Développé exclusivement pour la Nintendo DS, Chasseurs de Dragons est inspiré du film d'animation du même nom actuellement sur les écrans. Loin de réaliser une adaptation bâclée et sans saveur, les développeurs de Playlogic ont brassé 25 ans de plate-forme et puisé leur inspiration dans les plus grands succès du genre pour en retirer la quintessence. Bien que perfectible, le résultat s'impose comme un des jeux les plus fascinants et les plus poétiques de la DS.
Chasseurs de Dragons est tiré du long-métrage d'animation récemment sorti sur grand écran, qui est lui-même une adaptation de la série TV diffusée sur France 3. Le jeu ne reprend pas exactement le scénario du film, mais ne fait que s'en inspirer. Les personnages principaux, Lian-Chu, Gwizdo et Hector, sont des chasseurs de dragons professionnels qui cherchent gloire et fortune. Engagés par un fermier pour débarrasser ses terres des chauves-souris qui les ont envahies (cette mission est l'occasion du didacticiel du jeu), ils se retrouvent vite embrigadés dans une quête beaucoup plus dangereuse : sauver la région de la menace de trois terrifiants dragons. L'appât de l'or brouillant parfois les ressorts de la raison et du bon sens, ils décident de relever le défi.
Chasseurs de Dragons est un jeu de plate-forme construit sur les fondements traditionnels du genre : scrolling horizontal, action ininterrompue, monstres à éliminer, pièges à éviter. Pourtant, ses concepteurs ont su enrichir et étoffer un gameplay qui n'a au final rien de classique. Ils ont pour cela puisé leur inspiration dans des références célèbres que vous trouverez citées tout au long de ces lignes. Mais il faut savoir que le gameplay a été développé en cohérence avec l'esprit de la série. Ainsi, la première spécificité du jeu est fondée sur la collaboration entre les trois personnages. Gwizdo est rapide et agile ; il est doté d'un double-saut qui lui permet d'atteindre des plates-formes élevées, peut grimper aux échelles et s'accrocher à des barres horizontales pour s'y balancer. C'est le personnage idéal pour l'exploration. Lian-Chu est un peu la brute épaisse du groupe : il est le seul apte à combattre les ennemis rencontrés, au corps-à-corps ou à distance (en lançant des bombes ou des aiguilles à tricoter), et peut détruire ou pousser de lourds blocs de pierre. Enfin, Hector peut jouer de sa petite taille, aussi bien pour se dissimuler quand le danger se fait pressant, que pour passer à travers d'étroits conduits après s'être mis en boule à la manière d'un Sonic. Le level-design vous oblige à alterner fréquemment entre les différents personnages afin de tirer parti de leurs capacités respectives et de résoudre les puzzles qui entravent votre progression. Pour ce faire, rien de plus simple : il suffit de toucher du pouce sur l'écran tactile le portrait du héros désiré, le changement est instantané. La prise en main est donc plus aisée que dans La Boussole d'Or sorti il y a quelques mois (qui proposait le même système de collaboration entre trois personnages), même si on regrette que les énigmes ne soient pas du même calibre. Les actions à accomplir sont en effet trop téléphonées : face à un rocher qui bloque la seule issue, vous devinez facilement qu'il faut utiliser Lian-Chu, etc...
En fait, on se rend vite compte que le challenge de Chasseurs de Dragons est ailleurs. Sa seconde particularité tient en effet dans un système de progression qui pourra paraître aussi motivant aux uns que contraignant aux autres. Le jeu est divisé en quatre zones (la jungle, les cavernes volcaniques, le temple, les terres dévastées des dragons) comprenant chacune deux ou trois niveaux. Si cela semble peu au premier abord , il faut savoir que ces niveaux doivent être parcourus plusieurs fois de différentes façons. Les objectifs sont variés : récupérer un maximum d'orbes, tuer tous les ennemis, détruire les oeufs de dragons qui sont sur le point d'éclore, atteindre l'arrivée le plus rapidement possible, ne pas se faire toucher... A l'issue de chaque défi entrepris, on vous gratifie d'une médaille qui est fonction de votre performance. L'objectif est d'en remporter trois (au moins une d'or, une d'argent et une de bronze) pour pouvoir passer au niveau suivant. C'est là que la difficulté se fait sentir : le jeu est extrêmement exigeant sur les conditions à remplir pour obtenir ne serait-ce qu'une médaille d'argent. La simplicité apparente de l'action n'en fait donc que mieux ressortir le besoin d'efficacité. Ce parti pris en termes de progression ne convaincra pas tout le monde, et risque de laisser les plus jeunes joueurs sur le carreau. En tout cas, une fois que vous avez bouclé tous les niveaux d'une zone, vous accédez à son boss – un dragon cela va de soi. Ces affrontements utilisent alors le double-écran de la DS et mettent votre dextérité à l'épreuve, puisqu'ils consistent à donner des coups de stylet pour envoyer des projectiles (boules de feu, tirs de baliste) sur l'infortuné lézard. A noter qu'entre chaque niveau, l'histoire évolue au gré de cut-scenes bourrées d'humour.
