On ne peut pas dire que WorldShift ait beaucoup fait parler de lui au cours de son développement. Ce jeu de stratégie futuriste est resté très discret et n'a logiquement pas attiré l'attention des amateurs du genre, par ailleurs trop occupés à saliver devant les suites de StarCraft et Dawn of War. Pourtant, il serait dommage de passer à côté de WorldShift car, sans être révolutionnaire, il parvient à proposer quelques bonnes idées.
En fait, si on se penche un peu sur le passé des développeurs de WorldShift, on s'aperçoit qu'ils n'en sont pas à leur coup d'essai. Les bougres avaient déjà réalisé un bon wargame en 2004 : Knights of Honor. Et leur talent n'est pas passé totalement inaperçu, puisque leur studio a récemment été racheté par Crytek (Far Cry, Crysis). En voyant cela, on commence à se dire que WorldShift possède un certain potentiel malgré sa parution dans l'indifférence générale. Une impression qui se vérifie rapidement une fois le jeu en mains.
Mais commençons par le commencement. A la fin du XXIème siècle, un objet mystérieux apparaît dans le système solaire. Le Shard, c'est ainsi qu'il est baptisé, fonce droit sur Terre où il finit par s'écraser, en pleine Sibérie, alors qu'il aurait pu aller aux Seychelles cet idiot. Quoi qu'il en soit, sa présence engendre le Fléau, qui ravage tout sur son passage. Au fil des siècles, les humains se sont donc enfermés dans cinq villes gigantesques protégées par des boucliers. Malgré tout, ils doivent lancer des expéditions à l'extérieur de temps à autres, pour tenter de récupérer de la xénolite (des cristaux violets) et des artefacts issus des temps anciens. Mais en dehors des villes, c'est le territoire des mutants, qui ont survécu au Fléau en développant d'étranges pouvoirs. Et comme si cela ne suffisait pas, une race extraterrestre se dit que plus on est de fous, plus on rit, et décide alors de se joindre à la fête. Voilà pour la présentation succincte des trois factions.
Tout cela est développé dans une unique campagne solo composée de dix-huit missions successives, qui dévoilent un scénario pas si prévisible qu'on pouvait le craindre. Les humains sont en proie à des divisions internes, à des luttes d'influence, et tous ne considèrent pas les mutants comme des ennemis. Quant aux légendes sur les secrets enfouis de la planète, elles recèlent probablement un fond de vérité... Bref, cette campagne est agréable à parcourir et permet surtout de s'immerger en douceur dans l'univers en découvrant les différentes unités progressivement. Concrètement, WorldShift est ce qu'on pourrait appeler un "action-STR", comme les productions de Massive (Ground Control, World in Conflict). Il n'y a donc presque pas de bâtiments à construire ni de ressources à récolter. En général, il faut se contenter des unités fournies au début d'une mission pour la terminer. Les objectifs sont variés, mais on peut cependant déplorer qu'il n'y ait qu'un seul chemin pour les atteindre en général, balisé de belles flèches vertes qui plus est...
Quelle que soit la nature de la mission, il y aura des combats, puisqu'il n'y a pas de base et d'économie à gérer. Chaque faction possède une dizaine d'unités différentes : un héros, quatre officiers et quelques troupes de base. Le héros et les officiers possèdent plusieurs capacités ou pouvoirs, le coeur du gameplay consiste donc à choisir lesquels utiliser au bon moment. Sans faire l'inventaire de toutes les unités disponibles, voyons en détails quelques-unes d'entre elles pour se faire une idée de leurs aptitudes. Chez les humains, les chirurgiens sont spécialisés dans les soins aux unités organiques, tandis que les constructeurs font de même avec les unités mécaniques. Ils trouvent leur équivalent en la personne du chaman chez les mutants, qui pourront également compter sur le soutien du sorcier, capable de geler ou d'embraser les ennemis. Enfin, les extraterrestres ont des pouvoirs basés sur le contre : ralentissement, panique, paralysie, etc.
