Forte d'un succès aussi fulgurant qu'imprévisible, la série Alexandra Ledermann en est déjà à son huitième opus sur PC. L'omniprésence de la partie aventure confirme le changement d'orientation opéré depuis les derniers volets, à savoir une recrudescence des phases de recherche et d'exploration au détriment de la partie équitation. Les puristes de ce sport regretteront donc que la série ait peu à peu perdu son approche didactique, le soft s'adressant plus que jamais aux adolescentes lectrices du magazine Fan 2 plutôt qu'aux passionnés d'équitation.
Qui sait, dans Alexandra Ledermann 16, peut-être devrons-nous élucider le mystère d'un haras hanté façon point'n click avec des énigmes à la Myst ? Le fait est que les développeurs semblent vouloir se rapprocher de plus en plus du jeu d'aventure, preuve en est la prédominance des phases de recherche et la mise en place d'un scénario à enquête. Alors qu'elle fait route vers le sud de la France pour entamer son stage de fin d'études dans l'espoir de devenir vétérinaire, la jeune Emma, Californienne d'origine, se voit contrainte de faire étape dans un haras de Provence à cause d'une panne de taxi. Un haras bien étrange en vérité puisque sa propriétaire a mystérieusement disparu du jour au lendemain. Ainsi commence une belle histoire d'amitié avec les occupants des lieux, mais l'ambitieuse américaine devra rapidement faire un choix entre l'accomplissement de ses projets et l'attrait d'une vie paisible au haras en compagnie de ses nouveaux amis.
Comme c'est le cas depuis maintenant quelques épisodes, Alexandra Ledermann 8 ne permet quasiment plus de se lancer dans les épreuves d'équitation sans s'investir à fond dans le scénario du jeu. Tout juste pourra-t-on refaire les défis déjà vus durant l'aventure, mais il faudra aller jusqu'au bout de celle-ci pour déverrouiller la totalité du contenu relatif au sport équestre. Le problème c'est que tout le monde n'adhérera pas forcément à l'intrigue limite "Club des 5", ni aux doublages surjoués des comédiens et encore moins au caractère poussif du déroulement du jeu. Si l'on est pris par la main durant les premières minutes de l'aventure, c'est un véritable déluge d'objectifs secondaires qui s'abat rapidement sur nous avec de multiples lieux à visiter et de personnages à rencontrer. Ce n'est pas forcément ce qu'on attend d'un jeu comme Alexandra Ledermann, mais on ne pourra pas reprocher aux développeurs de ne pas chercher à renouveler leur formule d'un épisode à l'autre. D'autant que le public pourra peut-être y trouver son compte s'il n'a rien contre les jeux d'aventure dépassés...
Les idées sont pourtant là, mais leur mise en place concrète est bien loin d'être convaincante. Le soft se déroule suivant un cycle de journées qui défilent rapidement (une minute de jeu équivaut à une seconde réelle), et l'histoire évolue seulement lorsqu'on passe d'un chapitre à un autre. Il faut donc boucler toutes les tâches demandées durant ce laps de temps, avec possibilité de s'occuper activement jusqu'à 4h du matin ou au contraire de se coucher tôt pour accélérer le défilement de l'histoire. Le jour et la nuit étant pris en compte, les commerces ne sont pas ouverts tout le temps et il arrive que les personnages changent d'emplacement en fonction de l'heure. De temps à autre, votre liberté sera mise à mal par l'attribution de quêtes obligatoires ou facultatives, les toutes premières consistant à récupérer une liste d'objets précis pour aider une jument à mettre bas. Sans spoiler, on notera que le soft impose au joueur un embranchement narratif important au chapitre 2, sous forme d'une décision à prendre qui influera considérablement sur la suite du jeu. Un moyen comme un autre de rallonger la durée de vie en poussant le joueur à recommencer l'aventure d'une manière différente.
La bonne idée, c'est que l'on peut presque à tout moment sortir des limites du haras pour aller se balader à cheval dans les alentours. La carte se dévoile au fur et à mesure et les déplacements deviennent instantanés une fois les destinations débloquées. Mais si la zone globale paraît vaste, c'est dans ces moments d'équitation libre qu'on prend conscience des limitations du terrain. Il est en effet impossible de s'éloigner vraiment de la piste pour se faufiler entre les arbres et prendre des raccourcis, l'omniprésence de murs invisibles condamnant toute tentative de vagabondage. On se rabat donc sur la prise de photos pour donner à ces phases de jeu un minimum d'utilité, car on ne peut pas dire que le gameplay soit particulièrement plaisant à jouer. Les habitués constateront avec regret que les contrôles au clavier sont toujours aussi pénibles à effectuer, les déplacements à pied étant encore plus flagrants de médiocrité. On se déplace comme dans un vieux survival en tournant son personnage dans la bonne direction avant de pouvoir avancer, et les interactions se font au pixel près. La souris n'est utilisée que de façon très partielle, et c'est un défaut d'autant plus navrant qu'il revient à chaque nouvel épisode et qu'il donne un côté complètement dépassé à la série.
