Successeur spirituel du grand Total Annihilation, Supreme Commander est un STR futuriste également créé par Chris Taylor dans l'optique de remettre au goût du jour la stratégie avec un grand S et pas seulement les petites batailles tactiques comme on a de plus en plus l'habitude de voir dans les titres du genre. Ici, ce sont des cartes de taille gigantesque sur lesquelles on peut s'affronter en utilisant des armées qu'il ne suffit pas de produire en grand nombre pour l'emporter. Il vous faudra en effet utiliser au mieux les complémentarités entre chaque type d'unités terrestres, aériennes et navales pour espérer gagner la guerre totale qui oppose les trois factions du jeu.
Avant de voir ce qui fait la force de Supreme Commander, à savoir son gameplay et son mode multi, regardons dans quel contexte le titre se déroule. 2018, les scientifiques découvrent la technologie du tunnel quantique qui rend possibles les voyages interstellaires. Il suffit de quelques siècles pour que plusieurs centaines de colonies s'implantent sur d'autres planètes. L'humanité est en plein essor lorsque intervient un événement qui va changer à tout jamais la physionomie de certains êtres humains. En effet, le docteur Gustaf Brackman a trouvé un moyen d'implanter des puces électroniques dans les cerveaux afin de booster leurs capacités. Ainsi naissent les Symbionts. Très vite, ces derniers se retrouvent totalement exploités par la Fédération Terrienne Unie qui ne les considère pas comme des humains à part entière. Pour remédier à cette situation inacceptable, le Docteur Brackman et ses disciples s'enfuient sur des planètes éloignées et y fondent la nation cybranne. Leur objectif est simple : libérer leurs frères Symbionts asservis. De son côté, la FTU continue à coloniser de nouvelles planètes, et ce qui devait arriver arrive finalement : la FTU découvre l'existence d'un peuple extraterrestre. Pacifiques et partageant leur savoir avec les hommes venus sur leur planète, les aliens sont rapidement accusés par une frange de la population de vouloir propager leur manière de voir l'univers et la FTU lance alors une attaque sur leur astre d'origine. Résultat : l'espèce s'éteint purement et simplement. Sa philosophie pacifique n'est cependant pas morte puisque ses disciples humains comptent bien lui rendre hommage en fondant le peuple des Aeons. Leur but ? Purifier la galaxie et montrer à tous la voie de l'infinie sagesse que leur ont appris les aliens.
Trois camps s'affrontent donc dans Supreme Commander : la FTU, les cybrans et les Aeons, on a logiquement accès à trois campagnes solos qui donnent la possibilité au joueur de défendre chacune des trois factions. Hélas, force est d'admettre que l'on ne peut être qu'un peu déçu de la teneur de ces campagnes très lacunaires au niveau de la mise en scène. En effet, mise à part la cinématique de présentation, on n'a ensuite accès qu'à de petits briefings entre les missions ce qui fait qu'on a un peu de mal à bien s'impliquer dans un scénario qui cumule en plus quelques poncifs. Pourquoi ne pas avoir inclus de véritables cinématiques en images de synthèse entre les missions ? Pourquoi ne pas avoir développé un peu plus les relations entre les trois peuples ? C'est vraiment dommage, d'autant que les missions elles non plus ne nous ont pas donné entière satisfaction. Leur architecture n'est pourtant pas à mettre en cause puisqu'elle est plutôt bien pensée. En effet, contrairement à beaucoup de STR, on n'a pas accès à la totalité de la map d'un seul coup. Au début d'une mission, vous ne pourrez vous balader que sur une petite partie de la carte et ce n'est qu'en accomplissant certains objectifs qu'une nouvelle portion des lieux sera dévoilée. Ce système est plutôt intéressant puisqu'on peut ainsi bâtir sa base plutôt tranquillement pour ensuite seulement se lancer dans une offensive de grande ampleur sur des maps de taille parfois gigantesque. Hélas, le défaut, c'est qu'on peut rester très longtemps sur la même planète. Il m'a par exemple fallu près de trois heures pour terminer une des missions de la campagne Aeon et ainsi pouvoir passer à la suivante. Certes, c'est de la stratégie de grande ampleur, certes, il faut du temps pour détruire certaines bases adverses très bien défendues, mais je peux vous assurer que lorsqu'on a passé autant de temps à batailler pour venir à bout d'un simple camp ennemi, on n'a pas forcément envie de recommencer la même chose sur la planète qui suit. Globalement, ça manque d'intérêt, de punch, de rythme.
