Annoncé en 2000, puis annulé en 2004 avant d'être repris en 2006, Warhammer Online aura connu un accouchement pour le moins difficile. Pendant ce temps, l'attente des joueurs grandissait. Il faut dire qu'avec les développeurs de Dark Age of Camelot aux commandes et l'univers de Games Workshop en toile de fond, tous les espoirs étaient permis. Voyons si les promesses sont tenues.
Warhammer Online : Age of Reckoning (WAR), c'est avant tout un univers, créé et développé par les Anglais de Games Workshop depuis 25 ans. Ce monde fantastique sombre, peuplé d'elfes, d'orcs et de démons, a d'abord servi de support à un jeu de stratégie avec figurines. Puis, le succès aidant, il a été décliné en jeu de rôle sur table, en jeux vidéo, etc. Au fil des années, l'univers de Warhammer s'est considérablement enrichi pour devenir une référence en matière d'heroic-fantasy. A tel point qu'il a été une source d'inspiration pour beaucoup, et notamment pour Blizzard. Oui, cette petite introduction n'avait d'autre but que de rendre à Khorne ce qui lui appartient en rétablissant une vérité souvent ignorée des plus jeunes : Blizzard a clairement repompé des idées de Games Workshop en créant World of Warcraft (WoW). Il ne s'agit pas de faire un procès à l'un ou à l'autre, juste de mettre fin d'emblée à une polémique qui n'a pas lieu d'être en clamant haut et fort : oui, WAR ressemble à WoW, c'est normal puisqu'à la base WoW ressemble à Warhammer...
Ne vous étonnez donc pas si vous trouvez des similitudes dans le design, notamment au niveau de l'architecture, qu'il s'agisse des tours de guet des orcs, des bâtiments elfes ou des constructions naines. C'est assez flagrant dans certains environnements. Visuellement, WAR est donc une sorte de WoW plus détaillé, avec un peu plus de polygones et des textures plus fines. C'est peut-être moins cartoon, un poil plus sombre, mais les différences s'arrêtent là. WAR n'est sans doute pas le MMORPG le plus beau à l'heure actuelle, il pèche en particulier pour les animations, mais globalement c'est tout de même plutôt réussi. Et au moins, contrairement à Age of Conan (AoC), il ne requiert pas une configuration monstrueuse pour tourner correctement. L'essentiel, c'est qu'on retrouve bien l'ambiance Warhammer somptueusement illustrée dans les livres de règles par des artistes talentueux sous la houlette de John Blanche. De ce point de vue, les fans ne seront pas déçus. Mythic a d'ailleurs eu une excellente idée en regroupement tout le background dans le Tome de la Connaissance, qui sert à la fois de livre d'histoire, de bestiaire, de journal des quêtes, etc.
Tout ça c'est bien joli, me direz-vous, mais qu'en est-il du gameplay ? Venons donc maintenant au coeur du jeu, et pour commencer aux combats entre joueurs (PvP), puisque WAR est largement orienté vers ce type d'affrontements. Les six races du jeu sont opposées deux par deux : nains contre peaux vertes (orcs et gobelins), hauts elfes contre leurs cousins elfes noirs, humains de l'Empire contre forces du Chaos. Dans chaque région, il y a des zones contestées, avec divers objectifs à accomplir. A Ekrund par exemple, il y a une batterie de canons pour laquelle orcs et nains se battent. Tous les joueurs peuvent participer librement à sa capture aux côtés des PNJ. En plus de ces objectifs ponctuels, on trouve également des scénarios un peu plus complexes. Pour reprendre l'exemple de la guerre entre peaux vertes et personnes de petite taille, les deux factions se disputent les portes d'Ekrund, qui permettent de pénétrer dans la forteresse minière naine depuis le Mont de la Corne Sanglante. Pour y participer, il suffit de s'ajouter à la file d'attente. Dès qu'il y a assez de monde, l'instance se lance. Dans le scénario qui nous intéresse, il y a trois objectifs à capturer, qui rapportent des points tout comme la mort de joueurs ennemis. La première équipe arrivée à 500 l'emporte.
