A tous ceux qui s'imaginent encore que le Tactical-RPG est un genre austère et rebutant, Nippon Ichi prouve avec Disgaea 2 qu'il suffit parfois d'une bonne dose de dérision pour rendre ces titres incroyablement drôles et attachants. Et malgré la renommée de son illustre prédécesseur, Disgaea 2 a l'humilité de ne jamais se prendre au sérieux, alors que pour bien des fans, il fait figure de référence dans sa catégorie.
Compte tenu du faible nombre de sorties en matière de T-RPG, je crois qu'on peut une nouvelle fois se mettre à genoux devant l'équipe de Koei qui nous offre régulièrement l'opportunité de découvrir et de profiter des titres de Nippon Ichi depuis le mythique Disgaea. Que l'on soit néophyte ou fin connaisseur, il suffit de s'essayer ne serait-ce que quelques minutes à des jeux comme La Pucelle Tactics, Phantom Brave ou Makai Kingdom pour reconnaître sans difficulté la patte caractéristique du développeur japonais. Car tous ces titres ont en commun une unité visuelle très kawaii, mais aussi de nombreuses similitudes de gameplay, même si tous se démarquent évidemment par un certain nombre de particularités qui rendent leur système de jeu unique.
Dans le cas de Disgaea 2, les différences sont moins évidentes, la suite reprenant la quasi-totalité des idées mises en place dans le premier volet. Ainsi, on oublie tout de suite les notions de "confine", de cercle de déplacement ou d'invocations de bâtiments que l'on avait pu voir dans les derniers jeux de la firme, pour revenir à quelque chose de plus classique. Les amateurs ne s'en plaindront certainement pas, dans la mesure où le système de jeu de Disgaea est, de l'avis général, l'un des meilleurs que l'on puisse trouver en matière de T-RPG. Les déplacements se font donc case par case, de façon traditionnelle, et les protagonistes apparaissent tous sur la zone de combat à partir du même point d'entrée, dans l'ordre de votre choix et dans une limite de dix personnages. Pour autant, il n'était pas question que Nippon Ichi se contente de rester sur ses acquis sans chercher à introduire de nouvelles idées en parallèle. Ce second opus est donc l'occasion pour le développeur de perfectionner son produit en l'enrobant de quelques ajouts pertinents dont on aura désormais bien du mal à se passer.
L'un des éléments qui caractérise le plus un Disgaea, c'est la présence de ces petites pyramides colorées appelées les Géosymboles. Comme dans le premier volet, il est indispensable d'apprendre à utiliser ces prismes à bon escient pour les mettre au service de votre groupe et les soustraire à vos adversaires. Pour résumer, à chaque Géosymbole correspond un attribut qui affecte directement certaines cases de la zone de combat. Ces effets peuvent aller du simple bonus d'attaque à un gain d'expérience à chaque tour, en passant par des interdictions de zone ou d'attaque à distance. L'intérêt du système réside dans le fait qu'il est possible de soulever ces prismes pour les balancer sur une autre zone colorée afin d'exploiter au mieux ses attributs. Très simple à la base, le concept peut devenir extrêmement complexe dans certains cas de figure, mais sans pour autant représenter une contrainte puisque rien ne vous empêche de détruire ces symboles pour les faire disparaître définitivement de la zone de jeu. Il faudra toutefois anticiper les conséquences que cette dernière solution implique, sachant que la destruction d'un Géosymbole entraîne généralement une réaction en chaîne qui inflige son lot de dommages collatéraux. Dans Disgaea 2, le concept a été amélioré dans le sens où les prismes sont maintenant dotés d'une vie propre, et qu'ils peuvent donc se déplacer d'eux-mêmes en cours de jeu pour modifier les effets de zone, ce qui enrichit considérablement la donne. D'autant que les attributs sont également beaucoup plus variés et nombreux que dans le premier volet.
Les combos ont été également repris dans cet épisode, même s'il faut toujours bien distinguer les attaques groupées des attaques consécutives. Dans le premier cas, il suffit de placer ses personnages sur des cases adjacentes pour qu'ils s'enflamment littéralement afin de frapper l'ennemi en s'acharnant sur lui comme des damnés. Le gros plus de ce système, c'est que rien ne vous empêche de déplacer un personnage pour qu'il participe à un combo, puis d'annuler son déplacement et l'envoyer ailleurs accomplir une autre tâche. La souplesse étonnante du gameplay de Disgaea, où le joueur est libre de programmer les actions dans l'ordre où il l'entend avec les personnages de son choix avant de les valider au moment souhaité, autorise parfaitement ce genre de subtilités, uniques dans le domaine du Tactical-RPG. Dans le cas des attaques consécutives, la victime subit plus de dégâts si vous avez paramétré les attaques de plusieurs personnages avant de les valider toutes d'un seul coup. Ce n'est encore qu'un exemple isolé, mais dites-vous bien que Disgaea 2 regorge d'astuces de ce genre, et que même après des heures de pratique on continue à s'émerveiller de l'incroyable richesse de son système de jeu.
