Tel un dernier défenseur harcelé par un attaquant vif et déterminé, Pro Evolution Soccer a la pression. Cette année plus que jamais, après le sursaut d'orgueil d'un FIFA surprenant et séduisant à plus d'un étage, Konami et sa franchise phare se doivent d'étonner et de franchir un palier sous peine de décevoir ce public si exigeant et connaisseur. Et comme nombre de ses paires, l'équipe de développement a maintenant toutes les cartes en mains pour effacer sa dernière prestation et démontrer qu'elle est définitivement passée aux machines nouvelle génération, au football nouvelle génération. Konami va donc passer un test qui rendra compte de ses capacités à utiliser la technologie actuelle au profit de sa célébrissime simulation.
Au risque de se répéter, saison après saison, le marché des jeux de football est certainement l'un des plus qualitatifs et pourtant l'un des moins concurrentiels qui soit. Triste qu'il est, de ne vivre qu'à travers un éternel duel qui ne laisse de place à rien ni personne. Les deux géants que sont Konami et EA ont appris à jouer de cette opposition pour écraser de leur empreinte toute tentative extérieure à cette bulle qui les entoure, jusqu'à se présenter chaque année comme Le Combat des Chefs, une véritable guerre fratricide. Qu'a à répondre PES au réveil soudain de FIFA, enfin conscient des lacunes qui l'attiraient petit à petit vers les profondeurs ? Un gameplay hautement plus rapide, un jeu plus direct et plus arcade, qui prend à contre-pied toute une philosophie qui s'est construite depuis le premier PES. Plutôt que de tenter de porter une jouabilité PS2 qui s'est imposée dans le coeur des puristes de simulation, Konami a fait le choix d'opter pour une solution lui permettant de toucher un public plus large, quitte à tourner le dos à une partie de ses fidèles, particulièrement allergique à toute ouverture vers la simplicité sur le rectangle vert. Soyons donc clairs, PES n'est plus ce qu'il était et le tournant négocié avec l'arrivée de machines plus puissantes ne suivra pas la courbe attendue.
L'argument numéro 1 de la campagne de Konami s'appelle Teamvision. Un nom on ne peut plus explicite qui doit faire de l'IA du jeu une équipe de onze joueurs avançant des réactions adaptées aux choix et à la mentalité de l'utilisateur. Autrement dit, on est censé varier son jeu au maximum pour éviter de voir son schéma préférentiel annihilé par une tactique adverse capable d'analyser nos tics et habitudes de vieux briscards. Pourtant, les heures de jeu avalées sans relâche aucune ne laissent pas transparaître cette fameuse évolution. On augmente petit à petit le niveau de difficulté pour retrouver des rencontres serrées en professionnel et constater qu'effectivement, il y a du changement mais qu'il n'est pas si flagrant que cela. De plus en plus, des boulevards se créent et ne se referment pas sur les côtés devenus le chemin le plus court pour aller planter un but quasi imparable à l'adversaire. La faute à des centres semi-automatiques aisés à effectuer dans n'importe quelle position ou à des gardiens bien ennuyés au moment d'intervenir sur une balle aérienne qui fuit leurs buts. Alors certes, l'IA est devenue vicieuse et gruge dès qu'elle le peut pour conserver un résultat ou amplifier le score. Ainsi, ne soyez pas surpris de voir un attaquant simuler dans la surface ou deux joueurs adverses protéger le ballon au poteau de corner dans les arrêts de jeu d'une rencontre qui se joue à couteaux tirés.
En dehors de ce côté fourbe de l'IA, le gameplay du jeu de Konami a emboîté le pas de la précédente version Xbox 360. Tout va donc plus vite, les transversales n'ont pas besoin d'être préparées outre mesure pour être réussies, les passes s'enchaînent sans trop de difficultés, les tirs sont plus puissants et ont tendance à finir très souvent dans le cadre... Autant de signes qui ne trompent pas sur la nature de PES 2008. Toujours aussi pointu tactiquement, il a cependant perdu une partie de ce côté parfois frustrant mais en réalité très jouissif des erreurs bêtement commises ou des actions immanquables qui font les péripéties de tout match contemporain. Non pas que les joueurs soient devenus des machines de guerre qui ont banni de leur football les bourdes habituelles mais il suffit de jeter un oeil au tableau d'affichage pour constater qu'on marque beaucoup plus simplement qu'avant et que la prime est faite à l'offensive. Entre contres favorables, errements défensifs, toiles de gardien ou c.s.c., les buts gags ont tendance à prendre une importance démesurée sur des réalisations débouchant d'actions construites. L'autre exemple qui me vient à l'esprit est le paquet de buts inscrits sur corner parce que le joueur sélectionné a refusé de sauter au moment opportun ou parce que le gardien prend la mauvaise habitude de rester campé sur sa ligne de but, sans oser venir faire le ménage dans les airs.
