Syberia est le second jeu d'aventure de l'auteur Benoît Sokal (L'Amerzone, Paradise, L'Île Noyée, sans oublier Broadway l'année prochaine). Et sans aucun doute le plus réussi. Avec son univers plein d'automates, ses graphismes somptueux et son intrigue passionnante, Syberia a marqué l'esprit de nombreux joueurs d'une empreinte indélébile. Six ans après sa sortie, ce monument arrive sur DS.
Après Runaway : The Dream of the Turtle, Secret Files : Tunguska ou encore Ankh plus récemment, c'est donc au tour de Syberia de connaître une seconde vie sur Nintendo DS. Et comme pour les titres précités, cette sortie plus que tardive fait naître la même interrogation dans nos esprits : quel est l'intérêt de cette version ? Sachant que le jeu est trouvable à moins de 5 euros neuf sur PC (contre 40 sur DS), qu'il tourne sur n'importe quelle brouette, qu'il bénéficie de graphismes plus fins et de doublages (ici passés à la trappe), on peut légitimement se le demander. Reste l'argument de la portabilité... Si vous devez faire un long voyage en avion, vous pouvez alors vous laisser tenter, car l'aventure Syberia reste toujours aussi plaisante à parcourir sur petit écran. En effet, hormis quelques adaptations au niveau de la jouabilité, repensée pour l'utilisation du stylet, cette version DS reste très fidèle à l'originale. Les lignes qui suivent le sont donc autant envers le texte publié à l'époque.
Dans Syberia, on suit les pérégrinations d'une jeune avocate d'affaires new-yorkaise du nom de Kate Walker, qui va être amenée à parcourir l'Europe d'ouest en est à travers une série de décors et de lieux emprunts d'une certaine dose de mystère. Froide en apparence et dotée d'une ambition dévorante, Kate est d'abord envoyée à Valadilène, un petit village perdu au beau milieu des Alpes françaises, pour conclure le rachat d'une usine d'automates pour le compte de l'Universal Toy's Company. La vente étant prévue depuis longue date, cela ne devrait pas lui prendre plus d'une journée. Un problème de taille vient pourtant perturber le bon déroulement des opérations. Dès son arrivée à Valadilène, Kate est témoin d'un étrange cortège funèbre composé uniquement d'automates. Mais plus que les machines qui ouvrent et ferment la marche, c'est la nature même du convoi qui inquiète l'héroïne. En effet, il s'agit tout simplement de l'enterrement d'Anna Voralberg, la propriétaire de l'usine ! Qu'à cela ne tienne, elle est ici pour effectuer une vente et vente il y aura ! Un rapide tour chez le notaire l'avertira cependant que tout n'est pas aussi simple. Anna a un héritier en la personne de son frère Hans, lancé sur la trace des mammouths depuis de nombreuses années. Voilà qui complique la tâche de Kate. Non seulement le rachat va prendre plus de temps que prévu, mais en plus, il va falloir qu'elle retrouve Hans. Et quand on sait que la dernière missive de ce dernier remonte à il y a plus de six mois et qu'il se trouvait alors au cœur de la Sibérie, on se doute bien que ce n'est pas gagné d'avance.
On l'aura compris, Syberia est un de ces trop rares jeux à mettre l'accent sur un scénario fort et qui parvient à instaurer une ambiance très prenante. Avec ce titre, Benoît Sokal nous livre une vision décalée de l'Europe centrale où les automates font partie intégrante du quotidien. Ils sont partout à tel point que l'on se demande parfois s'ils ne sont pas vivants et ne possèdent pas leur propre conscience... Malgré le passage à une résolution inférieure, Syberia jouit d'une bonne qualité graphique. Les décors sont soignés, c'est plutôt joli, même si l'intégration des personnages en 3D n'est toujours pas optimale, un défaut déjà présent dans la version originale. On sent néanmoins qu'un gros travail de recherche a été effectué sur l'architecture de chaque lieu. Valadilène dans un style art nouveau, Barrockstadt et son université majestueuse, la cité industrielle de Komkolzgrad ou la station thermale d'Arabald avec tous ses bâtiments délabrés... Autant de lieux envoûtants que nous fera découvrir Kate dans son voyage. L'ambiance sonore n'est pas en reste et nous berce d'agréables musiques parfois symphoniques, d'autres fois d'inspiration plus soviétiques, voire tzigane. Seul bémol, les dialogues de cette version DS ne sont plus parlés mais entièrement textuels. Côté gameplay, Syberia propose des énigmes relativement simples, ce qui fait que la progression est rapide. Trop même, du coup la fin de l'aventure arrive précipitamment. Mais mieux vaut un jeu court de cette qualité que l'inverse.
- Graphismes16/20
La transition PC-DS ne se fait pas sans dégâts, Syberia y laisse forcément un peu de sa superbe. Le résultat reste néanmoins satisfaisant. Plus que la technique, c'est surtout sur le plan artistique que le bébé de Benoît Sokal fait fort, en parvenant à dégager une personnalité extraordinairement attachante.
- Jouabilité13/20
La maniabilité n'est pas excellente, la faute à des déplacements parfois imprécis et à l'icône à balader sur les décors pour y dénicher les zones interactives, pas vraiment pratique à l'usage. Une simple pression sur une touche aurait pu suffire à les dévoiler, comme dans d'autres titres du genre. Certaines énigmes ont été remaniées pour l'utilisation du stylet, sans que le déroulement s'en trouve véritablement chamboulé. L'écran tactile accueille un inventaire réduit accessible à tout moment.
- Durée de vie10/20
Syberia se parcourt un peu à la manière d'une bande dessinée. On avance vite et à un rythme régulier sans jamais rester bloqué trop longtemps face à une énigme. Moins de dix heures suffisent pour en venir à bout.
- Bande son14/20
La musique colle parfaitement à l'ambiance et parvient à immerger davantage le joueur dans cet univers à la fois si réel et complètement hors du temps. Par contre, on déplore la disparition du doublage d'origine.
- Scénario16/20
Les décors, les personnages, les automates... Tous ces éléments donnent une atmosphère très particulière à Syberia, sur laquelle vient se poser une intrigue originale et passionnante.
Sans surprise, Syberia reste un bon jeu d'aventure sur DS. Malgré quelques concessions bien compréhensibles, cette version portable parvient à conserver une grande partie du charme de l'originale, à savoir cette ambiance si particulière, si envoûtante. Du grand Sokal, sans doute son chef-d'oeuvre dans le domaine vidéoludique. Un chef-d'oeuvre qui peut désormais être glissé dans une poche.