Après un Sonic the Hedgehog new gen de sinistre mémoire, Sega et la Sonic Team avaient beaucoup à se faire pardonner auprès des fans du hérisson bleu. A ce titre, Sonic Unleashed pourrait être considéré comme une amorce de rédemption. Bien plus beau et bien plus jouable, il tente même d'apporter de nouveaux mécanismes de jeu en vous permettant d'incarner Werehog, le côté sombre et bestial de Sonic. Oui mais voilà : la dualité lunatique du personnage donne lieu à un gameplay tout aussi inconstant, qui apporte au final des sensations très contrastées.
Sonic est un personnage attachant qui aura eu beaucoup de mal à évoluer depuis qu'il a posé ses pattes de hérisson dans l'univers de la 3D. On a l'impression qu'au fil des épisodes, la licence se cherche, explorant de multiples voies dans l'espoir de retrouver un peu de son aura. Mais c'est au risque de perdre son identité à travers un gameplay qui part parfois dans tous les sens. On avait fini par se faire à l'idée que Sonic soit devenu un jeu de courses et un jeu d'aventure tout autant qu'un jeu de plates-formes, mais Unleashed rajoute encore à la confusion en saupoudrant le tout d'une bonne dose de beat'em all. Eh oui, Sonic est désormais capable de rendre les coups pris autrement qu'en se roulant en boule : il tape, et tape même très fort.
L'explication de cette évolution - qui ne manquera pas de choquer les puristes - se trouve dans la dernière exaction en date du Dr. Robotnik. En utilisant la puissance des Chaos Emeralds pour alimenter un énorme canon spatial, la malotru a fracassé la Terre en plusieurs morceaux et réveillé Dark Gaia, le monstre qui se terre au centre de la planète depuis des millénaires. Il y a même plus grave : lorsque le soleil se couche, des monstres sortis des profondeurs menacent les habitants. Sonic lui-même semble affecté par ces phénomènes étranges : désormais, dès la tombée de la nuit, il se transforme en Werehog, une espèce de hérisson-garou au physique impressionnant. Sous cette apparence, il est moins agile mais beaucoup plus puissant : taillé pour le combat, il peut frapper lourdement ses ennemis ou les déchirer de ses griffes. Heureusement, même dans sa forme monstrueuse de Mr. Hyde, Sonic conserve son esprit de Dr. Jekyll. Il va donc essayer de contrecarrer les plans du Dr. Robotnik et de sauver la planète. Il bénéficiera pour cela de l'aide de Chip, un petit animal volant amnésique rencontré par hasard, mais aussi de celle de tous ses amis (Tails, Amy...), dont il ne manquera pas de croiser la route au cours de son périple.
Sonic Unleashed reprend un système de progression déjà vu dans les épisodes précédents : on n'a pas affaire à une succession linéaire de niveaux, mais à une aventure découpée en différentes étapes. Sonic devra visiter plusieurs continents à la recherche des temples de Gaïa qui s'y trouvent, et placer dans chacun une des sept Chaos Emeralds. Chaque étape débute par la visite d'une ville, peuplée d'habitants avec lesquels il est possible (mais rarement obligatoire) de tailler une bavette, et munie d'un hub à partir duquel on accède aux différents niveaux de la zone. Centré autour de la capacité de métamorphose de Sonic, le jeu vous propose de contrôler alternativement le hérisson bleu et sa version bestiale. Concrètement, il faut au minimum s'acquitter d'un niveau de jour et d'un niveau de nuit afin d'y récupérer les deux clés qui y sont cachées et de pouvoir ouvrir la porte du temple de la zone (ce qui ne pourra se faire qu'après s'être débarrassé du boss qui la garde). Mais les joueurs qui le souhaitent peuvent aller plus loin : lors de leurs pérégrinations, ils mettront la main sur des médaillons du jour et des médaillons de la nuit dont la collecte minutieuse permet d'accéder à des niveaux supplémentaires.