Ce manque d'ergonomie se ressent aussi lors des phases d'équitation qui ne sont guère plus convaincantes que dans les volets précédents. Une simple pression sur la touche d'accélération ne suffit plus à changer d'allure, il faut maintenant laisser la touche appuyée un certain temps, ce qui pose quelques problèmes en termes de réactivité. Le tout devient beaucoup moins précis à jauger et on perd du temps alors même qu'il nous faut réagir au quart de tour pour adapter les allures rapidement, notamment lors des épreuves de saut d'obstacles. A cela s'ajoute un système de couleurs qui permet de savoir quand il faut accélérer ou ralentir suivant un dégradé de tons façon arc-en-ciel. Si ces modifications ne sont pas forcément fameuses, on finit par s'y faire et à trouver le titre presque jouable, même si on est encore loin de s'amuser dans notre rôle de cavalier. Compétitions et entraînements comprennent toujours les habituelles épreuves de dressage, de saut et de cross, chacune souffrant des mêmes problèmes, à savoir le manque de dynamisme, de crédibilité et d'ergonomie. En dressage, les figures se résument à une combinaison de touches à valider rapidement et à des changements d'allure à respecter suivant un parcours millimétré. En saut, toute la difficulté réside dans l'anticipation des obstacles et dans la gestion du timing et de la vitesse. Enfin, en cross, la taille du terrain facilite les déplacements mais il faut aussi modérer son allure pour ne pas essouffler son cheval.
Bien sûr, le challenge dépend entièrement du degré de difficulté assigné à tel ou tel défi, sachant qu'on dispose, dans cet épisode, d'une sorte de joker appelé "vision de championne" qui nous aide à négocier certaines portions délicates. N'oubliez pas non plus que les phases d'équitation ne représentent même pas un cinquième du temps que vous passerez dans le jeu, l'essentiel résidant dans le déroulement du scénario au travers des phases d'aventure, et dans l'entretien régulier de vos chevaux. Pansage, curage des sabots et entretien du box sont toujours imposés, et mieux vaut ne pas négliger ces tâches si vous ne voulez pas avoir à foncer au village pour acheter du matériel de secours qui servira à le soigner. On peut regretter d'ailleurs que des indications ne nous soient pas données systématiquement sur l'état des chevaux pour éviter plus facilement ces désagréments. Une fois le poulain mis au monde et baptisé Amélie (les développeurs ont un sens de l'humour assez douteux...), vous devrez également vous en occuper, mais d'une façon différente. Cette fois il convient d'entraîner l'animal pour lui apprendre à obéir aux instructions, mais aussi à entamer le dialogue avec lui en essayant de comprendre ce que ses gestes signifient. Encore une fois, on constate que les responsables de la série prennent avec sérieux le développement des jeux Alexandra Ledermann, mais il leur manque toujours le déclic qui saura rendre ces titres divertissants. Pour l'heure, il est probable que seuls les moins exigeants seront satisfaits par ce huitième volet.
- Graphismes11/20
Techniquement, le soft est loin d'être à la hauteur des productions actuelles sur PC, mais l'utilisation de teintes sépia confère aux décors une touche féerique qui donne une certaine particularité aux graphismes. Côté animations, il y a encore beaucoup de progrès à faire.
- Jouabilité8/20
Pourquoi s'obstiner à conserver des routines de gameplay qui datent d'il y a dix ans ? Les contrôles ne mettent quasiment pas à contribution la souris et le manque d'ergonomie général rend les phases à cheval et les phases à pied inutilement fastidieuses.
- Durée de vie13/20
L'obligation de parcourir l'aventure dans son ensemble pour accéder ensuite directement aux épreuves équestres est un moyen comme un autre de garantir une durée de vie raisonnable. Si le scénario n'est pas immensément long, la lenteur de son déroulement et la présence d'embranchements narratifs rallongent considérablement le temps passé sur ce titre.
- Bande son11/20
Pas toujours très en accord avec l'action, la musique enrichit malgré tout l'ambiance du jeu en variant les atmosphères. Le doublage français en agacera certains par son côté surjoué et ses répliques tout juste dignes d'une sitcom.
- Scénario11/20
Depuis le troisième volet de la série, Alexandra Ledermann a pris une dimension aventure dont les proportions dépassent maintenant de loin le temps consacré aux phases d'équitation. Les jeunes filles étant le principal public visé, on se retrouve encore une fois avec une histoire peu inspirée, des scènes de drague et de disputes, et probablement une prévisible happy ending.
Adoptant une approche comparable à celle du précédent volet, Alexandra Ledermann 8 y apporte quelques changements mais s'obstine surtout à conserver éternellement les mêmes défauts. Souffrant d'une réalisation et d'un gameplay dépassés, le titre ne réussit jamais à se rendre plaisant à jouer et donne une trop grande place à l'aventure au détriment de l'équitation pure. Les fidèles suivront, mais les autres n'auront encore aucune raison de franchir le pas.