Alors que le vacarme de conflits plus modernes résonne dans nos oreilles, la Seconde Guerre mondiale continue de faire recette chez les développeurs de jeux vidéo. On en fait des jeux d'action ou d'infiltration, des simulations aériennes... Si ça continue, la WWII sera bientôt déclinée en mugs, dans lesquels vous pourrez siroter une chicorée tout en admirant le champignon atomique s'élevant au-dessus des ruines fumantes d'Hiroshima. Bref, cette guerre donne lieu à autant de produits dérivés qu'un long métrage de Walt Disney... Mais le coeur de toutes ces adaptations reste les wargames et les jeux de stratégie, qui trouvent aujourd'hui un nouveau représentant avec War Leaders.
Ce nouveau titre, créé par les Espagnols d'Enigma Software, se veut donc un mélange des deux genres précités, à l'image de la série Total War. Pour résumer, une partie commence sur un globe terrestre, où vous déplacez vos troupes d'une région à l'autre en tour par tour. Vous pouvez également gérer l'économie, la recherche, les constructions de bâtiments, etc. Pendant ce temps, les autres factions font de même. Il y en a sept, soit les principaux belligérants de l'époque : Américains, Anglais, Français, Italiens, Allemands, Soviétiques et Japonais, dirigés par leurs leaders respectifs (Roosevelt, Churchill, De Gaulle, Mussolini, Hitler, Staline, Tojo). Lorsque deux unités ou armées adverses occupent la même case, il y a conflit. Il est possible de laisser l'ordinateur décider de l'issue de la bataille ; en général, ça se joue tout simplement à la supériorité numérique. Si vos forces sont inférieures à celles de votre ennemi, mieux vaut donc laisser parler la stratégie, la seule, la vraie : la vôtre ! A ce moment-là, War Leaders change d'échelle et devient un véritable jeu de stratégie en temps réel. Ce double gameplay est à double-tranchant : lorsqu'un titre tente de jouer ainsi sur plusieurs tableaux, il peut réunir les amateurs des deux genres, mais peut également s'aliéner tous les publics en survolant les deux sujets trop superficiellement. Voyons si War Leaders parvient à éviter cet écueil en décortiquant les différentes phases de gameplay l'une après l'autre.
Commençons donc par la phase wargame, puisque c'est par elle que débute toute campagne. Le mot "campagne" ne désigne pas ici une succession de missions scénarisées, juste une partie solo couvrant l'intégralité du conflit, de l'entrée en guerre de votre faction (variable selon le camp choisi) jusqu'à la victoire totale. Un objectif de longue haleine, puisqu'il faudra compter plusieurs années pour espérer l'atteindre. Et comme un tour de jeu couvre une semaine de temps virtuel, prévoyez donc quelques centaines de tours avant de voir le bout d'une partie. Selon que vous ayez choisi d'enfiler le képi du général de Gaulle ou la moustache du camarade Staline, vous voici à la tête d'un territoire plus ou moins vaste. Chaque région rapporte de l'argent grâce aux impôts, argent qui doit évidemment être réinvesti dans l'effort de guerre : construction d'aéroports, de défenses côtières, de véhicules blindés... Les possibilités sont nombreuses. Il ne faudra pas non plus négliger la recherche, qui apporte progressivement de l'armement plus performant, jusqu'à la bombe nucléaire qui conclut l'arbre technologique. Selon votre niveau, il est possible d'automatiser une partie ou la totalité de la gestion. Malgré cet éventail assez riche, War Leaders n'atteint pas la profondeur d'un vrai wargame, je pense notamment à la série Hearts of Iron, qui fait référence dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, et dont un nouveau volet a d'ailleurs récemment été annoncé. Le titre d'Enigma se destine donc plus aux néophytes qu'aux vieux stratèges aguerris par des années de pratique.
Dans la partie STR, c'est tout le contraire. En temps réel, War Leaders devient beaucoup plus exigeant, même si les débutants pourront compter sur des niveaux de difficulté appropriés, en ôtant la gestion du moral ou du ravitaillement par exemple. Lorsque vous contrôlez votre armée directement sur le champ de bataille, vous n'avez pas le droit à l'erreur. Vos troupes sont limitées à ce qu'elles étaient sur la carte globale, autant au niveau du nombre que de leur état. Il faut veiller au stock d'essence, de munitions, sans parler du moral qui peut facilement mettre une unité en déroute s'il se retrouve dans ses chaussettes... Il est également indispensable de tenir compte du terrain, en positionnant son artillerie en hauteur par exemple, ou en mettant l'infanterie à couvert dans des bâtiments. Enfin, vous devez veiller à utiliser les ordres de déplacement à bon escient, en choisissant la formation adéquate. Et tout ça en moins d'une demie-heure s'il vous plaît, puisque c'est le temps imparti pour régler les affrontements ! Autant dire qu'il ne faut pas chômer. Avec tous ces paramètres à prendre en compte, les phases en temps réel ressemblent plus à Theatre of War qu'à Company of Heroes. Un constat qui est malheureusement aussi vrai sur le plan visuel, le moteur 3D de War Leaders accusant quelques années de retard. C'est un défaut qui ne rebutera pas les vrais amateurs de stratégie, qui placent le gameplay avant les graphismes, mais c'est un défaut tout de même. On peut faire un jeu profond et beau, les deux ne sont pas forcément incompatibles.
Au final, que donne ce mélange ? Le résultat est plutôt bon, il faut l'admettre. Par contre, avec une partie en tour par tour assez accessible et une partie en temps réel beaucoup plus exigeante, on se demande un peu à quel public s'adresse War Leaders. On va dire qu'il plaira aux joueurs chevronnés férus de STR réalistes voulant goûter aux joies du wargame, qui trouveront là une bonne initiation au genre.
- Graphismes11/20
Oui, les graphismes ne font pas tout, mais c'est tout de même un gros plus pour l'immersion. Et sur ce plan-là, War Leaders pêche un peu. Certes, les véhicules sont correctement modélisés. Mais les environnements et les effets font parfois peine à voir.
- Jouabilité15/20
Les deux aspects du gameplay de War Leaders sont plutôt réussis, mais s'adressent à des publics différents. Le côté wargame s'adresse plutôt aux débutants, tandis que le versant STR vise des joueurs plus pointus. On déplore quand même quelques soucis, comme le manque de visibilité sur la carte globale lorsque beaucoup d'unités sont sur la même petite région, les temps de chargement à rallonge et une IA aux réactions parfois étranges.
- Durée de vie17/20
Il faut prévoir pas mal de temps pour finir ne serait-ce qu'une fois le mode campagne. En plus, il peut se recommencer à loisir avec la même faction ou une autre, les parties ne se déroulent jamais de la même façon. On trouve également une grande variété de cartes pour des batailles instantanées, et tout cela est évidemment jouable en multi. Bref, il y a de quoi faire.
- Bande son11/20
De la musique martiale, des bruits d'explosion, quelques ordres aboyés par les généraux... La bande-son n'est pas transcendante mais c'est le contexte qui veut ça.
- Scénario/
Pas de scénario à proprement parler si ce n'est l'Histoire, qu'il vous incombe de réécrire comme il vous conviendra.
On pouvait craindre qu'en voulant traiter deux sujets de front, Enigma ne fasse que les effleurer, au détriment de la profondeur de jeu. Mais le studio espagnol a réussi à éviter ce piège et nous livre un deux-en-un de bonne facture. War Leaders demeure toutefois un jeu à ne pas mettre entre toutes les mains. Vous voilà prévenus.