Attendu comme le messie par des hordes de fans en délire, Killzone 2 s'apprête enfin à déchaîner sa puissance sur un monde impatient. Troisième chapitre d'une guerre débutée en décembre 2004 sur PS2 puis prolongée sur PSP, le bébé de Guerrilla a longtemps porté toutes les promesses et les espoirs suscités par la PS3 depuis son annonce. Et la bête est là, enfin, sous nos doigts, prête à se plier à nos moindres caprices. Aussi, amis combattants, l'heure est maintenant venue de prendre les armes et de nous plonger ensemble au coeur d'une gigantesque bataille qui plus que jamais, prend volontiers des airs d'apocalypse.
2357. Les forces d'invasion helghastes lancent une attaque surprise sur la planète Vecta et tentent de s'emparer de la capitale. Galvanisés par leur chef, le sinistre mais néanmoins charismatique Visari, les Helghasts passent tout près de leur objectif mais voient leurs plans réduits à néant par les actions héroïques d'une petite unité de l'ISA, l'Alliance Stratégique Interplanétaire. Des mois de combats acharnés voient finalement la défaite des Helghasts sur Vecta. Repoussées, les troupes de Visari ne s'arrêtèrent pas sur un échec total pour autant, puisqu'au cours des affrontements, elles parvinrent tout de même à s'emparer d'un arsenal d'ogives nucléaires. Pour éviter que le feu ultime désiré par un peuple aigri et haineux ne réduise les autres colonies terriennes en poussière, l'ISA n'a donc plus qu'une seule option : porter le combat sur le fief même de Visari, capturer le despote et démanteler définitivement la machine de guerre helghaste. Vous incarnez Tomas «Sev» Sevchenko, membre de l'escouade Alpha des forces de l'ISA et votre job consiste à mener l'assaut sur Helghan. Alpha est maintenant commandé par le sergent Rico Velasquez, vétéran de Vecta, tandis que Jan Templar, héros des premiers jeux, dirige les opérations sans prendre part aux combats.
Mais tâchons de ne plus trop perdre de temps en préliminaires, car autant le dire tout de suite, le scénario de Killzone 2 est tout ce qu'il y a de plus classique et convenu. Les Helghasts, peuple méprisé, dont les justifications semblent presque crédibles, sont ici relégués au statut de méchants impitoyables comme dans n'importe quel autre FPS. Visari est un tyran, Radec, le commandant des forces helghastes, une ordure et il n'y a pas à chercher plus loin. Dans cette suite, il n'y a plus guère de place à l'ambiguïté. Et même si certaines séquences risquent de faire frissonner les fans de la première heure, notamment lorsqu'elles font intervenir des personnages connus, on ne pourra pas s'empêcher de ressentir un soupçon de déception vis-à-vis de cette histoire devenue presque accessoire. Heureusement que la mise en scène efficace à base de superbes et grandioses cinématiques se charge de nous plonger au coeur du conflit.
Et si, comme nous le pressentions lors de nos précédents contacts avec lui, Killzone 2 tend à accumuler tous les clichés du genre, sa nature s'avère finalement unique. Car là où la majorité des FPS s'empêtrent dans les poncifs, le bébé de Guerilla les transcende et parvient à se forger sa propre identité. Cela passe notamment par un rythme effréné, une action qui malgré un souci perpétuel de réalisme, ménage des moments de calme relatif entre des séquences de folie absolue. Cela passe également par une technique parfaitement maîtrisée. Certaines âmes chagrines reprocheront peut-être à Killzone 2 son univers monochrome, quelques textures sans finesse, son manque occasionnel d'ampleur et d'envergure, mais elles ne pourront que s'incliner devant la maestria avec laquelle les artistes du studio sont parvenus à tisser leur univers. Killzone tire sa force de sa cohérence absolue, de son animation qui frise la perfection, de sa physique magistrale, de ses somptueux jeux de lumière, de sa poussière omniprésente qui s'épaissit en temps réel, de sa fumée et de ses explosions pléthoriques et plus vraies que nature, de sa fluidité sans faille, d'un rendu presque totalement dépourvu d'aliasing. Bref, le gros bébé de Guerrilla fait l'effet d'une bonne grosse torgnole et impose une atmosphère de guerre absolument grandiose.
