Nostalgie, quand tu nous tiens... Depuis que jouer n'est plus seulement une affaire de gamins, le marché s'intéresse fortement à la génération des trentenaires ou presque élevés à grand renfort d'arcade dans le biberon. Qui les en blâmerait, d'ailleurs ? Il existe vraiment une frange de joueurs atteints du virus du rétrogaming, collectionnant les oldies comme un antiquaire amasse les fauteuils Louis XV. Les éditeurs s'engouffrent donc dans la brèche à coup de remakes de Final Fantasy par-ci, de réédition d'Another World par là, y voyant un bon moyen de faire plaisir à peu de frais avec des licences légendaires déjà bien rentabilisées. Mais alors, c'était vraiment mieux, avant ?
Faisant moi-même partie de ces fameux quasi trentenaires ayant connu la glorieuse époque de la guerre Amiga-Atari, des premiers 286 et des mange-pièces, je ne peux qu'écraser une larmichette en revoyant le célèbre sprite jaune de Pac-Man qui orne la boîte de Namco Museum. A l'époque je n'en possédais d'ailleurs qu'un vil clone, habilement nommé "Glouton et voraces", qui tournait en 8 couleurs propulsé par l'unique mégahertz de mon Schneider Videopac 7000. La bonne époque j'vous dis. Et pourtant... Et pourtant. Nous conservons souvent un souvenir ému de cette période, mais n'est-ce pas uniquement car notre mémoire, si sélective, a occulté le reste pour ne garder que le meilleur ? Parce que nous regardions ces jeux avec les yeux émerveillés d'un enfant, prêt à tout pardonner ? Je ne sais pas, mais en tout cas cette compilation va nous rappeler avec brutalité à quel point, finalement, l'évolution a du bon. Car cette plongée dans la préhistoire vidéoludique ne va nous épargner aucun sentiment : frustration, rage, dépit... Tous vont défiler. Par contre, de joie, point.
Commençons avec le plus vieux des titres proposés par cette compilation : le shoot'em up Galaxian, dans lequel on lutte contre des hordes d'extraterrestres insectoïdes. Seulement, on n'est pas dans Starship Troopers. Au lieu d'une action trépidante, on se retrouve donc à tirer un unique rayon sur des ennemis à peine plus mobiles que dans Space Invaders. Le tout avec des sons d'origine tellement horripilants qu'il faudra choisir entre mettre le volume à zéro ou devenir fou. Vous voyez la scène de Orange Mécanique où le héros est attaché à un fauteuil, forcé à regarder des images atroces ? Je suis sûr qu'avec un casque audio et Namco Museum, on peut aussi obtenir des résultats intéressants... Mais c'est une torture que je ne souhaite à personne. Ce constat sera d'ailleurs valable pour la plupart des titres, des crispants bruits de pas du héros de The Tower of Druaga à l'horrible musique de Xevious. Mais revenons plutôt à Galaxian, il y a tant à dire sur ce monument de l'arcade. Ah non en fait, j'ai déjà tout dit : il y a un vaisseau, des ennemis, ça fait piou-piou... Même pas marrant cinq minutes. Dans Galaga, la suite, les choses s'arrangent à peine, avec des ennemis un peu plus mobiles et la possibilité de tirer les rayons deux par deux, woohoo ! Il faut attendre Xevious, le troisième shoot'em up de cette compilation, pour trouver enfin un gameplay intéressant faisant appel à un deuxième bouton. Le vaisseau dispose en effet d'un tir secondaire destiné aux cibles terrestres, et peut même se déplacer verticalement, une révolution à l'époque de sa sortie. Comme pour les autres jeux, un souci demeure cependant : l'extrême difficulté, qui en rebutera plus d'un.
