On prend les mêmes et on recommence : voilà la devise des développeurs de Pipeworks Software, dont le Godzilla Unleashed n'est qu'une énième réchauffée d'un titre sorti en 2002. Malgré tout le capital sympathie que peut susciter le gros lézard vert, il est toujours aussi triste de voir cette licence s'enfoncer dans la paresse, et le souci de rentabilité primer sur l'innovation.
Godzilla, c'est avant tout un film culte de Ishiro Honda. Derrière la créature spectaculaire incarnée par un acteur en costume, se dessine une réflexion sur la peur du nucléaire et l'inconscience des hommes. Mais ses nombreuses suites en couleur lorgnant ostensiblement du côté du Sentaï ont contribué à faire de Godzilla l'emblème du film de monstres kitsch. Entré dans la modernité comme une icône de la techno-culture japonaise, on ne s'étonnera pas de la présence récurrente du lézard vert dans l'univers du jeu vidéo. En effet, nombreuses sont les adaptations vidéoludiques à avoir tenté de retranscrire toute la bestialité et la fureur des affrontements godzillesques. Souvent mal accueillie par une critique en manque de références pour apprécier la tonalité du concept, la série de jeux de combats estampillés Godzilla, éditée par Atari, accouche d'un nouveau bébé. Problème : Godzilla Unleashed est une pâle copie de Godzilla Save the Earth, qui était lui-même une redite de Godzilla Destroy All Monster Melee.
On retrouve donc un jeu similaire aux opus précédents. On y incarne les monstres les plus célèbres de la série (Rodan, Ghidorah, Mothra, Mecha-Godzilla...), conséquence de mutations génétiques causées plus ou moins directement par la folie des hommes. Limité au départ, le choix s'étoffe à la faveur des bonus débloqués dans le mode scénario : le nombre de créatures différentes est ici porté à 18, et c'est d'ailleurs l'un des rares arguments de cette suite. Devoir s'acquitter du mode solo pour pouvoir profiter réellement du multi est toujours aussi frustrant. Les cut-scenes à base d'images fixes de type bd (censées reprendre les débats politico-scientifico-militaires précédant l'évacuation des populations dans les films Godzilla) sont interminables et ultra-répétitives. En outre, elles ne remplissent en aucun cas leur rôle, dans la mesure où elles ne nous renseignent pas sur le type de mission qui nous attend. Celles-ci sont de trois ordres : combat à mort, démolition d'une ville ou destruction de cristaux. On est souvent lâché dans les niveaux en compagnie d'une ou deux autres créatures, et quiconque n'est pas familier avec le bestiaire de la série aura sans doute un peu de mal à savoir d'emblée s'il a affaire à des collègues ou à des gêneurs.
Le gameplay n'a pas évolué, ou du moins pas assez pour s'en rendre compte. Chaque créature possède une poignée de frappes, déclinables en des versions plus puissantes, ainsi que quelques coups spéciaux dont une attaque d'énergie (rayon laser ou jet de flamme en fonction du monstre incarné). Certaines attaques nécessitent l'utilisation d'une jauge de puissance, qui se remplit au gré des coups portés, en ramassant certains cristaux, ou encore avec le temps. Les monstres peuvent également courir et sauter (et même voler pour certains) ; ils ont en outre la possibilité de tirer profit des environnements interactifs et destructibles. Malgré une certaine lourdeur dans les déplacements (voulue car fidèle aux films : rappelons que les acteurs costumés étaient filmés au ralenti pour accentuer cette impression), les affrontements sont plutôt dynamiques. Mais ils ne prennent vraiment leur sel qu'à travers le mode multijoueur, qui permet d'affronter jusqu'à trois amis sur le même écran : il est toujours aussi marrant d'arracher un immeuble pour le projeter à la tête de l'adversaire, ou de voir s'écrouler le pont suspendu sur lequel on était en train de s'étriper dans la joie et la bonne humeur.
Marrant, mais déjà vu. On était donc en droit de s'attendre à ce que l'argument numéro un de cette nouvelle itération soit la dimension technique. Il n'en est rien. Comme dit plus haut, on se gardera de se plaindre des déplacements lents, ou encore des effets sonores sortis d'un Bontempi : tout ceci participe à l'aspect kitsch, en osmose avec les films. Mais on regrette que les graphismes n'aient que peu bougé depuis l'épisode précédent. Les monstres ont certes été modélisés plus finement, et ils bénéficient tout comme les décors d'effets de lumière améliorés. Mais les environnements de jeu sont toujours aussi laids, l'effondrement des structures toujours aussi peu convaincant, et le manque de vie dans les villes préjudiciable (où est la population fuyant l'invasion des monstres géants ?). Quant à la jouabilité de cette version Wii, elle se révèle peu intuitive et inutilement alambiquée : le fameux "temps d'adaptation" semble ne jamais prendre fin tant la difficulté d'exécution de certaines actions rend le gameplay vraiment lourd : à titre personnel, il m'a été impossible de réaliser l'un des coups du jeu malgré le tutorial inclus. Ces soucis achèvent de plomber l'intérêt d'un jeu qui ne se démarque pas assez de ses prédécesseurs. Il est grand temps de dépoussiérer la licence, ou même le public de fans acquis à sa cause s'en désintéressera.
- Graphismes7/20
La modélisation des monstres tient la route, mais les arènes de jeu font toujours aussi pâle figure. Le rendu n'a guère évolué depuis Destroy All Monster Melee sur Gamecube.
- Jouabilité7/20
La jouabilité à la Wiimote et au Nunchuck est bien peu convaincante. Courir, sauter, lancer : la moindre petite action nécessite une combinaison tarabiscotée d'un bouton et d'un mouvement, pour un résultat d'une lourdeur inouïe qui n'apporte aucune sensation de jeu supplémentaire.
- Durée de vie12/20
Le coeur du titre est bien entendu le mode multijoueur (et ses options variées), mais il faut persévérer dans le mode solo pour pouvoir acheter tous les décors et tous les monstres. De quoi garantir une durée de vie plutôt honnête pour un jeu de combat.
- Bande son10/20
C'est un peu inégal : les cris poussés par les créatures et le son des attaques sont bien rendus et parfaitement dans le ton. En revanche, les bruits de destruction et l'impact des corps qui retombent lourdement sur le sol déçoivent, tout comme les thèmes musicaux d'ailleurs.
- Scénario5/20
On ne retrouve absolument pas l'ambiance des scènes de "conseil militaire" des films dans les cut-scenes insipides au rendu hollywoodien, et ce malgré la possibilité de les visionner en japonais.
En dépit du respect de l'esprit des films originaux et le fun procuré par les affrontements en mode multijoueur, ce Godzilla Unleashed déçoit en raison de son manque flagrant de nouveautés et de la médiocrité de sa réalisation, couplés à une jouabilité inutilement complexe sur cette version Wii. Le jeu est à réserver aux fans du monstre japonais qui ne connaissaient pas les précédents opus.