Ces victoires octroient des points de réputation, qui donnent droit à quelques capacités spéciales et à de belles récompenses chez les marchands correspondants. Mais elles ont surtout une influence à plus grande échelle : elles augmentent la jauge de contrôle de la région pour votre camp. Et le contrôle des régions ouvre la voie à l'attaque de la capitale adverse et, pourquoi pas, à sa mise à sac si l'assaut réussit ! C'est le fameux concept du "royaume contre royaume" (RvR), qui a déjà fait ses preuves dans Dark Age of Camelot et qu'Electronic Arts juge suffisamment important pour avoir déposé le nom... Il faut dire que ce système marche à merveille et représente un des principaux atouts de Warhammer Online. Il a surtout le mérite d'être parfaitement intégré à l'univers, au lieu de tomber comme un cheveu sur la soupe comme une vulgaire arène de capture de drapeau dans AoC... Dans WAR, c'est cohérent, on a vraiment l'impression d'appartenir à une faction et de contribuer à son destin, à la hauteur d'un grain de sable certes, mais de contribuer quand même. Le seul défi rencontré par le RvR, c'est évidemment celui de l'équilibrage. Les joueurs de WoW habitués du surnombre de l'Alliance voient de quoi il s'agit... Lors de la création d'un personnage, le jeu vous propose de rejoindre un serveur et une faction pour tenter de combler un écart de population. Libre à vous de refuser, mais espérons que cette fonction éponge une partie des disparités. Pour l'instant, l'avantage est plutôt à la Destruction, mais l'Ordre ne désespère pas de trouver de nouvelles recrues.
Plus que le déséquilibre entre factions, c'est celui qui existe entre les classes qui peut s'avérer problématique. Et là il risque d'y avoir du boulot... Vous avez déjà essayé de lutter contre un chaman gobelin, qui court et saute partout en envoyant des sorts à distance, avec un guerrier spécialisé dans le corps-à-corps ne disposant même pas d'une capacité d'immobilisation ? C'est frustrant... Il faut dire que Mythic a vu les choses en grand en proposant une vingtaine de classes de personnages, avec quelques doublons certes, mais c'est tout de même plus que pas mal de concurrents. On retrouve les habituées du genre, à savoir tank, soigneur ou dispensateur de dégâts ambulant, bien qu'ils soient ici renommés à la sauce Warhammer. Le gameplay des combats ne diffère pas vraiment de la majorité des MMO, avec un système de compétences tout ce qu'il y a de plus classique. Les développeurs ont quand même intégré des aptitudes spéciales, dites "tactiques" et "de moral", qui apportent une once d'originalité.
Prenons un exemple concret. Avec un brisefer, le bien-nommé guerrier nain, la plupart des compétences de base consistent à donner divers coups, en général avec une hache à double tranchant, ce n'est apparemment pas très pratique pour se raser, mais ça fait mal. Ca dépense des points d'action, mais parallèlement la jauge de rancune augmente, ce qui améliore les dégâts ou la durée de effets. Au bout de quelques ennemis tués, la jauge de moral est pleine elle aussi, ce qui permet de déclencher une aptitude spéciale, comme une forte diminution de l'armure de l'adversaire. Ce n'est clairement pas aussi dynamique que le système d'AoC, mais on ne s'ennuie pas. En revanche, on regrette cruellement une autre des innovations apportées par Funcom : le combat contre des ennemis multiples. C'est rageant de balayer devant soi à grands coups de hache en sachant pertinemment qu'un seul des orcs situés en face encaisse les dégâts...
On l'a vu, le PvP et le RvR sont un sérieux atout, mais je vois déjà quelques joueurs asociaux s'interroger au fond. Qu'ils se rassurent tout de suite, il est tout à fait possible de prendre du plaisir en solitaire, autrement dit en PvE. Le contenu est assez riche à ce niveau-là, même si les quêtes de base sont comme souvent sans grand génie. Au moins sont-elles bien intégrées à l'univers. WAR introduit surtout une nouveauté appréciable, les quêtes publiques, dont les objectifs sont accomplis par tous les joueurs situés dans une zone donnée. Elles sont découpées en phases progressives. Par exemple, éliminer cent orcs, puis escorter un groupe de marteleurs nains, enfin tuer un boss et ses sbires. Ces quêtes sont bien construites et représentent un réel intérêt, d'autant que l'influence gagnée permet de choisir de précieux objets. Les joueurs ayant le plus participé à la victoire se voient aussi récompensés par un sac de butin dans lequel ils pourront sélectionner un item forcément adapté leur classe. Une idée sympathique de plus à rajouter au crédit de Mythic. Quant au système d'artisanat, il cumule de bonnes trouvailles (l'alchimie peut créer des potions instables) et des moins bonnes (la culture et ses longues minutes nécessaires pour faire pousser la moindre graine).
