Loin de la course permanente à la performance graphique, des jeux gratuits peuvent parfois faire preuve d'une grande originalité qui leur assure un public de fidèles. C'est le cas de Tremulous, un jeu libre uniquement multijoueur qui mélange FPS et stratégie pour mettre en scène un affrontement entre humains et aliens.
Tous ceux qui avaient goûté à la série des Aliens Vs Predator savent à quel point il peut être grisant de se laisser envahir le temps d'une partie par l'instinct bestial du chasseur. Monter sur un mur, se cacher dans l'ombre en attendant que notre proie humaine s'approche à portée de mandibule... C'est bien avec ce type d'expériences que Tremulous permet de renouer. En effet tout comme ses illustres prédécesseurs, ce titre propose d'incarner au choix une hargneuse petite bestiole capable d'évoluer en un monstre colossal, ou un pauvre humain qui malgré tout son arsenal se sentira bien démuni. Ce n'est donc pas là que réside la principale originalité de Tremulous, mais plutôt dans sa façon d'allier deux genres distincts que sont le FPS et le jeu de stratégie. On avait déjà vu ce type de rapprochement dans des jeux tels que Savage, mais l'aspect stratégique n'était alors confié qu'à un seul joueur par équipe et ses coéquipiers devaient lui faire toute confiance. Dans Tremulous le constructeur de bâtiments est un joueur comme un autre, quoiqu'un peu plus fragile. Il ne dispose pas d'une vue aérienne du terrain et peut très rapidement devenir un combattant si la situation le nécessite. Dans l'idéal, tous les membres d'une équipe doivent donc coopérer pour mettre une stratégie au point.
Vous l'aurez vite compris, dans Tremulous on prend la notion d'équipe au sérieux. Les parties opposent systématiquement les humains aux aliens et chacun de ces deux camps a une identité et des caractéristiques bien spécifiques. Les humains, pour commencer, débarquent dotés d'une simple mitraillette. C'est seulement en tuant des aliens qu'ils parviendront à gagner des crédits, lesquels leur permettront d'acheter un meilleur équipement auprès de leur armurerie. Ils pourront ainsi acquérir des armes plus puissantes telles qu'une mitrailleuse ou un canon à énergie. Mais ils auront aussi cruellement besoin d'armures : de l'impressionnant exosquelette, jusqu'au casque doté d'un radar, en passant par le jet pack, ils trouveront certainement une protection qui convient à leur bourse. Mais tous ces équipements ne sont pas disponibles dès le début de la partie. En effet le jeu est basé sur un système de stages : il faut que chaque équipe tue un nombre d'ennemis donné pour atteindre le second puis le troisième stage. Et à chacune de ces étapes, de nouveaux équipements et bâtiments sont accessibles. Par exemple pour obtenir le fameux exosquelette, la battlesuit, il faut non seulement réunir 400 crédits, mais aussi que l'équipe dans son ensemble ait atteint le troisième stage. Si au début d'une partie les humains restent groupés et prudents ce n'est donc pas pour se tenir chaud, mais bien parce que, vu leur équipement sommaire, ils ont conscience du caractère précaire de leur existence face aux mandibules ennemies.
De leur côté les aliens n'ont pas vraiment la vie plus facile. Ils disposent certes d'un radar leur indiquant la position des humains et de leurs bâtiments, ce qui les met à l'abri d'une attaque surprise, mais ils viennent au monde sous la forme de toutes petites créatures, les dretchs. Ces dretchs n'ont que très peu de vie, et comme la plupart des aliens ils ne blessent qu'au corps-à-corps. Par contre ils ont pour eux la capacité de se déplacer très rapidement et de marcher aux murs. Ils sont donc amenés à tendre des pièges, se cachant sagement au plafond et sautant sur le premier humain passant par-là. Cette fois-ci le meurtre d'un ennemi ne rapportera pas de crédits mais des points d'évolution. En effet chez les aliens il n'est pas question d'acheter de nouveaux équipements, mais d'évoluer en une bestiole un peu plus grosse. Chacune de ces évolutions a des caractéristiques spécifiques : le basilisk peut toujours monter aux murs mais il est plus lent et peut figer un humain en se collant à lui, le marauder peut sauter de mur en mur… Tout en haut de la chaîne alimentaire se trouve le tyran, un monstre énorme accessible uniquement lorsque l'équipe est au troisième stage. Toutes ces classes aliens sont tellement différentes qu'à chacune d'entre elles correspond un gameplay bien spécifique. Voilà qui laisse le loisir au joueur de choisir la façon dont il a envie d'appréhender le jeu.
Le granger est une classe alien bien particulière puisqu'elle est dévolue à la construction, de la même manière un humain devra se munir d'un kit de construction pour créer des bâtiments. Chacune de ces structures aura un coût en termes de points de construction. Ces points sont fixés dès le début de la partie et permettent de limiter l'expansion des deux bases. Que les bâtiments soient organiques chez les aliens ou mécaniques chez les humains, on peut retrouver des similitudes dans leurs fonctions : il faut des oeufs ou des télénodes pour faire renaître ceux qui sont tombés au combat, des tubes d'acide ou des tourelles pour protéger la base et un overmind ou un réacteur pour que l'ensemble fonctionne. Par contre les caractéristiques des structures font en sorte que la base humaine soit davantage ramassée tandis que la base alien, plus fragile, sera plus facilement dispersée sur toute la carte, cachée dans des recoins inattendus. En effet dès le deuxième stage ces vilaines bestioles ont la possibilité de construire aux murs et aux plafonds.