L'intérêt de Supreme Commander ne repose donc pas sur les campagnes solos. Voyons donc ce qu'il propose au niveau du mode escarmouche. Quatre types de conditions de victoires sont disponibles : les parties sans fins, celles où il vous faut détruire toutes les unités adverses pour l'emporter, celles où il vous suffit d'anéantir les bâtiments et les ingénieurs ennemis et enfin, celles où le jeu se termine lorsque vous avez détruit les UBC adverses. Un UBC (unité blindée de commandement) est un gros robot avec lequel on commence les parties. Hormis sa grande résistance et ses larges possibilités d'évolution (vous pouvez améliorer cette unité avec de nouveaux boucliers, armes, téléporteurs...) un UBC a la particularité de pouvoir construire les bâtiments de base indispensables à l'établissement de votre camp. C'est donc grâce à lui que vous commencerez à construire avant de faire appel à d'autres unités : les ingénieurs. Au maximum, les armées peuvent compter 1000 unités et pour les produire, vous aurez besoin de deux ressources : la masse et l'énergie. Elles se récoltent en bâtissant des extracteurs et des générateurs. Les premiers sont nettement plus efficaces, mais ils ne peuvent être construits qu'à certains endroits de la carte, des lieux hautement stratégiques qu'il faut tenter de conserver pour s'assurer d'un approvisionnement suffisant. Un peu comme dans Dawn of War ou Company of Heroes en quelques sortes.
La particularité du système de ressources de Supreme Commander, c'est qu'il n'y a pas seulement la construction de bâtiments et d'unités qui demandent de l'énergie et de la masse, mais aussi le fonctionnement des infrastructures. Ainsi, les générateurs de boucliers réclament une grosse quantité d'énergie et si vous n'en produisez pas suffisamment, vous pouvez dire adieu à leur protection. Bref, il faut bien veiller au rapport entre les ressources produites et celles dépensées sous peine de vous trouver à court, ce qui a de graves conséquences sur le fonctionnement des bâtiments et sur la vitesse de construction. Pour ce qui est de l'IA, elle est capable du meilleur (stratégies poussées de contournement, utilisation parfaite des capacités des unités...) mais aussi du pire. On a en effet assisté médusé à quelques scènes dantesques : un UBC qui se laisse détruire sans réagir, une unité restée bloquée contre une falaise ou encore des ennemis qui s'acharnent à l'infini sur un bâtiment alors même que plusieurs ingénieurs le réparent. Bref, c'est assez inégal et il vaudra donc mieux jouer en multijoueur si l'on veut éviter ces quelques problèmes.
Car c'est bien à plusieurs que Supreme Commander procure le plus de plaisir. Son gameplay semble en effet taillé pour cette activité. Ainsi, le gigantisme des cartes (certaines font 80 km de côté) fait que l'on peut vraiment prendre part à des batailles dantesques. De plus, beaucoup d'unités que l'on peut construire ont des capacités spéciales intéressantes à utiliser. On peut par exemple choisir de faire plonger les sous-marins ou de les faire remonter à la surface selon la situation ou bien encore organiser un véritable pont aérien (ou un convoi naval) automatique entre un point A et un point B. Utile pour acheminer des armées rapidement sur des théâtres d'opération éloignés. Bref, au niveau des possibilités stratégiques, on n'est pas déçu, d'autant qu'il n'y a pas que des combats frontaux dont on doit s'occuper. Le joueur ayant la possibilité d'avoir des armes de longue portée (missiles nucléaires par exemple), il est indispensable de mettre en place des défenses correctes contre ces armes dévastatrices dont personne n'hésitera à se servir. Radars, batterie de missiles anti-missiles sont des éléments à ne pas négliger.
