Quand Burut, responsable des médiocres FPS Kreed et UberSoldier, décide de se lancer dans le jeu de rôle, on peut craindre le pire. En effet, si le studio n'est pas capable de créer un shoot couloir correct, on voit mal comment il parviendrait à pondre un RPG, genre beaucoup plus complexe à mettre en oeuvre. Mais trêve de préjugés, voyons comment les développeurs s'en sont sortis.
Déjà, en ce qui concerne l'histoire, ils n'ont pas eu beaucoup d'efforts à faire, puisqu'ils reprennent l'univers du roman Hard to Be a God des frères Strougatsky, des écrivains de science-fiction russes. Ils sont d'ailleurs déjà bien connus des amateurs de jeux vidéo puisque le jeu de stratégie en tour par tour Galactic Assault : Prisoner of Power est tiré d'une de leurs oeuvres. Ce sont aussi les auteurs du roman Stalker, dont le jeu éponyme est vaguement inspiré (rappelons que si le livre introduit bien le concept d'une zone interdite où on peut réaliser ses désirs, il a été écrit bien avant la catastrophe de Tchernobyl). Bref, on n'a pas affaire à n'importe qui.
Pourtant, l'histoire commence mal, ou plutôt ne commence pas du tout : il n'y a aucune cinématique introductive ou une quelconque explication du contexte, on se retrouve directement lâché dans la partie sans information sur notre identité, l'univers, etc. Pour ça, il faut donc se rabattre sur le manuel, qui explique succinctement que le héros fait partie des Renseignements Généraux du royaume d'Arkanar. A croire que Burut pense s'adresser uniquement aux connaisseurs du roman... En fait, comme on l'avait déjà appris lors d'une présentation du jeu, le personnage principal n'est pas un être ordinaire, et le monde n'est pas aussi médiéval qu'il n'y paraît. Mais nous n'en sommes pas encore là. Toujours à propos de l'histoire, signalons aussi que la narration est très plate. L'aventure est ponctuée de rares cut-scenes utilisant le moteur du jeu et de dialogues à sens unique, notre héros étant atteint du syndrome Gordon Freeman : il reste désespérément muet, alors que ses interlocuteurs ont droit à un doublage (en anglais uniquement). En plus, les différentes possibilités de dialogues (quand on peut choisir parmi plusieurs, ce qui est rare) sont bien manichéennes, et la progression est globalement assez linéaire, quelques quêtes secondaires exceptées. L'immersion en prend donc un coup et le scénario ne pousse absolument pas à continuer. Ca commence à faire beaucoup... Il faut dire qu'entre-temps The Witcher est passé par là et a placé très haut la barre pour les autres jeux de rôle PC.
Hard to Be a God partage toutefois un point commun avec ce dernier : un héros imposé. Exit donc la phase de création de personnage et les différentes classes chères à d'autres action/RPG. Il reste bien sûr possible de le faire évoluer comme on veut au gré des niveaux mais les possibilités sont bien maigres. La feuille de personnage ne contient pas d'attributs ou de caractéristiques, juste huit compétences représentant les aptitudes au maniement des armes, la santé, l'endurance... Pas de mana, la magie étant également absente. On passe donc le plus clair de son temps à se battre à l'arme blanche. Le système de combat repose sur un simple martelage des boutons de la souris, la seule contrainte étant de ne pas épuiser totalement la jauge d'endurance. Quelques rares attaques spéciales viennent élargir un peu la palette de coups, mais les affrontements restent fortement répétitifs et peu intéressants. Le jeu se révèle de surcroît assez difficile, il va donc falloir faire de l'expérience en tuant loups et brigands par dizaines pour atteindre un niveau correct et pouvoir revêtir un équipement décent. L'inventaire offre un espace généreux et classe les objets en onglets selon leur type, pratique. Les différents vêtements qu'on trouve ont une utilité un peu particulière. En effet, ils permettent de se déguiser ! Selon les besoins, on pourra prendre l'apparence d'un voleur, d'un moine ou d'un noble et ainsi résoudre des missions de manière moins conflictuelle. Cet aspect espionnage est l'une des rares bonnes idées du jeu.
Car pour le reste, le constat n'est guère brillant. Le moteur graphique parvient parfois à faire illusion, mais en général textures moches côtoient modélisations grossières et animations rigides. Le moteur physique est inexistant. Et quelques bugs viennent entacher cette réalisation déjà pas folichonne, notamment au niveau des collisions (il arrive de se retrouver coincé dans le décor, quand ce n'est pas un mur invisible qui bloque le passage ou un ennemi qui reste immobile). Enfin, l'interface est loin d'être au point. Transférer un par un les objets inutiles dans la fenêtre du marchand est un vrai calvaire, alors qu'un double-clic sur les items aurait été facile à implémenter. Récupérer le loot sur un cadavre donne lieu à un blocage systématique d'une à deux secondes, frustrant... Hard to Be a God donne donc l'impression d'un jeu qui aurait mérité quelques mois de peaufinage. Mais même sans ces problèmes, le gameplay et l'histoire sont de toutes façons bien trop fades pour maintenir un semblant d'intérêt. Hard to Be a Good Game.
- Graphismes11/20
Les graphismes ne sont pas catastrophiques, mais le moteur 3D accuse quand même un certain retard. Quant au design, il est assez générique, sans saveur particulière. Dur dur de passer après The Witcher...
- Jouabilité8/20
Il y avait quelques idées, notamment la possibilité de se déguiser ou de combattre à cheval. Mais le reste du gameplay est bien trop limité, par exemple l'évolution du personnage réduite à une peau de chagrin. A cheval entre hack'n slash et RPG, Hard to Be a God n'atteint ni l'action soutenue du premier, ni la liberté de l'autre. Problèmes techniques et soucis d'interface complètent ce triste tableau.
- Durée de vie13/20
Le jeu est certes long mais il est linéaire, il offre peu de choix dans la progression, bref il n'est guère passionnant à parcourir.
- Bande son12/20
Le doublage anglais est correct, dommage que le héros n'en bénéficie pas. La musique est également honnête, rien d'inoubliable mais les morceaux remplissent leur office.
- Scénario8/20
Mieux vaut avoir lu le roman pour connaître l'univers dont il est question, car une fois dans le jeu très peu de choses sont expliquées, ce qui plonge le joueur dans une certaine confusion. L'histoire n'incite pas à avancer.
Un bon RPG, c'est d'abord une bonne histoire, servie par un bon gameplay et une réalisation à la hauteur. Malheureusement, Hard to Be a God n'a rien de tout ça.