Que fait une blonde pour s'enfuir d'une île oubliée dans les méandres du temps ? Non, ce n'est pas la dernière devinette à la mode, c'est simplement la question que vous allez devoir résoudre en jouant à So Blonde, jeu d'aventure concocté par les Français de Wizarbox.
La blonde en question, c'est Sunny, jeune fille âgée de dix-sept printemps qui répond consciencieusement à tous les clichés en rapport avec la couleur de sa chevelure. Très superficielle, elle s'intéresse avant tout à sa manucure, à son maquillage et aux séances de shopping auxquelles elle va pouvoir s'adonner avec sa copine Kimberly (après avoir passé des heures au téléphone, cela va sans dire). Malheureusement pour elle, ses plans ne se déroulent pas comme prévu lorsque ses parents l'embarquent pour une croisière ennuyeuse. Mais l'adolescente passe accidentellement par dessus bord et se réveille sur une plage paradisiaque. Son portable ne captant pas, son premier réflexe est de se mettre à la recherche du palace le plus proche. Cependant, il y a un hic : l'île oubliée semble être restée coincée en plein XVIIième siècle, pendant l'âge d'or de la piraterie !
Décidément, il est difficile de se départir de l'héritage de Monkey Island, la série phare de point'n click humoristique qui fit la gloire de LucasArts dans les années 90. Qu'il s'agisse de Runaway 2 ou de l'excellent Jack Keane l'an passé, nombreux sont les jeux d'aventure qui rendent hommage à cette légende inusable en mettant en scène des histoires de pirates et de vaudou sur une île tropicale. On ne va pas s'en plaindre, c'est toujours un contexte agréable à parcourir, surtout si c'est bien fait. Et So Blonde est très bien réalisé, c'est d'ailleurs un autre de ses points communs avec Runaway. On retrouve en effet un design cartoon coloré proche de la série de Pendulo, ce qui n'est pas le moindre des compliments, The Dream of the Turtle ayant placé la barre très haut du point de vue graphique. Les environnements de So Blonde ont le même foisonnement de détails et d'animations qui leur confère un charme indéniable. Seul bémol à ce niveau, les personnages sont animés de manière un peu robotique, leurs démarches manquent de souplesse. Mais je chipote, dans l'ensemble c'est tout de même du grand art.
Ces personnages justement, parlons-en. Comme toujours dans les jeux d'aventure, le chemin de l'héroïne va croiser celui de nombreux protagonistes tous plus délirants les uns que les autres. Au départ, Sunny va même penser qu'elle est tombée en plein milieu d'un parc à thèmes, seule explication possible à la présence de pirates et autres tribus autochtones étranges. Mais devant leurs réactions plus vraies que nature, elle va bien devoir se rendre à l'évidence... De fait, l'île oubliée est peuplée par quantité de gens qui ne vivent pas forcément dans une entente cordiale. D'un côté, il y a Le Borgne, terrible tyran qui s'est adjugé le contrôle du territoire grâce à la force de sa bande de brutes. De l'autre, on trouve la brune Morgane, capitaine de La Jouvencelle, qui fomente un plan pour renverser Le Borgne à l'aide de son équipage de pirates. Au milieu, il y a la population, administrée par Juan, maire et accessoirement poète talentueux. Sans oublier les tribus locales... Pour tenter de sortir Sunny de cette histoire de fous, il va donc falloir interagir avec tout ce petite monde via des dialogues souvent savoureux. Ils sont bien doublés, et surtout plein d'humour. Je vous rassure, il n'est pas nécessaire d'adhérer aux blagues sur les blondes pour apprécier le jeu, Sunny perdant progressivement son côté nunuche, très prononcé au départ.
