De Shinobi à Ninja Gaiden, les ninjas sont souvent sortis de l'ombre pour envahir le paysage vidéoludique. Ils n'avaient par contre jamais investi les party-games, chose que Sanzaru Games s'est empressé de corriger avec l'aide d'Electronic Arts. Le problème, c'est que Ninja Reflex se révèle aussi beau mais aussi creux qu'un vase de Chine.
Six. C'est un peu plus que les doigts d'une seule main, mais un peu moins que le nombre de Tours de France remportés par Lance Amstrong. Six, c'est aussi le nombre de mini-jeux proposés par Ninja Reflex sur DS. Autant dire qu'on en a vite fait le tour et que l'on reste encore effaré par la paresse des développeurs, à moins qu'il n'y ait une fois de plus là-dessous une histoire de délais serrés. Et pourtant, tout avait si bien commencé. Un visuel de jaquette engageant pour tout fan de cinéma d'action asiatique, et de quoi réveiller l'ardeur de ceux qui, comme moi, s'étaient amusés comme des petits fous sur l'épreuve de lancer de shurikens dans Shinobi. L'entrée dans le jeu est l'occasion de constater que le thème a été joliment exploité : les menus fleuris et les notes délicates de cithare asiatique nous caressent aussi chaudement que la langue de braise du dragon au soleil couchant. En outre, le joueur est invité à se choisir un surnom typique en associant un nom et un attribut, piochés dans deux listes très fournies. Voyons... "Charbon espiègle" fera parfaitement l'affaire.
Puis l'on fait connaissance avec le Maître destiné à nous enseigner la voie du ninja. Plus proche du moine Shaolin que du guerrier japonais, il ne dépareillerait pas dans un film de la Shaw Brothers avec sa longue barbe blanche et son kimono orange. Qu'à cela ne tienne : on l'écoute religieusement nous prodiguer de précieux conseils qui nous permettront de trouver l'équilibre et l'harmonie à travers notre entraînement de guerrier. On regrette que la voix française qui double le personnage ne soit pas plus dans le ton, mais elle a le mérite d'exister et d'être suffisamment claire et audible. Dès ces premiers écrans, on apprécie aussi la réalisation superbe. La 3D est fine, la palette de couleurs bien choisie et les effets de lumière et de transparence magnifient des décors particulièrement travaillés. On n'a alors qu'une seule hâte : se lancer dans les mini-jeux. Ninja Reflex est architecturé autour de six épreuves, que l'on va retrouver déclinées à toutes les sauces. Elles sont destinées à perfectionner nos techniques de ninja en développant nos réflexes dans six domaines différents : Shuriken, Koi, Hotaru, Hashi, Katana et Nunchaku.
Dans Shuriken, il faut abattre des cibles mécaniques mobiles à l'aide des petites étoiles de fer. On verrouille les cibles en pointant l'écran tactile, puis on reproduit le mouvement de lancer avec le stylet. Ce mini-jeu est sans doute le plus plaisant du lot. Koi est une épreuve où l'on doit, d'une simple main, attraper des poissons lorsqu'ils remontent à la surface. Il faut s'armer d'une certaine patience, mise à l'épreuve par la jouabilité peu convaincante de ce mini-jeu (le stylet servant à la fois à attraper les poissons et à faire scroller la caméra). Le principe d'Hotaru est des plus basiques, puisqu'il consiste à toucher des lucioles qui s'allument furtivement. Hashi nous invite à manier les baguettes pour attraper des mouches et les glisser dans un bol. Katana nous oppose à nos propres démons (Oni) dont il faut parer l'attaque d'un geste du stylet, avant de les renvoyer dans le monde des esprits. On regrette que les mouvements du stylet soient (étrangement) moins bien reconnus que dans Shuriken. Enfin, Nunchaku remporte la palme de l'épreuve la plus tordue du jeu : tandis que l'on esquisse un 8 horizontal sur l'écran tactile pour manier le Nunchaku, le Maître nous envoie des projectiles qu'il faut détruire d'une pression sur l'une des gâchettes. Le problème, c'est qu'aucune ombre ne nous permet d'évaluer précisément la distance de l'objet, et que l'on se retrouve souvent à appuyer trop tôt ou trop tard. Ce mini-jeu devient donc vite agaçant.
La progression dans Ninja Reflex est construite de la façon suivante : une fois que l'on s'est acquitté avec succès des 6 épreuves, le Maître nous invite à passer une évaluation. Celle-ci est constituée de 3 mini-jeux choisis aléatoirement, au terme desquels le Maître évalue la performance accomplie. Une note minimum de C permet de remporter une ceinture, l'objectif étant bien entendu de progresser jusqu'à la noire. A chaque nouvelle ceinture obtenue, le jeu nous gratifie de nouvelles épreuves. Nouvelles ? Pas vraiment. Elles consistent pour une part en des versions plus difficiles des précédentes, et pour l'autre en des variantes à propos desquelles les développeurs n'ont pas manqué d'imagination : Shuriken nous convie à jouer avec "l'autre main" (sic), Hashi à laisser s'écouler un certain temps entre chaque capture, du style "425 ms" (sic), Hotaru à toucher l'écran quand les lucioles ne s'y trouvent "pas" (sic). On frôle le génie en matière d'arnaque (n'ayons pas peur des mots), d'autant qu'aucun autre aspect ne change : mêmes décors, mêmes principes. Face à ce pseudo-contenu et à la répétitivité extrême du concept, le soufflet retombe aussi vite qu'il était monté. Et ce ne sont pas les deux autres options de jeu qui relèveront l'intérêt du titre. Le mode méditation, hors de propos, consiste à fixer sa DS en écoutant les conseils du Maître pour se relaxer. Quant au mode multi, il propose à plusieurs joueurs de concourir en alternance sur la même DS. Anecdotique. Ninja Reflex rejoint donc la liste (qui s'étoffe peu à peu) des party-games sans intérêt.
En raison d'une incompatibilité avec l'appareil de capture, les images proviennent de l'éditeur.
- Graphismes16/20
Le mélange de 2D et de 3D est fort convaincant, d'autant que les décors ont bénéficié d'un soin tout particulier. L'animation est quant à elle satisfaisante et les menus sont particulièrement esthétiques. Bref : une vraie réussite visuelle.
- Jouabilité11/20
Trois épreuves sur les six proposées souffrent de problèmes de jouabilité plus ou moins prononcés : cela fait tout de même beaucoup. On regrette également qu'aucune d'entre elles ne tire parti du double-écran de la DS.
- Durée de vie5/20
Il ne vous faudra pas plus de deux ou trois sessions pour remporter la ceinture noire, suite à quoi le jeu ira recueillir la poussière de vos étagères.
- Bande son14/20
Le thème musical qui vous accompagne dans les menus est très agréable, et les mini-jeux sont dotés de bruitages particulièrement réussis. Cerise sur le gâteau : le Maître bénéficie d'un doublage sonore en français, chose assez rare pour être signalée.
- Scénario/
Ninja Reflex sur DS fait furieusement penser à Tous à l'Ouest ! sorti quelques mois plus tôt : la réalisation exemplaire n'est que poudre aux yeux pour masquer un contenu indigent. Si l'on y ajoute les quelques problèmes de jouabilité qui rendent parfois ce party-game plus agaçant qu'amusant, on ne voit guère ce qui pourrait vous convaincre de débourser 30 euros.