La dernière particularité du jeu (et non la moindre), est elle aussi fondée sur le background atypique du film. Chasseurs de dragons se caractérise en effet par un univers à gravité multiple. Imaginez que le système solaire explose en une multitude de fragments individuels, et vous aurez une idée des décors aussi chaotiques que poétiques dans lesquels évolue votre personnage. Durant le jeu, il lui arrive de rentrer dans le champ d'attraction d'un élément flottant qui dispose de sa gravité propre. Il peut ainsi, en vertu des lois de la gravitation, se retrouver subitement la tête en bas, faire le tour complet de petites planètes, ou encore bondir de l'une à l'autre comme si de rien n'était. Cet aspect, qui évoque le récent Super Mario Galaxy, se voit ici exploité de façon suffisamment ingénieuse pour gommer les contraintes de la vue latérale : le décor effectue souvent des rotations à mesure que vous avancez, afin de vous désorienter un maximum - ce qui vous donne l'impression d'évoluer dans un tableau de Escher. Le résultat, tout simplement jubilatoire, sert admirablement le level design, et procure à Chasseurs de Dragons une véritable singularité visuelle. Avec leurs débris en suspension sur fond de dégradé crépusculaire, les arrière-plans ont été particulièrement soignés. Le tout est soutenu par une animation à la hauteur malgré quelques ralentissements constatés quand la caméra s'éloigne un peu trop. Mais comment conclure ce test sans faire mention de l'excellente bande-son, qui porte littéralement le jeu ? Avare de bruitages, elle préfère mettre en vedette ses compositions musicales sublimes, dans un style rétro qui évoque les plateformers de la fin des années 80. L'ambiance globale du titre renvoie d'ailleurs à Shadow of the Beast, une référence en la matière, et c'est un véritable tour de force de la part des développeurs que d'avoir pu suggérer cette analogie.
- Graphismes15/20
L'esthétique du jeu devrait faire mouche aussi bien auprès des petits que des grands. Les personnages sont bien animés, les environnements sont fins et détaillés, et la palette de couleurs utilisée renforce le caractère à la fois poétique et absurde de l'univers. On déplore cependant quelques ralentissements occasionnels.
- Jouabilité15/20
A quelques rares exceptions près (je pense aux mouvements de gymnastique de Gwizdo lorsqu'il évolue de barre en barre), la maniabilité ne pose aucun problème. Les possibilités tactiles sont bien exploitées : on sélectionne un personnage ou on le soigne d'une simple pression du pouce. A noter que la difficulté importante de certaines épreuves est susceptible d'écarter les plus jeunes joueurs.
- Durée de vie12/20
Le nombre de niveaux étant assez restreint, il suffit de quelques heures pour voir la fin du jeu. Il en faudra toutefois beaucoup plus pour le terminer à 100 %, certaines médailles d'or étant particulièrement difficiles à obtenir. Les mini-jeux sont par contre purement anecdotiques, de même que le mode multijoueur disponible.
- Bande son18/20
Certains diront que je n'y vais pas de main morte, d'autant que les bruitages brillent par leur absence. Mais qu'importe : les thèmes musicaux sont d'une qualité tout simplement exceptionnelle. Ils contribuent aussi bien à dynamiser l'action qu'à immerger le joueur dans cet univers atypique.
- Scénario13/20
Loin des lieux communs et moins niais que de coutume, l'univers de Chasseurs de Dragons vaut cependant davantage par son aspect visuel que par son aspect scénaristique assez quelconque. On se régale tout de même à la lecture des dialogues savoureux entre nos trois protagonistes.
Doté d'un gameplay ingénieux et d'une excellente réalisation, Chasseurs de Dragons aurait pu figurer parmi les tous meilleurs jeux de plate-forme de la DS. Dommage que les développeurs aient effectué un choix aussi hasardeux en termes de progression, qui ravira les uns mais crispera les autres. Il reste que le titre vaut amplement le détour, ne serait-ce que pour son univers envoûtant et sa bande-son sublime.