Une partie n'est gagnée que lorsque l'une des deux équipes a exterminé l'autre. La destruction de la base ennemie est un passage obligé puisque tant que celle-ci sera debout les adversaires continueront de renaître. Avec la nécessité de défendre la base, le système de crédits ou de points d'évolution, ainsi que celui des niveaux gagnés en commun par tous les membres d'un camp, nous avons là les trois éléments de Tremulous qui poussent fortement à la coopération au sein des équipes. Le bon joueur ne sera pas nécessairement celui qui aura totalisé le plus de frags, mais plutôt celui qui sera mort le moins de fois possible, ou mieux celui qui aura sauvé le plus de coéquipiers. Ajoutez à cela que le gameplay bien spécifique des aliens demande un certain apprentissage, et vous comprendrez que Tremulous n'est pas un jeu que l'on pourrait considérer comme facile d'accès. Pour ces raisons, l'idéal sera bien sûr de découvrir ce titre tranquillement entre amis en réseau local avant de se lancer sur le net où l'on peut parfois avoir affaire à des joueurs peu scrupuleux. Il faut reconnaître que l'ambiance de jeu sur le net dépend en grande partie des serveurs sur lesquels on se connecte : à force d'habitude chacun trouve le serveur qui correspond le mieux à son état d'esprit du moment. D'ailleurs les cartes proposées et les règles telles que les limites de temps ou de points de construction peuvent varier d'un serveur à l'autre.
Venons-en enfin au défaut majeur de Tremulous : ses graphismes. Au départ conçu comme un mode non officiel pour Quake 3 Arena, Tremulous a profité du fait que le moteur graphique de ce dernier soit passé sous licence GPL pour devenir un jeu à part entière. Malgré les quelques améliorations apportées à ce moteur, ne vous attendez donc pas à être ébloui par l'esthétique du jeu. On pourra en partie excuser qu'un titre développé par des passionnés ne soit pas graphiquement du même niveau qu'un jeu commercial. Il faut aussi reconnaître que les cartes qui ne brillent pas par leur beauté sont parfois truffées de pointes d'humour (par exemple des fausses pubs brocardant des célébrités). Par contre on sera moins indulgent face à des environnements tellement sombres qu'il en devient difficile de s'orienter… En conclusion Tremulous est jeu vraiment prenant si l'on passe outre ses graphismes vieillots et si l'on est prêt à faire l'effort de le prendre en main. En tout cas ne soyez pas étonné de vous mettre à vérifier si un dretch ne se dissimule pas au-dessus des portes après y avoir joué.
- Graphismes10/20
C'est malheureusement sur ce point que Tremulous se fait largement distancer par ses concurrents payants. Le jeu est basé sur le moteur de Quake 3 Arena sorti en... 1999, et ça se voit. Il faut tout de même garder à l'esprit qu'il s'agit d'un jeu non-commercial, il est donc difficile de le comparer avec les graphismes d'un Unreal Tournament 3 ou d'un Enemy Territory : Quake Wars. On regrettera aussi que certains environnements soient excessivement sombres.
- Jouabilité17/20
Le gameplay bien spécifique exige un apprentissage assez long. Par contre une fois ces premiers moments laborieux passés, c'est un véritable plaisir de découvrir les subtilités des différentes classes d'aliens. Tremulous propose des expériences de jeu réellement différentes si vous choisissez d'incarner un humain ou un alien, et cela sans pour autant créer de déséquilibre entre les deux camps.
- Durée de vie15/20
Le jeu dispose d'une durée de vie assez longue du simple fait que des passionnés continuent d'élaborer de nouvelles cartes. Il faut aussi noter que les règles telles que la limite de temps ou le nombre de points de construction varient suivant les serveurs. Ces petits changements empêchent la routine de s'installer car ils ont de grandes répercussions sur les stratégies à adopter.
- Bande son14/20
Il n'y a pas de musique mais les bruitages, en particulier ceux des aliens, contribuent grandement à l'ambiance du jeu. Imaginez-vous sans munition, isolé et éloigné de votre base quand tout à coup vous entendez le rugissement d'un tyran surgissant dans votre dos. Frissons garantis !
- Scénario/
On ne sait malheureusement pas pourquoi l'espèce humaine est amenée à servir de casse-croûte pour aliens : Ont-ils décidé d'ouvrir un fast-food sur notre belle planète ? Nous en veulent-ils d'exterminer leurs cousines les araignées à grands coups de bombes insecticides ? Autant de questions qui resteront sans réponse.
La note pourrait paraître excessive vu la piètre qualité graphique du titre, cependant ce point est largement compensé par un gameplay inventif et nerveux. Au final le plaisir de jouer est au rendez-vous pour peu qu'on se soit donné la peine de passer par une phase d'apprentissage relativement rébarbative. Tremulous est sans conteste l'un des FPS les plus aboutis du petit monde du logiciel libre.