Les nouveautés de gameplay ne se bousculent pas au portillon. Visiblement, Konami a manqué de temps ou d'idées pour rafraîchir ce gameplay qui ne connaît plus de grosses innovations depuis quelque temps. Toutefois, diverses originalités font leur apparition comme la fameuse simulation, résultat d'une combinaison de trois touches, afin de tenter d'abuser d'un arbitre moins dupe que ses prédécesseurs et moins injuste, en dépit de quelques écarts inexplicables. Autre petit plus, durant un coup franc, celui qui défend peut rapidement choisir le nombre de joueurs à aligner dans le mur, de un à dix (dix pour les kamikazes qui n'ont aucune notion de marquage), en fonction des situations. D'un point de vue tactique, les habitués de la série noteront la possibilité de choisir jusqu'à quatre joueurs pour venir apporter le surnombre sur corner. Une option enfin au rendez-vous qui vous permettra d'utiliser la grande taille de vos défenseurs centraux pour venir porter tête forte à des attaquants jusqu'alors souvent esseulés et aux gabarits pas forcément adéquats. Visuellement parlant enfin, Konami a soigné le tour de la pelouse avec des bancs de touche plus vivants et surtout l'apparition des arbitres de touche aux animations très au point. Idéal pour savoir assez rapidement si vous allez être signalé hors-jeu ou non sur une passe en profondeur.
Difficile de parler de PES sans faire un point sur l'authenticité de la base de données du jeu de Konami, constamment en proie à des soucis de licences et d'actualisation de transferts. Cet opus ne déroge pas à la règle et souffre des mêmes maux que ses aînés. Cette saison malheureusement, les progrès sont mineurs, le jeu régresse même pour certains championnats puisque Konami a dû par exemple troquer les licences d'Arsenal et Chelsea contre celles de Tottenham et Newcastle pour la Premiere League, soit deux clubs de niveau européen et qui jouent les premières places de leur championnat contre deux équipes qui occupent davantage un fauteuil d'outsider. Preuve de la fébrilité de l'éditeur, le compte-goutte opéré avec l'ajout de clubs de seconde zone comme Anderlecht, le Dinamo Zagreb, le FC Bâle, Fenerbahce, Gôteborg, Helsinki, le Panatinaïkos ou le Spartak Moscou. Et pour prouver, si besoin est, du manque de profondeur de la base de données, on peste contre l'absence totale de la Bundesliga, exception faite du Bayern, sans parler de l'actualisation très partielle des transferts intervenus au cours de l'intersaison 2007. Vos pouces vont devoir faire le reste dans le mode Modifier dont on parle juste en dessous. Les joueurs doivent alors se contenter de quatre petits championnats sous licences : la Ligue 1, la Serie A, l'Eredivisie et La Liga. Côté sélections (on en compte une cinquantaine), le Brésil, l'Ecosse, la Grèce, l'Irlande et le Portugal viennent se joindre à la poignée d'autres équipes nationales licenciées.
Quid du mode Modifier ? Anecdotique l'année dernière sur ce support, il se rapproche de l'exhaustivité affichée sur PS2 sans pour autant proposer un contenu aussi fourni. Mais les bases sont là. Des transferts aux modifications de maillots et de joueurs en passant par les multiples réglages tactiques, le choix des compositions des équipes nationales et des numéros, les renommages en masse et les créations diverses, il permet à nouveau de personnaliser le jeu comme on l'entend. Pourtant, les modèles de maillots sont clairement pas assez nombreux, les emblèmes ne peuvent être créés ou modifiés et le système de scan des visages et logos est légèrement foireux et bien moins intuitif que celui d'un Rainbow Six Vegas par exemple. Les joueurs disposant d'une webcam peuvent prendre leur visage en photo et l'inclure dans le jeu. Le problème est que l'option en question est mal pensée et vous aurez toutes les peines du monde à faire en sorte que l'on puisse vous reconnaître. La faute à l'obligation de faire avec un modèle de base et de devoir tâtonner à l'intérieur de celui-ci pour caser votre visage, du haut des yeux à la bouche, sans profiter de votre coupe de cheveux ou de la forme de vos oreilles, qu'il faut modifier ensuite et séparément. Idem en ce qui concerne les logos, qu'il faut scanner à la webcam (!) avant de pinailler à-peu-près autant pour les broder au maillot. Mais heureusement, cette version PC permet également d'importer ses photos via un répertoire prévu à cet effet. Ouf.