Et s'il n'est pas vraiment pertinent de se livrer à une comparaison de ce type tant les deux jeux diffèrent, les joueurs PS3 peuvent néanmoins se réjouir puisqu'ils tiennent probablement là un titre techniquement plus abouti qu'un certain Gears of War 2. La beauté de Killzone est peut-être plus diffuse, moins évidente, mais tout à fait réelle. Très réaliste dans son traitement du conflit, Killzone 2 l'est aussi dans la manière dont il orchestre la progression du joueur. Et peut-être même trop. Le joueur se contente souvent d'avancer, de trucider une tripotée d'ennemis concentrés dans une pièce rectangulaire ou un couloir afin d'atteindre des objectifs dont la banalité est presque désespérante. Bousiller des mortiers, prendre un pont d'assaut, résister quelques minutes face à des hordes de soldats ennemis, sauter dans un char pour stopper net un assaut, venir en aide à une escouade malmenée... Crédible certes, authentique même, mais trop souvent calqué sur les mêmes mécanismes. Le titre manque clairement de variété, fricote avec une répétitivité assassine, mais compense plutôt bien ces lacunes par des combats incroyablement intenses boostés à grands coups de scripts encore une fois classiques mais superbement exécutés.
A la base de ces fusillades dantesques se trouve une maniabilité solide, presque totalement calquée sur celle du premier jeu. Les nouveaux venus dans l'univers de Killzone risquent ainsi d'être un petit peu perturbés par la relative lourdeur des mouvements de Sev. Une lourdeur qui permet néanmoins de produire une gestuelle d'un grand réalisme. Eh oui, encore ce fameux réalisme. On se retrouve donc avec des rechargements délicieusement rugueux et une caméra qui ne se contente pas de rester à l'horizontale comme dans tous les FPS, mais qui tremblote, s'incline, remue à la moindre explosion, au moindre mouvement. On sent véritablement que Sev produit un effort pour se déplacer. Dans un autre registre, on notre que la majorité des armes du jeu font dans la mitraille, le plomb et oublie (presque) les lasers ou autres joyeusetés habituellement indissociables des univers futuristes. Toutes sont relativement imprécises, accusent un méchant recul, et forcent donc le joueur à privilégier les rafales courtes et le combat rapproché. Avec tout cela, Killzone 2 prend ainsi des airs de documentaire et nous immerge avec brio au beau milieu des combats.
En termes de prise en main, la seule différence avec le premier jeu tient à la possibilité de se coller derrière les différents objets du décor pour s'en servir de couverture. En maintenant la touche correspondante enfoncée et en jouant du stick, on pourra même se pencher sur les côtés ou surgir au-dessus de notre abri de fortune pour lâcher quelques bastos sur l'ennemi. Le système (d'ailleurs absent du multijoueur) fonctionne plutôt correctement, même si l'on n'échappera pas à des moments plus maladroits, Sev refusant parfois obstinément de se planquer derrière un bout de mur parce que tel est son bon plaisir. Et prenez garde, que vous soyez dans les ruelles de Pyrrhus, le village poussiéreux et désertique de Suljeva ou dans les tunnels de la raffinerie de Tharsis, une bonne partie du décor reste destructible. D'autant que des tonneaux de matière explosive aussi absurdes que pratiques semblent littéralement recouvrir la surface de Helgan. On note au passage que les environnements, aussi sublimes soient-ils, s'avèrent bien moins variés que dans le premier jeu. L'unité du soft est peut-être à ce prix.
Un autre petit sujet de grief tient au manque de diversité des forces helghastes. Outre les soldats de base, on dénombre quelques manipulateurs de fusils à lunette, de lance-flammes ou de lance-roquettes, des combattants un poil plus rapides que les autres et capables de vous charcuter à grands coups de couteau, quelques drones et véhicules mais surtout des "artilleurs", sortes de colosses qui évoquent indubitablement les Big Daddy de Bioshock. Hélas, se débarrasser de ces derniers n'implique généralement que d'asmater leur caboche, attendre qu'ils se retournent sous le choc pour leur tirer dans le dos. Mouais, on a quand même déjà vu plus inspiré. Heureusement, l'IA des différents combattants, alliés ou ennemis, est très convenable et permet d'assurer des fusillades intenses, nerveuses et encore une fois cohérentes. Au final et quelles que soient nos considérations, terminer les dix missions du jeu reste un régal et on sort de l'aventure lessivé, mais ravi.
Pour prolonger le plaisir, ne reste plus alors qu'à se plonger dans le mode multijoueur. Au niveau des bots (parce qu'il faut bien s'entraîner avant d'affronter de vrais joueurs), vous pourrez en activer jusqu'à 15 afin de compléter vos parties qui peuvent normalement accueillir jusqu'à 32 joueurs. Mais avant de vous lancer dans des affrontements multi, il vous faudra tout d'abord créer votre combattant via un système de classes un petit peu particulier. Car si les 6 classes proposées n'ont rien de très original et se contentent de nous ressortir les traditionnels sapeurs, infirmiers, éclaireurs, commandos, fantassins et saboteurs, on appréciera le fait de pouvoir créer son propre troufion. Chaque classe dispose en fait de deux "badges" spécifiques, des aptitudes spéciales qui lui sont propres. En combinant deux badges différents, on obtient un personnage encore plus spécialisé. Prenez le boost d'un soldat et la capacité de résurrection d'un doc, vous obtenez un bonhomme capable de sauver les miches de ses camarades dans les pires circonstances.
