L'annonce d'un Ninja Gaiden sur DS en avait laissé plus d'un dubitatif. Adapter un des beat'em all les plus nerveux, les plus techniques et les plus classieux sur la portable de Nintendo paraissait un projet fou, voué d'avance à l'échec. Puis les premières vidéos du jeu ont été diffusées, laissant entrevoir une surprenante réalisation technique au service d'un gameplay ingénieux, et rassurant pour le coup les nombreux fans de Ryu Hayabusa. Aujourd'hui que nous tenons enfin le résultat entre nos mains, le pari semble réussi. Du moins en partie.
On l'a su très vite : Ninja Gaiden Dragon Sword n'est pas un simple portage de l'épisode sorti sur Xbox première du nom. Il est vrai qu'il lui emprunte de nombreux environnements (le village Hayabusa, le Monastère, les cavernes de feu et de glace et j'en passe...) et une grande partie de son bestiaire, avec en tête d'affiche certains boss qui nous avaient donné du fil à retordre sur Xbox. Mais Ninja Gaiden Dragon Sword reste un épisode bien à part, avec une jouabilité adaptée à la portable de Nintendo, un style graphique repensé et une nouvelle intrigue. Cette dernière se situe quelques années après la destruction du village de Hayabusa par l'Empire de Vigoor. Alors que les habitants pleurent encore la mort de la jeune Kureha, c'est au tour de Momiji d'être enlevée par les ninjas de l'Araignée Noire au service de la sorcière Obaba. Celle-ci cherche à mettre la main sur l'Oeil du Dragon, gardé depuis des générations par les membres du clan Hayabusa. Grâce au mystérieux pouvoir des Pierres du Dragon Noir, qui lui permettent de voyager à travers plusieurs dimensions, Ryu va vite découvrir l'ombre d'Ishtaros, le démon supérieur de la création.
Emmené par des cinématiques au style manga efficace, le scénario quelque peu embrouillé de Ninja Gaiden Dragon Sword sert surtout de prétexte à de petites phases d'aventure dont le joueur doit s'acquitter de temps à autre. Il faut par exemple parler régulièrement aux personnages du village Hayabusa (où Ryu revient entre chaque chapitre), qui sont susceptibles de vous donner des objets ou des informations importantes. Parmi eux, on retrouve avec grand plaisir Muramasa, le vieux marchand auprès duquel il est possible d'upgrader sa lame ou d'acheter de nouveaux Ninpo, les pouvoirs dévastateurs utilisés par Ryu. Mais place à l'action, qui reste le coeur de Ninja Gaiden Dragon Sword : des cohortes de ninjas ennemis et de démons divers et variés attendent le joueur tout au long des treize chapitres du jeu. Dès les premières minutes, un tutorial prend soin de l'initier pas à pas à la jouabilité spécifique de cette version, qui a la particularité d'exploiter à fond les possibilités tactiles de la DS. C'est bien simple : hormis l'utilisation des gâchettes pour parer et du bouton start ou select pour accéder à l'inventaire, tout se fait au stylet. Armé de cette lame miniature, tenant sa console à la verticale à la manière d'un Hotel Dusk, le joueur saute, tranche et esquive comme s'il avait fait ça depuis sa plus tendre enfance. Il suffit de faire glisser le stylet en direction d'un ennemi pour que Ryu l'attaque avec son épée, et de répéter l'opération pour le voir alors développer de fulgurants enchaînements. Un mouvement du stylet vers le haut, et notre ninja s'envole dans les airs, prêt à lâcher une de ces attaques spéciales dont il a le secret. Un adversaire lui est inaccessible ? Il suffit de le pointer à plusieurs reprises avec le stylet pour le cribler d'autant de shurikens. Cerise sur le gâteau : le lancer des Ninpo demande au joueur de remplir en temps limité un idéogramme japonais puis de balayer l'écran de la boule d'énergie élémentaire ainsi invoquée. Bref, le gameplay est bien nerveux et la prise en main enfantine rend le jeu accessible à tous les publics.