On ne sait trop que penser de ce système de progression et de cet enrobage scénaristique, si ce n'est qu'ils sont aussi sympathiques qu'inutiles. Le découpage prononcé de l'aventure, couplé à des cut-scenes fréquentes et bien trop longues, nuisent pas mal au rythme du jeu. A côté de ça, on constate rapidement, avec grand plaisir, que de nombreux défauts qui avaient entaché la précédente apparition de Sonic sur PS3 ont été corrigés. La maniabilité est meilleure, la gestion de la caméra est beaucoup plus convaincante, les temps de chargement ont été optimisés et les petites missions contraignantes et sans intérêt ont été laissées de côté. Par contre, la sensibilité de Sonic est toujours aussi prononcée, conduisant parfois à d'irritants ratés lors des déplacements. Ce qui est certain, c'est que devant le rendu visuel de Sonic Unleashed, on est prêt à pardonner à la Sonic Team ses errements sur l'épisode précédent : les différents environnements (Pôle Nord, Afrique, Chine...) sont magnifiquement modélisés. Dommage que sur cette version PS3, l'action ne conserve pas toujours une fluidité exemplaire lorsque la vitesse d'animation est à son apogée. Mais le jeu est tout de même réussi sur le plan de la réalisation, d'autant que l'ambiance sonore est pour sa part toujours aussi convaincante.
En ce qui concerne le gameplay, tout n'est pas aussi rose. L'alternance de phases de courses (le jour) et de phases de beat'em all (la nuit) ne convainc pas vraiment. Ce sont les premières qui se montrent les plus amusantes, mais ce sont aussi les plus courtes. Les niveaux ont beau être étendus, Sonic les parcourt plus que jamais à cent à l'heure, balisés qu'ils sont de bumpers, de loopings et de robots du Dr. Robotnik sur lesquels il est possible de s'appuyer pour aller encore plus vite. Le boost activable de Sonic lui permet même de conserver en toute situation une vitesse vertigineuse, si bien que le Spin Dash, sans doute jugé obsolète, a ici disparu au profit de mouvements d'esquive (glisse, pas de côté) permettant d'éviter certains obstacles. Le problème, c'est que tout aussi grisantes et spectaculaires que soient ces phases, elles manquent de possibilités d'interactions et rendent le joueur plus spectateur qu'acteur. On est trop souvent confronté à des courses à pleine allure durant laquelle la moindre prise d'initiative se solde par une mort assurée : le mieux est encore de se laisser porter. Ce qui a toujours été plus ou moins le fondement du gameplay de la série est ici poussé à son apogée.
En outre, comme il a été dit plus haut, ces phases de course sont bien trop brèves. Bien trop brèves en regard des longs préliminaires cinématiques qui les précèdent ; bien trop brèves en comparaison des phases en hérisson-garou. Ces dernières se résument à une succession de combats contre les créatures sorties de l'ombre. Werehog peut propulser ses bras "élastiques" sur elles ou encore utiliser ses griffes à courte portée. Bien que ces deux coups lui permettent de se débarrasser de la plupart des ennemis, il est doté d'une palette de mouvements assez étoffée qui lui permet de les attraper et de les lancer, d'effectuer des combos divers et variés ou encore de libérer toute sa puissance une fois sa jauge de rage remplie. Werehog peut même asséner un coup critique à un adversaire affaibli à l'occasion d'une série de quick time events (actions contextuelles). Ces QTE sont d'ailleurs une véritable plaie tant ils parasitent le gameplay de Sonic Unleashed. Outre leur présence dans les combats et lors de l'affrontement contre certains boss, on les retrouve dans les phases de courses pour activer des turbos, mais également dans des niveaux qui leur sont spécialement dédiés. On pense plus particulièrement à cette lourdissime séquence de shoot'em up dans laquelle Sonic et Tails, embarqués sur un vieux coucou, affrontent des vagues d'ennemis prenant tous la forme... de QTE.