Ces différentes capacités donnent évidemment lieu à une pluie d'effets spéciaux visuellement réussis, comme le reste du jeu d'ailleurs. En revanche, on peut regretter que ces pouvoirs n'augmentent pas de niveau au fil des combats, comme dans Warcraft III par exemple. Dans WorldShift, les héros ne gagnent pas d'expérience ou d'objets en éliminant les ennemis. L'ajout d'un petit côté jeu de rôle n'aurait pourtant pas été du luxe pour sortir le gameplay d'une action certes débridée mais finalement bien basique. Heureusement, les développeurs ont trouvé un autre système, assez intéressant, mais qui intervient uniquement entre les missions. Il s'agit de personnaliser sa faction en lui octroyant des spécialisations par le biais d'un arbre d'une part, et de booster ses unités grâce à des artefacts de l'autre. C'est un aspect à ne pas négliger, car ça apporte un réel avantage, sous forme de bonus de vie, d'armure ou de dégâts.
On trouve des artefacts dans la campagne solo, mais aussi et surtout dans les parties multi. Il en existe deux types : les parties compétitives, comme dans la plupart des STR, mais aussi des parties coopératives sur des cartes spéciales à débloquer, où deux à trois joueurs doivent oeuvrer de concert pour défaire les créatures du Fléau. Un ajout sympathique, même s'il manque un peu de contenu. En multi, le gameplay s'étoffe un poil avec la présence de rares bâtiments et d'une ressource, mais le coeur du jeu reste une action nerveuse, avec d'incessantes escarmouches. Bref, WorldShift est un bon jeu "tout court". Quant à savoir s'il s'agit d'un bon jeu de stratégie... C'est plus compliqué. En effet, on ne voit pas toujours où est la stratégie dans WorldShift. On passe plus de temps à gérer des combats, des combats et encore des combats qu'à planifier, à gérer et à manager comme dans d'autres jeux du genre. Vous voilà prévenus, vous pouvez donc désormais vous laisser tenter en connaissance de cause, ça mérite le détour.
- Graphismes15/20
Le moteur Gamebryo (Oblivion, Civilization IV...) fait une fois de plus des merveilles. Unités, décors et effets sont jolis, avec parfois une petite touche Blizzard qui se dégage, WorldShift faisant penser tantôt à Warcraft III, tantôt à Starcraft II. C'est bien le seul reproche qu'on puisse lui faire sur le plan visuel : ne pas vraiment réussir à imposer sa propre personnalité.
- Jouabilité15/20
WorldShift mise avant tout sur l'action, ne vous attendez donc pas à élaborer de grandes stratégies. Ce titre se destine plutôt aux amateurs de parties rapides et trépidantes. De ce point de vue-là, le gameplay est incontestablement réussi. Bien sûr, c'est un peu basique, mais le système de personnalisation des factions vient rajouter un peu de profondeur.
- Durée de vie14/20
La campagne solo se boucle relativement vite avec sa petite vingtaine de missions rapides, mais WorldShift se destine surtout au multijoueur. Dommage qu'il manque de cartes, mais on apprécie la présence d'un mode coopératif, assez rare dans le genre.
- Bande son16/20
Les musiques sont de toute beauté, notamment les thèmes aux accents tribaux pour les mutants. Quelques passages vraiment épiques viennent souligner les phases de jeu survoltées. Le doublage est un peu en retrait mais demeure correct.
- Scénario15/20
Les bases de l'intrigue peuvent paraître convenues, mais l'histoire se complexifie au fil de son déroulement et finit par dévoiler toute sa richesse. L'univers s'étoffe de belle manière d'une mission à l'autre et parvient à éviter l'écueil du manichéisme.
En attendant des superproductions comme Starcraft II ou Dawn of War II, WorldShift prouve de belle manière qu'un petit studio peut aussi se faire une place dans le monde impitoyable des jeux de stratégie. Indubitablement orienté action, il saura convaincre les joueurs qui n'aiment pas se prendre la tête avec des plans élaborés et préfèrent se concentrer sur les combats.