Les premières minutes de Ninja Gaiden Dragon Sword sont donc assez grisantes. Pour ne rien gâcher, les développeurs ont exploité à fond les capacités de la console pour nous proposer un jeu extrêmement solide au niveau technique, avec en particulier une qualité graphique rarement atteinte. Les environnements sont réalisés dans un savant mélange de 2D et de 3D précalculée. Cette technique permet d'afficher des décors fins et détaillés, et a surtout l'avantage de préserver la fluidité de l'action quel que soit le nombre d'ennemis présents à l'écran ou quelle que soit la taille du boss que l'on affronte. Elle a aussi le mérite de passer outre les problèmes de caméra, même si certains angles de vue trop éloignés nuisent parfois à la lisibilité de l'action. Irréprochable sur la forme, Dragon Sword donne vraiment l'impression de vivre une expérience unique. Par contre, joue-t-on vraiment à un Ninja Gaiden ? C'est la question que l'on peut se poser une fois rentré réellement dans le jeu. Tout d'abord, si l'aspect dynamique des combats a été préservé, il n'en est pas de même pour leur aspect technique. L'application soigneuse à essayer de multiplier les techniques et les coups spéciaux laisse vite la place à un crayonnage frénétique de l'écran lorsqu'on se rend compte que c'est tout aussi efficace. Ninja Gaiden Dragon Sword s'apparente dès lors à un de ces beat'em all hystériques où la rapidité d'exécution importe plus que le timing et la qualité des enchaînements. Pour donner un exemple concret, s'il reste possible de prendre appui sur un mur pour effectuer une technique spéciale une fois dans les airs, cela s'avère plus difficilement exécutable et bien moins efficace que des mouvements répétés du stylet en direction de l'adversaire.
En réalité, le jeu est beaucoup moins exigeant que ses grands frères console. On peut même estimer qu'il est dénué de ce qui faisait leur force : le challenge. Bien que graduelle, la difficulté reste peu élevée. On s'attend à ce que les ennemis rencontrés soient progressivement plus résistants : il n'en est rien, ils seront juste plus nombreux, ce qui a pour effet de rendre le gameplay de plus en plus brouillon. Autre élément à charge : la présence de points de sauvegarde beaucoup trop rapprochés (il y en a tous les trois ou quatre écrans), qui permettent de régénérer à volonté la jauge de vie et de Ki de Ryu. Ce dernier peut également acquérir un Ninpo qui lui offre un complet regain de vie : avec un tel pouvoir en réserve, les deux ou trois boss un peu plus résistants (dans le sens où ils nécessitent de ne pas foncer tête baissée) ne poseront plus l'ombre d'un problème. Où est passée la difficulté de Ninja Gaiden, où la moindre potion bue était vécue comme un sacrifice ? La conséquence la plus néfaste de ce nivellement de la difficulté par le bas est la faible durée de vie du jeu, qui peine à dépasser les six heures. Certes, ce seront six heures agréables à jouer, mais la répétitivité du gameplay semble ôter au titre tout potentiel de rejouabilité. C'est d'autant plus dommage qu'une fois le jeu terminé, on débloque enfin un mode de difficulté digne de ce nom, ainsi qu'un nouveau personnage. Bref, entre jubilation et frustration, ce Ninja Gaiden Dragon Sword procure au final une expérience de jeu mitigée. Cela reste un bon jeu d'action sur DS, mais un Ninja Gaiden quelque peu décevant.
- Graphismes17/20
C'est définitivement le point fort de Ninja Gaiden Dragon Sword. Bien que reprenant des environnements déjà parcourus dans l'épisode Xbox, il comble constamment nos rétines en proposant des décors fins, détaillés et variés, et en mettant en scène des personnages et des créatures bien animés.
- Jouabilité14/20
Nintendo DS oblige, jamais un Ninja Gaiden n'aura été aussi accessible : la prise en main est facile et la jouabilité ingénieuse. Il est d'autant plus dommage que les combats soient si peu techniques et si peu exigeants, conduisant le joueur à s'accommoder d'un gameplay brouillon.
- Durée de vie8/20
Tout aussi dynamiques et intenses soient-elles, 6 heures de jeu c'est bien trop peu. La possibilité de débloquer des modes de difficulté supplémentaires et un second personnage n'est un argument que pour les joueurs que la répétitivité du gameplay n'effraie pas.
- Bande son14/20
Les thèmes musicaux sont de bonne facture, mais sans doute un peu trop discrets, à moins qu'un boss ne soit présent à l'écran auquel cas ils prennent une ampleur plus épique. Les bruitages et les voix des personnages sont également de bonne qualité.
- Scénario10/20
Inutilement confus, le scénario ne brille vraiment pas par son originalité. Les phases d'aventure ainsi que les petites énigmes qui rythment parfois la progression de Ryu sont par contre appréciables.
Irréprochable sur la forme au vu de la performance technique qu'il constitue, Ninja Gaiden Dragon Sword n'en reste pas moins perfectible sur le fond. Sa jouabilité ingénieuse se dilue hélas dans un gameplay brouillon et vite répétitif. A charge également, le manque de challenge risque de surprendre et de décevoir les fans hardcore de l'épisode Xbox. Cependant, si vous êtes justement de ceux qu'une difficulté trop importante rebute, cet opus DS pourrait bien vous séduire. Mais gardez à l'esprit qu'il ne vous offrira qu'une maigre durée de vie.