La parenté avec Myst est en effet indéniable, et même revendiquée par l'auteur, grand fan de la série des frères Miller. Rhem a donc beaucoup de similitudes avec ce monument de l'aventure/réflexion, que ce soit dans son gameplay en vue subjective, ses déplacements écran par écran ou son héros solitaire perdu dans un monde étrange. Sans oublier bien sûr ses énigmes basées sur des mécanismes variés et des livres remplis de symboles obscurs. Rhem 3 se base donc toujours sur cette formule, reprenant les choses où elles s'étaient arrêtées à la fin de la Cité Interdite, puisqu'il s'agit d'une suite directe.

Tout commence lorsqu'une lettre de Zetais annonce au personnage principal la localisation de la pierre noire, artefact déjà mentionné dans les volets précédents. Elle se trouve dans une partie inexplorée de Rhem, qu'il va donc falloir parcourir à la recherche de la mystérieuse relique. Une fois entré dans cette nouvelle aire de jeu grâce à Kales, le joueur se retrouve seul, livré à lui-même. Le monde qui l'entoure est composé de ponts amovibles, de portes actionnables par divers boutons, d'échelles escamotables rouillées, etc. Bref, un vrai labyrinthe à découvrir en débloquant les zones successives. Cet univers est relativement vaste : d'après le site officiel, il est composé de 3 600 images, je n'ai pas vérifié mais je le crois sur parole. Beaucoup sont tout de même redondantes, et il va falloir s'armer de patience car les allers-retours d'un point à l'autre sont continuels. Une fois immergé dans ce monde, il n'y a pas vraiment de trame, cette absence d'histoire est d'ailleurs regrettable, mais c'était déjà le cas dans les deux premiers épisodes de la série. Le jeu n'est qu'une succession d'énigmes dont le seul but est la progression vers de nouvelles parties de Rhem.

Ces énigmes justement, parlons-en plus en détail, car elles constituent le coeur du gameplay. Elles sont énormément basées sur l'observation. Il est indispensable de se munir d'un bloc-notes pour noter les chiffres, les dessins, les symboles aperçus çà et là. Certains sont bien cachés, il est facile de passer à côté d'un indice important, la vigilance est donc de mise... Une fois ces éléments glanés, il va falloir les mettre dans le bon ordre pour reconstituer chaque puzzle, qu'il s'agisse de trouver un code d'accès, de se frayer un passage dans le dédale de la bibliothèque ou de récupérer des cristaux. Il faut aussi remettre en marche des mécanismes avant de pouvoir les utiliser. Le monde est parcouru d'un réseau de câbles et de tuyaux de couleurs diverses. Il faut donc les suivre pour trouver le bouton permettant de rétablir l'alimentation. Dans Rhem, rien n'est simple, mais tout est logique. Un peu de jugeote finira toujours pas venir à bout des problèmes les plus complexes. Les énigmes bien conçues sont la marque de fabrique de la série, et la Bibliothèque Secrète ne fait pas exception à la règle.

Après les louanges vient le temps des reproches. Sans surprise, c'est une fois encore la réalisation qui laisse à désirer. Sur le plan visuel, le jeu accuse clairement plusieurs années de retard, même si certains décors s'en sortent honorablement. Sur le plan auditif, c'est encore pire. Si l'atmosphère sonore est réussie, elle est beaucoup trop discrète. Surtout, le doublage français est calamiteux, et je pèse mes mots. J'en ai entendu des doublages pourris, mais là on atteint une acmé rarement égalée. On peut supposer que la version originale est bien meilleure, alors je ne saurais trop conseiller aux germanophones de la préférer à la VF. Heureusement que les dialogues sont peu nombreux, car c'est vraiment un coup à casser l'ambiance... Alors bien sûr, je suis conscient que Rhem est le travail colossal d'un seul homme et qu'il est vendu à un prix raisonnable, mais ça n'excuse pas tout. En se positionnant sur le marché en tant que produit commercial, le jeu s'expose forcément aux comparaisons avec les autres productions et, partant de là, aux critiques. Au risque de me faire conspuer par les fans, je dois donc demeurer objectif en prenant en compte ces problèmes dans l'appréciation finale. Cependant, ceux qui sauront passer outre trouveront en Rhem 3 des énigmes ciselées, aptes à faire sombrer n'importe quel génie dans une spirale de réflexion des heures durant. Bref, le digne successeur de ses ancêtres.