Le reste du contenu du jeu reprend fidèlement les mêmes modes de jeu que l'édition précédente. Matches amicaux, Ligue des Masters, Ligues (Internationale, Eredivisie, Liga, Ligue 1, Serie A et "Ligue anglaise), Coupes (Internationale, Européenne, Africaine, Américaine, Asie-Océanie et Konami), Entraînement et Galerie, où sont déblocables équipes et joueurs, en plus d'une mine de statistiques sur l'état de vos parties. La Ligue des Masters n'a, comme chaque année, fait l'objet que de minimes retouches, principalement en terme d'immersion avec une implication plus prononcée des médias ou des joueurs qui s'expriment à la presse. Des détails cependant qui nous font regretter l'absence d'une refonte totale du système de cette "carrière". Au niveau du multi, sept joueurs peuvent prendre part au même match en réseau local alors que le mode Online se contente de un-contre-un dans des matches classiques et que la personnalisation des parties s'avère réduite à leur plus simple expression, en partie avec classement ou matchmaking d'amis. Les 2 vs 2 ou 4 vs 4 espérés ne sont donc pas pour cette année, ce qui est dommageable car à plusieurs, PES reste, malgré tous ses défauts, une véritable référence. En revanche, on note que les différences de gameplay entre le Online et le Offline ont été en grande partie gommées. Ce qui est déjà ça en attendant mieux l'année prochaine...
- Graphismes14/20
Techniquement, PES enchaîne les paradoxes. Encore confiné à une phase de transition entre deux générations de machines, le titre peine à séduire au premier regard. Pourtant, si les animations ne profitent pas du rythme très rapide des matches, elles restent d'un très bon niveau. Quant aux joueurs, les stars sont superbement modélisées, les bons joueurs tout à fait reconnaissables mais les autres doivent parfois faire avec les mêmes modèles...
- Jouabilité15/20
C'est incontestablement le PES le plus arcade ou le moins simulation, à votre convenance, que Konami ait jamais développé. S'il s'appuie sur des bases tactiques réalistes et très pointilleuses, force est de constater qu'il faut un certain temps d'adaptation avant d'apprécier ce gameplay. Le rythme de jeu, très rapide, pourra même être un facteur rédhibitoire dans la décision d'investir dans cet opus 2008. Paradoxalement, il n'existe pas de simulations footballistiques aussi appréciables en multijoueur.
- Durée de vie14/20
PES ne tient toujours pas la comparaison avec un FIFA. Certes, on retrouve les oubliés ou bâclés de la saison passée (mode Modifier, mode Entraînement, PES Shop), mais face à la tonne de licences et les modes Deviens Pro ou Mutlijoueur du voisin, le contenu du jeu de Konami ne pèse pas lourd. Cependant, les aficionados sauront amortir l'investissement en se ruant sur le Online ou en débloquant tout ce qui peut l'être. Les autres en feront le tour plus rapidement.
- Bande son13/20
L'ambiance des stades a franchi un nouveau palier mais possède toujours un train de retard sur les chants de supporters officiels d'un certain FIFA. Quant au duo de commentateurs, Christian Jeanpierre et Laurent Paganelli... Une fois encore, leurs interventions manquent de punch, de liens et de spontanéité.
- Scénario/
La série des Pro Evolution Soccer ne décolle pas sur machines nouvelle génération, ni sur PC d'ailleurs. Clairement, on prend beaucoup de plaisir à jouer à cette version que l'on considère tout de même comme bonne, notamment en multi, mais l'équipe de développement semble faire du surplace en choisissant de s'ouvrir à un public moins acharné. Si l'on y ajoute les soucis de contenu et des commentaires toujours très moyens, PES peut faire beaucoup mieux.