Pour ceux qui se poseraient la question, précisons enfin que les séquences de plates-formes n'ont pas totalement déserté Sonic Unleashed. Elles ont simplement été retirées des phases de course pour venir agrémenter les phases de combat. Ainsi, les bras étirables de Werehog lui permettent de s'accrocher à des éléments du décor et d'évoluer le long d'un rebord ou de liane en liane. Mais attention : uniquement là où c'est prévu. Même si la plate-forme qui vous fait face vous paraît pouvoir être atteinte en étirant les bras, si les développeurs ont décidé qu'il fallait y monter en poussant une caisse, c'est comme ça et pas autrement ! Du coup, nul besoin de vous dire qu'entre les combats répétitifs et les séquences de plates-formes convenues, les niveaux en hérisson-garou deviennent vite soporifiques. Et pour ne rien arranger, ils sont parfois trop difficiles. Non qu'ils soient beaucoup plus ardus que les phases de course, mais ces dernières se révélant moins longues et plus amusantes, il est moins contraignant d'en recommencer plusieurs fois certains passages délicats. En somme, la variété des situations de Sonic Unleashed (aventure, course, beat'em all, affrontements contre des boss...) desservent le titre plus qu'elle ne le servent. On y vit le meilleur comme le pire et on en sort diablement frustré par l'inconstance du plaisir de jeu. Dommage.
- Graphismes16/20
Contrairement à son prédécesseur dont le rendu visuel était tout juste acceptable, Sonic Unleashed propose des environnements magnifiques et des personnages tout droit sortis des productions Pixar (seules les créatures de l'ombre, dont chacun appréciera le design à sa façon, jurent un peu dans ce très bel ensemble). Sur le plan technique, cette version PS3 se montre par contre inférieure à la version Xbox 360, en raison d'un framerate perfectible dans certaines phases de jeu (les missions dans Apotos notamment).
- Jouabilité10/20
Entre la sensation de subir plus que d'agir durant les phases de course, l'ennui profond (parfois teinté d'agacement) qui émane des phases de beat'em all et l'avalanche d'actions contextuelles qui pointent à tout bout de champ, on ne peut pas dire que le gameplay de Sonic Unleashed soit convaincant. Ceci étant, n'oublions pas que Sonic revient de loin et que cet épisode a notamment su régler la majorité des problèmes de jouabilité et de caméra qui entachaient l'opus précédent.
- Durée de vie13/20
Malgré la difficulté particulièrement retorse de certains passages, un joueur régulier viendra vite à bout de Sonic Unleashed, du moins en ce qui concerne la trame principale. Vous avez en effet la possibilité de débloquer des niveaux supplémentaires en accumulant des médailles de deux types. C'est une façon comme une autre d'augmenter la durée de vie, d'autant plus faiblarde que le jeu brille par l'absence du mode coopératif qui était présent dans le précédent volet.
- Bande son16/20
Les thèmes musicaux de Sonic Unleashed (qu'il est possible de réécouter après les avoir débloqués) se révèlent tout aussi séduisants que ceux de l'épisode précédent, avec leurs accents parfaitement adaptés à la zone qu'ils illustrent. L'ambiance sonore est quant à elle encore plus réussie, que ce soit en termes de bruitages ou de voix des différents personnages.
- Scénario10/20
L'histoire de Sonic Unleashed est ce qu'elle est : à savoir fortement dispensable tout en ayant le mérite d'exister. Le problème est surtout que les nombreuses cuts-cenes hachent le rythme de la progression dans le jeu. A la limite, on en viendrait presque à espérer un retour à une bonne vieille succession linéaire de niveaux. Mention spéciale, toutefois, à la superbe cinématique d'introduction.
A trop vouloir manger à tous les râteliers, Sonic s'embourbe dans une diversité de genres qui ne lui sied guère. Très réussi au niveau visuel, malgré une fluidité perfectible sur cette version PS3, et surtout expurgé de bon nombre des problèmes de jouabilité qui entachaient l'épisode précédent, Sonic Unleashed se montre beaucoup moins convaincant sur le plan du gameplay. Phases de jour impressionnantes mais courtes et peu interactives, phases de nuit hors de propos et vite redondantes : le constat est sévère. Pourtant, force est de constater qu'on s'y amuse, et que si Unleashed est un Sonic plus que moyen, cela reste un titre beaucoup plus recommandable que ne l'était l'opus précédent. La série est donc sur la bonne voie, mais beaucoup de travail reste à accomplir pour lui permettre de retrouver ses lettres de noblesse.