Les options de création de partie s'avèrent quant à elles particulièrement copieuses. On profitera de tous les modes possibles et imaginables : des matches à mort en solo ou en équipe, de l'assassinat, de la pose de bombes, de la capture de drapeau. On peut même choisir de varier les plaisirs en mélangeant les types de partie au sein d'un même match. Le premier round pourra par exemple être consacré à la capture d'un drapeau, le second à un deathmatch et le troisième à un assassinat. Au final, l'équipe victorieuse sera celle ayant remporté le plus de rounds. Très orienté vers le travail en équipe, Killzone 2 ne fait pas l'impasse sur les fonctionnalités annexes. On peut ainsi créer des escouades temporaires de 4 joueurs qui profiteront du coup d'un canal audio privé. Il est également possible de constituer son clan et de le maintenir en vie via des tournois et défis de clan à clan. Là encore, le multi de Killzone 2 n'invente rien mais est difficilement critiquable tant il s'évertue à satisfaire le joueur. Et voilà finalement un constat qui pourrait convenir à l'ensemble du jeu. Intense, beau à en pleurer, le soft de Guerrilla se pose en véritable Roll's Royce du FPS sur PS3.
- Graphismes19/20
On s'en doutait depuis longtemps mais Killzone 2 nous inflige bien la torgnole visuelle annoncée. La beauté du jeu n'est peut-être pas aussi éclatante et tapageuse que celle d'un molosse tel que Gears of War 2, mais elle en est sans doute plus viscérale et donc finalement plus réussie. Le jeu prend aux tripes et assène des séquences chocs qui prennent souvent des airs de reportage live sur un théâtre de guerre. La maîtrise technique de Guerrilla est incroyable. Les développeurs jouent des éclairages avec maestria et imposent sans effort leur vision d'un futur barbare et impitoyable. Bravo.
- Jouabilité17/20
Efficacité, c'est le premier mot qui vient à l'esprit lorsqu'il s'agit de décrire Killzone 2. Jamais le jeu n'invente véritablement, mais tout y est si finement intégré que l'on ne peut que se laisser entraîner dans la tourmente. La prise en main est exemplaire et l'action bien rythmée. Même les deux phases en véhicule, passage obligé de tout FPS grand public, s'avèrent grisantes.
- Durée de vie16/20
Comme souvent, il n'est guère évident de noter ce critère. Tout dépend en effet de votre approche. Venir à bout des 10 missions de la campagne ne vous prendra pas plus de 8 heures, mais si vous comptez vous adonner aux joies du multijoueur, vous pourrez facilement passer des nuits et des nuits sur Killzone 2. Cela dit, si l'on compare le soft à la concurrence, il semble peut-être un petit moins généreux en terme de contenu. Sans coop et avec seulement 8 cartes au compteur, le jeu tient moins bien la route qu'un Resistance 2.
- Bande son17/20
Une bande-son digne d'un énorme blockbuster hollywoodien. Les musiques, orchestrales à souhait, soutiennent magnifiquement l'action tandis que les bruitages claquent avec justesse. L'univers sonore de Killzone 2 est diablement immersif mais se trouve malheureusement entaché par quelques rares coupures et des problèmes de synchronisation. Les voix françaises sont d'excellente qualité, même si un poil au-dessous de la VO. Dans notre version du jeu, nous avons également constaté que les discours de propagande de Visari diffusés dans les rues de la capitale étaient curieusement restés en anglais.
- Scénario14/20
Le scénario n'est pas le point fort de Killzone 2 mais vous en serez tout de même pour une solide aventure sur un monde hostile. Les fans de la série auront même droit à quelques séquences qui risquent fort de leur faire chavirer les entrailles.
Killzone 2 allie un gameplay qu'il est difficile de prendre en défaut à une réalisation éblouissante et s'impose sans contestation possible comme l'un des meilleurs titres de la PS3, et peut-être même comme son meilleur FPS. Prenant, fascinant, immersif, torturé, violent, il parvient à nous faire oublier son classicisme absolu en mélangeant avec habileté tous les éléments qui le constituent, jusqu'à atteindre une forme de perfection. La note pourtant, qui ne veut pas signifier grand-chose au regard des sentiments que nous procure l'aventure, sanctionne un contenu un petit peu faiblard lorsqu'on le compare à la concurrence. Reste un titre exceptionnel qui marquera durablement les possesseurs de PS3 et qui instaure au passage des standards de qualité qu'il sera difficile d'oublier par la suite.