Une autre des caractéristiques essentielles de Supreme Commander, c'est son niveau de zoom réellement impressionnant. On peut en effet passer d'un cadrage de l'action de très près à une vue globale d'un simple mouvement de la molette. Vu la taille des cartes, cette fonctionnalité se révèle très utile pour voir la position de son armée et pour déplacer plus facilement ses unités, car ce qu'il faut dire, c'est que même en zoom éloigné, vous gardez le contrôle et pouvez déplacer vos troupes (qui ne sont alors représentées que par des icônes : carrés, triangles...). Pour avoir l'oeil sur deux lieux simultanément, le jeu prend aussi en charge le dual screen : il est donc possible de jouer sur deux écrans. Ceux qui n'ont pas le matériel nécessaire pourront se consoler en partageant leur moniteur en deux, mais il faut préciser que lorsque vous utilisez le split screen ou le dual screen, le jeu devient encore plus gourmand en ressources matérielles et que cela devient carrément injouable sur un Intel Core 2 Duo 6600, 2Go de RAM, Geforce 8800 GTX. Cette configuration parvient néanmoins à faire tourner convenablement Supreme Commander en écran simple et détails à fond, excepté en mode escarmouche sur les plus grandes cartes où ça rame fortement. Bref, Supreme Commander est fait pour les PC ultra costauds.
En définitive, Supreme Commander est un titre qui est vraiment destiné à un type de public particulier. Si vous accordez une grande importance à la campagne solo, alors le jeu n'est pas fait pour vous. Il n'est pas non plus pour vous si vous aimez les parties rapides et les gameplays simples, accessibles à la Command & Conquer ou à la Dawn of War. En revanche, si vous êtes à la recherche d'une expérience multijoueur et de combats de grande envergure et que vous avez adoré Total Annihilation, alors vous pouvez vous procurer Supreme Commander les yeux fermés. Le titre de Chris Taylor vous offrira des mois, voire des années de jeu grâce à la richesse des possibilités stratégiques qu'il offre.
- Graphismes15/20
Si les graphismes ne sont pas le principal atout du jeu, ils sont tout de même honnêtes avec quelques effets réussis. En revanche, l'aspect cubique et plat de certaines unités et les décors vides en décevront plus d'un. Remarquez, il fallait bien faire quelques concessions pour que le moteur 3D puisse afficher de grosses armées à l'écran, le jeu étant déjà bien assez gourmand comme ça. Pour en profiter pleinement, il vous faudra d'ailleurs une configuration musclée sinon, vous subirez de nombreux ralentissements, surtout sur les grandes cartes avec 8 joueurs en escarmouche.
- Jouabilité17/20
Les possibilités stratégiques sont énormes avec des unités nombreuses et originales, des cartes immenses, un niveau de zoom impressionnant... Toute cette richesse a néanmoins un prix : le titre est plutôt difficile à maîtriser et ne plaira donc pas aux néophytes ou à ceux qui préfèrent les titres dans le genre de Command & Conquer, plus fun, plus rapides, plus accessibles. Signalons quand même qu'il y a quelques problèmes au niveau de l'IA qui nous font préférer l'expérience en multijoueur au jeu en solo.
- Durée de vie18/20
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on n'est pas volé : les trois campagnes solos, les nombreuses cartes escarmouche et multijoueurs offrent une durée de vie absolument colossale.
- Bande son16/20
Le très talentueux compositeur Jeremy Soule (Total Annihilation, Company of Heroes, Prey, Oblivion, Guild Wars...) nous offre des musiques de grande qualité (hélas un peu répétitives) et les bruitages mettent tout de suite dans l'ambiance de guerre futuriste.
- Scénario14/20
Correct sans plus. Supreme Commander ne brille pas particulièrement par la qualité de ses trois campagnes solos assez classiques et sans grand génie au niveau de la narration. On aurait aimé avoir de véritables cinématiques en images de synthèse ou pourquoi pas en vidéos à la Command & Conquer entre chaque mission et pas uniquement de petits briefings.
Et non, pas de 18/20 ni même de 17/20. Vous devinez tout de suite pourquoi si vous avez lu le test, les trois campagnes solos sont loin d'être à la hauteur et se sont révélées fades et molles. En outre, le mode escarmouche sur les grandes cartes réclame une configuration de brute pour tourner correctement. C'est donc en multijoueur que Supreme Commander prend toute son ampleur. Il y offre de colossales possibilités stratégiques grâce à ses unités intéressantes, à la taille de ses maps et à ses mécanismes de jeu qui se prêtent parfaitement à l'exercice. Si vous aimez jouer à plusieurs et que la relative difficulté de prise en main ne vous rebute pas, vous pouvez aisément vous laisser tenter.