut terminer le jeu en 1h20, comptez plutôt sur 5 environ par personnage soit un total d'une dizaine d'heures pour peu que vous le repreniez avec un ami ou avec le second personnage. Malheureusement, le potentiel de rejouabilité est inexistant à moins de faire preuve d'un sadomasochisme évident.
- Bande son12/20
Le doublage américain est excellent, les bruitages font écho à d'autres jeux du même style et les musiques sont trop effacées.
- Scénario11/20
Se déroulant avant le Graphic novel, les événements de The End is Nigh réussissent à bien retranscrire l'ambiance de l'oeuvre de Moore malgré un scénario limité. Intéressant pour ceux qui ont apprécié cette BD hors normes.
Watchmen The End is Nigh ou comment se saborder de lui-même à cause d'une construction ultra limitée et d'un intérêt déclinant après le premier chapitre. Jamais intéressé par la mise en scène ou des événements censés réveiller le joueur, les développeurs ont fait le pari de tout miser sur les graphismes et le charisme de ses personnages vedettes, enfin du moins de Rorschach. Peine perdue, ce beat'em all lénifiant et gavant se révèle être un des jeux d'action les plus répétitifs jamais vus sur une machine. Et dire qu'on pensait qu'après God of War, le genre s'était enfin libéré de ses chaînes. Comme quoi, tout le monde n'a pas appris sa leçon.