Au final, la question qui se pose est bien sûr : Warhammer Online est-il meilleur que World of Warcraft ? Pas meilleur, non, ce n'est pas aujourd'hui que les serveurs de la poule aux oeufs d'or de Blizzard vont se vider. Disons plutôt qu'il est différent, malgré d'évidentes similitudes graphiques. Une réponse qui peut paraître facile, mais qui s'impose pourtant comme une évidence tant les publics visés ne sont pas les mêmes. En se basant d'un point de vue uniquement qualitatif (sans prendre en compte le nombre d'abonnés, donc), le vainqueur du match entre Warhammer Online, World of Warcraft, Age of Conan, Everquest II et Le Seigneur des Anneaux Online n'est pas l'un d'entre eux. Il serait vain de les mettre en compétition et de tenter de les hiérarchiser tant ils proposent des choses différentes. Les gagnants, dans tout ça, ce sont plutôt les joueurs, tout simplement. Avec l'arrivée de ce nouveau représentant de poids, ils voient l'offre de MMO fantasy de qualité s'élargir un peu plus encore, et ça c'est bien. Ils n'ont plus qu'à faire leur choix.
- Graphismes15/20
Warhammer Online utilise le moteur 3D Gamebryo, comme Oblivion par exemple. Après Age of Conan, on ne peut pas dire que ce soit très impressionnant. WAR ressemble plutôt à un World of Warcraft en plus fin. Bref, les graphismes sont un peu datés techniquement. On retrouve cependant l'identité visuelle de Warhammer fidèlement retranscrite, c'est l'essentiel.
- Jouabilité16/20
Avec les affrontements royaume contre royaume et les quêtes publiques, Warhammer Online dispose d'arguments solides pour séduire les habitués du genre un peu blasés par ce qui se fait ailleurs. Pour le reste, la jouabilité est relativement classique mais efficace. L'interface joue son rôle, le jeu est très stable et ne souffre que de rares bugs mineurs. Même les combats parviennent à ne pas paraître trop statiques, malgré le récent passage d'Age of Conan.
- Durée de vie18/20
La montée en niveaux est assez longue, les régions à visiter nombreuses, et il y a vraiment des tonnes de choses à y faire. Comme d'habitude dans les MMO, c'est en centaines d'heures que la durée de vie se compte... Pensez tout de même à vous alimenter.
- Bande son14/20
Pas grand-chose à signaler de ce côté. C'est du bon travail, comme on est en droit de l'attendre venant d'une production de cette envergure, mais l'ambiance sonore fait parfois cruellement défaut.
- Scénario17/20
L'univers développé par Games Workshop sert d'ossature au jeu de belle manière. Tout est intégré de manière cohérente, et les joueurs avides d'informations se régaleront avec la richesse du Tome de la Connaissance. Evidemment, les fans les plus pointilleux noteront quelques libertés prises avec le support original ("des nains avec des bâtons de sorcier !"), mais s'ils enlevaient leurs oeillères, ils se rendraient compte qu'un travail d'adaptation vidéoludique requiert des concessions sur l'autel du gameplay.
L'attente fut longue, mais elle ne fut pas vaine. Difficile d'être déçu devant le résultat obtenu par Mythic. Warhammer Online est bel est bien un très bon MMORPG. Bien sûr, tout n'est pas parfait, mais à l'heure du bilan ce sont bien les nombreuses qualités du titre qui pèsent le plus lourd dans la balance. Tous les amateurs du genre se doivent ne serait-ce que de l'essayer, pour goûter un peu à son monde chaotique, et pourquoi pas pour venir grossir les rangs de l'Ordre et de la Destruction dans des affrontements épiques.