Il n'est pas facile de faire rentrer un aussi gros lézard dans une aussi petite console. Mais pour s'y prendre aussi mal que l'ont fait Atari et Santa Cruz Games, il fallait vraiment vouloir provoquer la catastrophe.
Godzilla, c'est avant tout un film culte de Ishiro Honda. Derrière la créature spectaculaire incarnée par un acteur en costume, se dessine une réflexion sur la peur du nucléaire et l'inconscience des hommes. Mais ses nombreuses suites en couleur lorgnant ostensiblement du côté du Sentaï ont contribué à faire de Godzilla l'emblème du film de monstres kitsch. Entré dans la modernité comme une icône de la techno-culture japonaise, on ne s'étonnera pas de la présence récurrente du lézard vert dans l'univers du jeu vidéo. En effet, nombreuses sont les adaptations vidéoludiques à avoir tenté de retranscrire toute la bestialité et la fureur des affrontements godzillesques. C'est cependant la première fois que le monstre envahit la DS. Vu le résultat, on ne peut qu'espérer que ce soit aussi la dernière.
Un grand pardon pour les fans de Godzilla (dont je fais néanmoins partie), mais il suffit de quelques minutes pour se rendre compte de l'ampleur de la catastrophe. Après avoir sélectionné votre monstre préféré (Rodan, Ghidorah, Mothra, Mecha-Godzilla... 10 peuvent être débloqués et incarnés), puis subi sans pouvoir la passer la cinématique d'intro, vous être propulsé dans un autre univers : celui de la préhistoire des jeux vidéo. Action 2D, scrolling horizontal, principe ultra-répétitif : le jeu adopte et assume ouvertement un aspect old school prononcé. Mais, noyé sous un design graphique aussi minimaliste que branché et une musique techno envahissante, Godzilla Unleashed se veut "hype". Ça ne prend pas : ce jeu, c'est la loose totale, le summun de la ringardise.
Le principe est de détruire la floppée d'ennemis (avions, hélicos, tanks...) qui arrivent sur vous en leur collant des coups de pied, de poing et des salves de rétrolaser (ah non, mince... ça c'est Goldorak). Vous ne pouvez ni vous retourner, ni revenir en arrière ; si vous ralentissez, vous êtes poussé par le scrolling de l'écran. On apprécierait ce mémorandum du jeu à l'ancienne si la jouabilité n'était pas aussi cataclysmique qu'une flatulence de Godzilla : vous ne pouvez porter vos coups qu'à certaines hauteurs (bas ou droit devant), et vos adversaires ont la fâcheuse manie de vous foncer dessus en se positionnant juste un peu plus haut ou juste un peu plus bas. Vous devez donc vous en débarrasser grâce à la fonction de saut, d'une imprécision faramineuse, ou en effectuant une super-attaque déclenchable au stylet (gribouillez pour cela l'écran tactile), qui pulvérise tous les ennemis présents à l'écran.
Dans tous les cas, pas d'inquiétude : même si l'aviation japonaise n'en finit pas de s'écraser sur la carapace de votre colosse, sachez que sa jauge de vie ne diminue que très lentement. En outre, vous pouvez le "rappeler" d'une simple pression sur la gâchette droite, pour laisser la place à une créature aérienne qui prend le relais sur l'écran supérieur. Cela vous permet de varier les plaisirs en revivant les joies du shoot'em up à l'ancienne, pendant que votre monstre "terrestre" regagne lentement sa vie ; une fois fait, vous pouvez en reprendre le contrôle, et ainsi de suite. Cet artifice est une dérive d'un système pensé pour le multi : Godzilla Unleashed autorise en effet le jeu à deux en coopération grâce à la fonction de game-sharing proposée. Votre ami contrôle alors la créature volante parallèlement à votre progression sur l'écran du bas, ou inversement. A deux, c'est pas vraiment mieux, mais cela permet au moins de partager sa peine.
Car votre calvaire est loin d'être terminé : chaque niveau vous inflige, à mi-parcours, un petit jeu du plus haut intérêt. Il consiste à détruire un cristal en reproduisant dans l'ordre la combinaison de touches indiquée à l'écran : B-Y-Y, Y-B-Y, B-Y-B, Y-Y-B... Vous allez adorer ! Enfin, au terme de chaque niveau, un boss vous attend : un poil plus motivant, mais tout aussi simple pour peu que vous utilisiez la fameuse "technique" du changement de personnage. Godzilla Unleashed vous propose au total 7 niveaux situés dans des environnements urbains du monde entier (Londres, Paris, Tokyo, Le Caire...), mais aucune interaction avec le décor n'est possible, et le principe reste identique (et ultra-répétitif) d'un bout à l'autre du jeu. Si vous parvenez à la fin (avec deux mains et une bonne heure de temps libre, ça devrait suffire), vous débloquez quelques bonus, parmi lesquels d'autres monstres - dont seul change l'aspect graphique - ainsi que deux nouveaux modes de jeu, tout aussi inintéressants. Rideau, générique.
- Graphismes6/20
La 3D cel shadée est hors de propos et ne sert à l'évidence qu'à faciliter l'animation des boss. L'ensemble, froid, moche et figé, est aussi attirant qu'un plugin pour Winamp.
- Jouabilité5/20
La maniabilité des monstres est lourde au possible. Heureusement, Godzilla Unleashed est un de ces titres où vous pouvez n'utiliser qu'une seule et même fonction d'attaque d'un bout à l'autre du jeu.
- Durée de vie3/20
1 heure 15 montre en main, avec un certain potentiel de rejouabilité si vous êtes un peu masochiste sur les bords.
- Bande son6/20
Les bruitages ultra-minimalistes sont bien dans le ton ; la musique techno est insupportable.
- Scénario/
Godzilla Unleashed est le genre de titre qui ferait fureur sur téléphone mobile : montré au beau milieu d'une soirée branchée, il épaterait vos amis adeptes de Tecktonik et de Japan culture. Sur DS, c'est tout simplement un jeu exécrable.