Dans la catégorie des adaptations vidéoludiques honteuses, demandez Jumper. Ou comment un jeu à peine digne de la PS One a réussi à se téléporter sur une console de nouvelle génération.
Voler, voyager dans le temps, devenir invisible... Autant de rêves fous qui ont fait les choux gras de la science-fiction, dans le domaine de la littérature et de la bd comme dans celui du cinéma. Le thème de Jumper est séduisant : et si vous découvriez un jour que vous disposez du pouvoir de téléportation, qu'en feriez-vous ? Ne me dites pas que vous ne vous êtes jamais posé la question : un tel pouvoir serait idéal pour assouvir ses fantasmes ou se sortir d'une situation délicate. Pour ma part, là tout de suite, je me transporterais sur une autre planète pour échapper au test de Jumper : Griffin's Story. Manque de bol, ce n'est que de la science-fiction.
Le jeu reprend le scénario du film sous l'angle de Griffin (qui n'est pas le personnage principal, enfin à ce que j'en ai compris). Ce jeune homme, qui possède comme tous les Jumpers le pouvoir de se téléporter à volonté, a assisté au massacre de ses parents quand il était petit. Il en recherche désormais les coupables parmi les Paladins, une société secrète qui a pour but d'exterminer les Jumpers. A l'instar d'un Max Payne (auquel Jumper emprunte quelques aspects), l'histoire nous est contée par le biais de cut-scènes au style comics plutôt bien senti, mais dont on a parfois du mal à comprendre les tenants et les aboutissants. Peu importe : Jumper est un jeu d'action pure, dont le premier niveau vous place directement au coeur d'un affrontement contre les méchants.
Chaque niveau est constitué d'une succession de combats dont le gameplay exploite le pouvoir de Griffin, bien que de façon peu convaincante. Concrètement, vous portez vos coups en vous téléportant de tous les côtés de vos adversaires, les quatre boutons colorés du pad 360 correspondant aux différents angles d'attaque possibles. Chaque frappe s'effectue d'une simple pression sur un de ces boutons, sans que vous ayez le choix du type de coup (de poing, de pied, avec arme blanche ou sauté), déterminé automatiquement. Vous pouvez porter la première attaque comme vous le sentez, mais dès la seconde il faut surveiller le réticule aux pieds de l'ennemi, qui vous suggère de quel côté continuer pour un résultat optimal : en gros, frappez du côté vert et évitez les côtés rouges, protégés par l'adversaire. Ce système permet de développer des combos de façon originale, mais il se révèle d'une lourdeur inouïe à l'emploi. Il rend surtout les combats inintéressants, puisqu'ils se résument à appuyer le plus rapidement possible sur le bouton donné. En tout cas, à chaque série de coups assénée avec succès, une jauge de puissance se remplit, jusqu'à permettre une attaque dévastatrice. On vous gratifie alors d'un bullet-time aussi inutile que mal réalisé. Dernière chose : le jeu permet des coups de grâce, qui consistent à saisir un adversaire et à vous téléporter dans un endroit dangereux pour l'y abandonner, à l'image des scènes fortes du film. Amusant les premières fois, ce principe finit par lasser tant ces "fatalities" sont répétitives.
Tout ce que vous avez à faire d'un bout à l'autre du jeu est donc d'enchaîner les combats dans des environnements truffés d'ennemis. Les niveaux sont constitués de plusieurs salles reliées entre elles, et proposent une progression invariable : vous entrez, puis les méchants entrent aussi ; vous vous battez, puis vous passez à la salle suivante, et ainsi de suite... Aucune interaction avec les décors n'est possible, et les seuls objets ramassables sont des potions de vie disséminées ça et là. Bref, Jumper vous plongerait dans la plus extrême torpeur si l'aspect graphique ne contribuait à maintenir vos yeux révulsés d'un bout à l'autre du jeu. C'est bien simple : on n'avait plus vu un titre aussi moche depuis fort longtemps, en particulier sur 360. La 3D est obsolète et hyper-aliasée, les personnages sont taillés à la serpe, les textures sont laides et les décors de fond carrément atroces. Mais le pire, ce sont sans doute les animations tout simplement scandaleuses : les personnages ressemblent à des pantins paraplégiques, qui avancent comme des gorilles et sautent comme des crabes (mais si ça saute, un crabe !). Si l'on ajoute à ce tableau infernal des ralentissements omniprésents, on obtient un des pires titres de la 360 au niveau technique (si ce n'est le pire, d'ailleurs). Heureusement, votre calvaire sera bref, car la durée de vie de Jumper est ridicule : deux grosses heures tout au plus, au terme desquelles le jeu se téléportera au fond de votre poubelle. Ou quand la réalité rejoint la fiction.
- Graphismes3/20
Moche, mal animé, dénué de tout sens artistique : Jumper frappe un grand coup. Il échappe de peu à la sanction absolue grâce à des cut-scenes qui se laissent regarder, et des cinématiques de "coup de grâce" assez bien réalisées.
- Jouabilité7/20
Le maniement du personnage est lourd et imprécis, mais le pad 360 parvient à remplir le rôle absurde qui lui incombe durant les combats.
- Durée de vie4/20
Si vous parvenez à supporter l'expérience extrême offerte par Jumper, vous aurez droit à deux bonnes heures de jeu.
- Bande son8/20
La musique pompier omniprésente a au moins le mérite de dynamiser les combats, et si les bruitages et les voix françaises sont plutôt médiocres, il faut reconnaître qu'on a vu pire.
- Scénario7/20
Le semblant d'histoire de vengeance est vraiment peu original et peu développé : aucun objectif de mission ne vous permet de savoir ce que vous êtes venu faire dans les catacombes égyptiennes ou dans un monastère tibétain (hormis taper sur les méchants, bien sûr).
A peine sorti, Jumper se téléporte parmi les jeux à licence sans aucun intérêt, même si sa réalisation absolument catastrophique devrait lui assurer une certaine renommée dans le domaine.