Conscient de ce problème, Namco a heureusement pensé à inclure quelques options de personnalisation, autorisant le joueur à choisir le nombre de vies par exemple, via un sélecteur de circuit intégré. Une des rares bonnes idées du titre. Restons dans le bon avec Pac-Man, un des seuls jeux à trouver toujours grâce à mes yeux. C'est dingue, mais comme Tetris, ce concept traverse les époques sans subir les outrages du temps. Près de trente ans après, la magie fonctionne encore. Jouera-t-on encore à Pac-Man dans un siècle, dans quelque station lunaire ou martienne, alors même que l'on sera entré dans l'ère de la réalité virtuelle ? Peut-être... En tout cas, aujourd'hui, refaire quelques parties aux commandes du goinfre jaune est toujours un plaisir. Cette légende intemporelle est aussi le seul titre à être également jouable en multi, les autres participants incarnant les fantômes, palliant ainsi aux faiblesses d'une intelligence artificielle devenue bien trop prévisible. Poursuivons l'exploration de ces ruines antiques avec The Tower of Druaga. Le jeu consiste à sortir des étages successifs d'un labyrinthe peuplés de monstres menaçants. Armé de son épée, de son bouclier et de son courage, le héros est d'une lenteur exaspérante qui viendra vite à bout de la patience de n'importe qui, si l'absurde difficulté et les horribles sons ne l'ont pas fait avant. Conclusion similaire pour Mappy, jeu de plate-forme pas foncièrement mauvais mais bien trop limité et ardu pour intéresser quiconque plus de quelques instants.
Terminons ce tour d'horizon sur une note un peu plus positive avec le célèbre Dig Dug II (celui en vue de dessus). Pas qu'il soit très brillant, mais il s'en sort un peu mieux que la moyenne grâce à son gameplay fun consistant à faire tomber les ennemis en causant des effondrements à l'aide d'une foreuse. Mais pas de quoi s'amuser plus de quelques parties, n'exagérons rien. Au final, quand vient le moment de dresser un bilan de cette compilation, c'est donc la déception qui l'emporte. Faire du neuf avec du vieux, pourquoi pas, si c'est bien fait. Le remake de Prince of Persia, par exemple, bénéficie de nouveaux graphismes très réussis, d'un gameplay intelligemment repensé, d'un thème musical joliment remixé. Dans Namco Museum, rien de tout ça. Sous prétexte de plaire aux puristes en ne retouchant pas ces mythes poussiéreux, Namco accomplit en fait un travail de développement minimum. Tout juste peut-on noter quelques informations et images intéressantes regroupées dans la bibliothèque. C'est bien trop maigre pour justifier l'investissement d'une trentaine d'euros.
- Graphismes8/20
Evidemment, les graphismes étant restés tels qu'à l'origine, on ne peut pas dire qu'ils exploitent à fond les capacités de la DS, pour rester gentil... Proposer des versions visuellement améliorées en sus des versions classiques n'aurait pas été du luxe. Néanmoins, cette bouillie de pixels conserve un certain charme désuet qui fera vibrer la fibre nostalgique des anciens.
- Jouabilité8/20
La plupart des jeux n'utilisent que les flèches et un bouton, voire deux dans le meilleur des cas. Bref, la simplicité à l'état pur. Mais une simplicité au service d'une difficulté énorme, souvent terriblement frustrante. On apprécie donc de pouvoir choisir des règles assouplies. C'est bien là d'ailleurs le seul effort consenti par Namco, les jeux étant à part ça strictement identiques aux originaux. Et force est de constater que ces recettes, trop archaïques, ne prennent plus, à part peut-être pour Pac-Man et Dig Dug, et encore, juste le temps de quelques parties.
- Durée de vie8/20
On a beau avoir le choix entre sept titres, plus un jouable en multi, je vois mal comment on pourrait trouver du plaisir à passer plus que quelques minutes sur la plupart d'entre eux. Seuls quelques masochistes accros aux high-scores persisteront à refaire sans cesse les mêmes niveaux jusqu'à les connaître par coeur, seule solution pour surmonter la difficulté colossale.
- Bande son4/20
S'il est une chose qui vieillit très mal, encore plus que les graphismes, c'est bien la "musique". Dans certains jeux, la bande sonore est tellement atroce qu'on la coupera absolument sous peine de folie. Autant je peux encore prendre du plaisir à écouter quelques mods Amiga d'anthologie, autant là c'est physiquement impossible : la plupart des bruitages de Namco Museum sont au-dessus du seuil de tolérance humain à la douleur.
- Scénario/
Si ressortir de vieux hits paraissait a priori être une bonne idée, elle vole vite en éclats face à la dure réalité. Non, ce n'était pas mieux avant, cette compilation se charge de nous le rappeler avec brio. C'est bien là sa seule utilité : nous démontrer l'importance du chemin parcouru, l'ampleur du fossé qui nous sépare d'une époque -heureusement- révolue.