En dépit de ses fonctionnalités tactiles, qui aurait pu prédire au lancement de la DS que la petite portable de Nintendo deviendrait la meilleure ambassadrice du jeu d'aventure, juste derrière le PC ? Point'n click dans la plus pure tradition du genre, Undercover : Mène ton Enquête est la préquelle de Berlin 1943 : Les Secrets de l'Opération Wintersun, sorti début 2007 sur PC. Honnête sur la forme, il souffre comme son aîné d'un problème de fond, avec en particulier un scénario en manque de dynamisme et de consistance.
Dans Undercover : Operation Wintersun sur PC, le joueur incarnait John Russell, un professeur de physique dépêché à Berlin pour espionner les nazis et réduire à néant la menace nucléaire qui pesait sur le monde. L'histoire avait en effet pour originalité de se dérouler durant la Seconde Guerre mondiale, contexte assez peu exploité par les jeux d'aventure. Doté d'un sous-titre français aussi vendeur qu'inadapté, Undercover : Mène ton Enquête n'est pas la suite, mais une préquelle de Opération Wintersun. Elle nous transporte quelques années plus tôt, en 1939, dans un laboratoire de recherches ultra-secret situé dans un coin reculé de l'Angleterre. Le professeur John Russell – toujours lui – y officie alors comme chercheur sur un projet militaire ultra-confidentiel. A l'aube de la Seconde Guerre mondiale, le fruit de telles recherches pourrait susciter bien des convoitises. La crainte de l'espionnage se fait donc plus forte chaque jour, mais absorbé par son travail, John Russell n'y prête que peu attention. Il faudra tout le talent d'Audrey, la secrétaire du laboratoire, pour attirer son attention sur le terrible complot qui se trame, fomenté par des forces obscures qui n'auraient aucun scrupule à y impliquer un scientifique un peu naïf.
Au début de l'aventure, John Russell n'a pas vraiment conscience de ce qui est en train de lui tomber dessus. Grâce à la cinématique d'introduction, le joueur en sait un petit peu plus que lui, mais il n'en reste pas moins qu'il navigue dans le flou, et qu'une bonne partie du jeu va consister à comprendre ce qui se passe vraiment. Il faudra pour cela interroger les différents protagonistes et explorer soigneusement les lieux, tout cela au nez et à la barbe des agents du contre-espionnage qui surveillent notre scientifique et lui interdisent désormais l'accès à certaines salles. Heureusement, John est épaulé par Audrey, et cette collaboration est d'ailleurs au centre du gameplay. A l'instar d'Opération Wintersun, de nombreuses phases de jeu nécessitent l'utilisation conjointe des deux personnages : pendant que l'un fait diversion, l'autre s'infiltre et vice versa. Ils devront aussi se séparer de temps en temps, et rendre compte des progrès de leur enquête une fois réunis (pensez à entamer régulièrement le dialogue entre les deux, ça pourrait vous débloquer bien des situations !). Cette coopération entre deux personnages de sexe opposé n'est en rien inédite et évoque notamment la série des Chevaliers de Baphomet. Mais le double-écran de la DS est ici un outil idéal pour ce type de gameplay : il permet d'afficher un personnage sur chaque écran et de prendre ainsi le contrôle de l'un tout en gardant un oeil sur ce que fait l'autre. Et ça, c'est vraiment sympa.
En revanche, l'aventure en elle-même déçoit beaucoup. Les différentes actions à accomplir sont très souvent en marge de l'intrigue. Concrètement, on passe beaucoup plus de temps à résoudre des énigmes à base d'associations d'objets (exemple : comment construire un grappin ?), ainsi qu'à effectuer des mini-jeux un peu hors de propos (je pense au concours de fléchettes de la taverne), plutôt qu'à s'immerger réellement dans cette histoire d'espionnage. Il faut dire que le scénario ne favorise pas cette immersion : mal rythmé, porté par des personnages peu charismatiques et des phases de dialogues peu dynamiques, il témoigne en outre d'un manque d'ambition de la part des développeurs. Et pour ternir encore un peu plus le tableau, sachez qu'il ne vous faudra pas plus de 5 ou 6 heures de jeu pour voir le bout de l'aventure, ce qui est bien trop peu, même pour un jeu DS.