Mais le plus fidèle allié de notre bimbo dans tous ces personnages, ce sera Max, qui n'est autre qu'un mignon petit coati, un mammifère à la longue queue et au museau effilé ressemblant vaguement à un raton-laveur. Au départ, il chipe le nécessaire de maquillage de Sunny, le récupérer constituera donc une des premières énigmes du jeu. Par la suite, il s'attachera à elle et deviendra un soutien précieux dans les moments difficiles. En effet, à certains moments, le joueur sera amené à incarner l'animal pour sortir Sunny d'un mauvais pas. Elle se retrouve emprisonnée ? Il ira récupérer les clefs de la geôle. Elle ne peut se faufiler dans un temple ? A lui de trouver un passage. Ces changements de personnage, même s'ils ne sont pas en soi une nouveauté (Jack Keane le faisait aussi, par exemple), apporte un soupçon d'originalité au gameplay, du fait qu'on se retrouve dans le pelage d'un animal. L'autre ajout par rapport à la jouablité point'n click classique, c'est la présence d'une quinzaine de mini-jeux qui interviennent pour réaliser certaines actions.
Soyez sans crainte, les développeurs ont pensé aux réfractaires en implémentant un bouton "triche" qui permet de l'emporter automatiquement. Les joueurs qui ne jurent que par la réflexion ne seront donc pas obligés de se farcir ces mini-jeux. Je n'irai pas jusqu'à dire que ça serait dommage de passer à côté, car ils ne sont pas franchement indispensables, mais ils ne sont pas mauvais pour autant, rendant souvent hommage à de vieux jeux game & watch ou arcade. Les énigmes demeurent néanmoins le coeur du gameplay. Si elles n'atteignent pas les sommets d'absurdité (et de difficulté) d'un Monkey Island, elles offrent quand même un certain challenge. Vous avez déjà essayé de préparer un capuccino avec les moyens du bord ? Pas évident... Préparez-vous donc à faire chauffer les neurones de Sunny, qui n'est pas aussi stupide qu'on pourrait le croire. En cas de blocage, il existe heureusement une fonctionnalité bien pratique, devenue indispensable dans les jeux d'aventure, qui autorise à voir tous les éléments interactifs d'un décor d'une simple pression sur la barre espace. Dernier point notable : certaines actions, à dénicher, sont facultatives. C'est toujours marrant de changer le nom d'un bateau même si rien ne nous y obligeait... La réalisation de ce genre de gestes n'aura donc aucune incidence sur le déroulement global de l'aventure, mais les joueurs les plus consciencieux se verront peut-être récompensés à la fin...
- Graphismes16/20
Les environnements ont bénéficié d'un grand soin. Les décors sont très travaillés et regorgent de détails, le tout avec un style cartoon coloré vraiment agréable à l'oeil. Le design des personnages est également réussi, par contre leurs animations laissent à désirer, particulièrement celles de Max, bien trop rigides.
- Jouabilité16/20
Pas grand-chose à signaler, So Blonde est un point'n click des plus classiques dans sa jouabilité, avec les avantages que cela comporte (une prise en mains immédiate) mais aussi les défauts inhérents au genre (des allers-retours fréquents, en plus plombés par des temps de chargement entre chaque écran). La quinzaine de mini-jeux apporte cependant un zeste d'originalité, et que les récalcitrants se rassurent, ils ne sont pas obligatoires.
- Durée de vie12/20
Comptez environ une douzaine d'heures pour connaître le mot de la fin, une durée correcte pour le genre, sans plus.
- Bande son15/20
Mention très bien pour le doublage, avec des personnages parfaitement interprétés. En revanche, les thèmes d'ambiance musicale auraient gagné à être plus variés.
- Scénario16/20
Le décalage entre l'héroïne et le monde sur lequel elle échoue est évidemment le prétexte à de nombreuses blagues, références diverses et autres absurdités anachroniques dont se délecteront les amateurs d'histoires humoristiques. La progression reste logique mais le déroulement du scénario n'en est pas prévisible pour autant.
Beau, fun, tout en nécessitant une bonne dose de réflexion, So Blonde possède toutes les qualités nécessaires pour le hisser dans le top des jeux d'aventure du moment. On en vient alors à regretter qu'il ne soit pas plus long, mais qu'importe, c'est déjà une belle réussite.