Au niveau de la jouabilité, on est en terrain connu : il s'agit d'un point'n click tout ce qu'il y a de plus classique. Toucher un objet ou personnage avec lequel il est possible d'interagir provoque l'apparition d'un menu contextuel qui est fonction des actions disponibles (aller, regarder, utiliser, parler...). Aussi simple qu'efficace ; on regrette d'autant plus que la jouabilité ne soit pas assurée par le seul stylet. Il faut en effet composer avec la croix directionnelle et plusieurs boutons pour ouvrir l'inventaire, changer de personnage, faire scroller l'écran, afficher la carte ou faire apparaître les hotspots (zones interactives de l'écran tactile, sources d'interactions). De même, la transmission d'objets entre John et Audrey nécessite une manipulation bien trop lourde, puisqu'il faut aller dans l'inventaire, s'équiper de l'objet, puis toucher le personnage de destination (qui doit donc se trouver sur le même écran) : réaliste, certes, mais peu pratique. Tout ça pour dire que, si l'ensemble ne fonctionne pas trop mal, on aurait été bien plus convaincu par une jouabilité tactile intégrale. On dressera également un bilan mitigé de l'aspect graphique. Particulièrement fins pour de la DS, et utilisant au mieux la palette de couleurs, les décors sont très réussis. Les personnages, par contre, sont d'un tout autre acabit. Modélisés de façon peu convaincante, ils sont en outre victimes d'une animation archaïque, qui les voit grandir ou diminuer par à-coups lorsqu'ils se déplacent dans la profondeur de l'écran, donnant la curieuse impression d'avoir affaire à des sprites successifs plutôt qu'à de vrais modèles 3D. Et pour être complet concernant l'aspect artistique, notons que la bande-son, qui aurait pu permettre de redynamiser un jeu et de lui apporter un surcroît d'ambiance, a été négligée : bruitages rares, thèmes musicaux inadaptés... On attendait bien mieux !
Au final, en dépit d'un gameplay qui utilise à merveille le double-écran de la console, on est très vite déçu par cet Undercover sur DS. On est prêt à pardonner ses errances de forme tant celle-ci est pleine de bonnes intentions ; mais le fond est quant à lui bien trop inconsistant pour susciter l'adhésion. Le problème est surtout que, comme je le rappelais en ouvrant ce test, la concurrence ne manque pas : de Another Code à Secret Files : Tunguska, on trouve beaucoup mieux sur DS en matière de jeux d'aventure.
- Graphismes13/20
C'est assez inégal. D'un côté, nous avons des personnages modélisés dans une 3D sommaire, qui souffrent d'une animation fort peu convaincante. Heureusement, ils se noient dans de beaux écrans en 2D : les décors fins et détaillés procurent un rendu réaliste rarement expérimenté sur DS. L'ensemble est donc plutôt plaisant, d'autant que les dialogues nous gratifient de visages soignés (quoique peu expressifs).
- Jouabilité13/20
Le gameplay est typique du genre, mais la jouabilité laisse quelque peu à désirer. Au bout d'un certain temps d'adaptation, elle fonctionne plutôt bien, mais en raison de certaines lourdeurs subsistantes, jamais la mécanique de jeu ne parvient à s'effacer au profit de l'implication dans l'aventure. Ce qui est fort dommage.
- Durée de vie8/20
L'aventure se boucle beaucoup trop vite, ce qui n'est pas un défaut en soi si l'on s'en réfère à la demi-douzaine d'heures de plaisir procurées par Another Code (pour ne citer que lui). Ici, à durée de vie égale, le challenge se résume trop souvent à des actions insignifiantes, telles que trouver des graines pour un perroquet ou remplir un bidon d'huile. Et c'est un peu décevant.
- Bande son9/20
L'ambiance sonore ne parvient pas à procurer au jeu le dynamisme qui lui fait défaut. Les thèmes musicaux ne sont pas désagréables, mais ils sont mal utilisés et beaucoup trop répétitifs. Quant aux effets sonores, ils sont bien trop rares : hormis les bruits de pas des personnages (omniprésents, et donc un tantinet agaçants), on n'a pas grand chose à se mettre sous la dent.
- Scénario10/20
Le jeu met en avant un background réaliste, peu souvent exploité par le genre. Mais cette histoire d'espionnage à l'aube de la Seconde Guerre mondiale manque de souffle épique : on était en droit d'attendre plus de suspense et de rebondissements. De même, les personnages n'ont pas assez d'épaisseur pour permettre de s'y attacher suffisamment.
Undercover : Mène Ton Enquête est un jeu qui exploite parfaitement le double-écran de la DS en le mettant au service d'un gameplay classique mais intéressant. Hélas, ces bonnes intentions se voient plombées par une intrigue peu motivante, portée par des personnages qui manquent singulièrement d'épaisseur et de charisme. Le joueur aura donc un peu de mal à s'impliquer dans cette aventure, sachant que sa persévérance ne sera pas récompensée par la durée de vie, insuffisante.