Autre option incontournable, la courte-échelle vous permet toujours de soulever vos alliés les uns après les autres, de façon à former une pile de personnages aussi ridicule à voir qu'efficace à utiliser. A l'inverse du premier volet, Disgaea 2 apporte à ce niveau-là de nouvelles idées qui rendent cette option indispensable. Désormais, le fait d'empiler vos héros peut vous servir à vous acharner sur une même cible en déclenchant une attaque combinée. La victime se voit alors passée à tabac entre les mains de ses bourreaux qui se l'envoient jusqu'à ce que les dégâts infligés atteignent des sommes colossales. Cette pyramide humaine trouve également une autre utilité dans le Dark World, un monde caché qui offre une autre vision des différents niveaux pour les joueurs les plus aguerris. Outre leur difficulté accrue, ces tableaux sont surplombés par un soleil maléfique qui octroie aux ennemis des bonus à chaque tour. Dès lors, rien ne vous empêche d'empiler vos personnages pour les faire décoller du sol telle une fusée, dans le but de détruire cet horrible Dark Sun. L'idée est tellement surréaliste qu'on ne s'étonnera pas que l'équipe de Nippon Ichi ait pu y penser, même si vous devrez pour cela sacrifier l'un de vos personnages. D'une manière générale, la possibilité de soulever des unités pour les lancer ailleurs est plus que jamais l'un des gros plus du gameplay et renferme un grand nombre de subtilités.
Toujours dans l'optique de reprendre les idées du premier volet pour les enrichir, les développeurs ont également retouché certaines fonctions liées à la Dark Assembly où l'on peut notamment créer de nouvelles classes de personnages, au tribunal des Prinnies où il est bon d'être condamné pour les crimes les plus absurdes, et à l'Item World. Par souci de clarté, je ne rentrerai pas dans les détails, mais je voudrais tout de même insister sur ce dernier qui ne sert plus seulement à renforcer les niveaux de ses objets et à faire du level-up en enchaînant les tableaux aléatoires. A présent, il arrive que l'on y rencontre des pirates auxquels il est possible de dérober des cartes au trésor, sachant que l'obtention des 16 cartes vous autorise à pénétrer dans un monde totalement optionnel. Inutile de dire que Disgaea 2 jouit d'une durée de vie quasiment infinie pour qui désire voir toutes les fins proposées, booster les statistiques de ses personnages au maximum (classes, sorts, objets, niveaux de maîtrise des armes, etc) et terminer tous les stages secrets.
A l'inverse, la trame principale ne s'avère pas si longue qu'on pourrait le croire, et la difficulté est suffisamment bien dosée pour éviter d'avoir à faire de l'expérience entre chaque chapitre. De plus, le soft bénéficie d'une atmosphère parodique irrésistible, l'aventure étant bourrée d'humour et de clins d'oeil renvoyant aux autres jeux du studio. Ainsi, quand tout va mal, un simple coup de fil vous permet d'appeler les Rangers "sentai" à la rescousse. Rien ne vous empêche non plus de soudoyer un sénateur pour faire passer un décret à l'aide de pots-de-vin. Quant à cette furie d'Etna, à l'instar de quelques-uns de ses collègues issus du premier volet, elle risque fort de venir jouer les trouble-fêtes avec tout le cynisme et la cruauté qui la caractérisent. Impossible de faire le tour de tout ce que le soft nous réserve en terme de surprises, d'ambiance loufoque ou même de challenges. S'il est vrai que la plupart des bonnes idées du titre étaient plus ou moins présentes dans le premier opus, cette suite fait figure d'indispensable en regard de tout le plaisir qu'elle a à nous offrir. Alors, bien sûr, on aurait aimé que le titre se démarque davantage de son prédécesseur, mais lorsqu'on nous propose un jeu d'une telle qualité, on se réjouit que Nippon Ichi soit fidèle au poste pour secouer un genre qui aurait tendance à se marginaliser.
- Graphismes16/20
On reste toujours dans la belle 2D avec un titre qui séduit par son côté old-school et le design absurde de certains personnages, comme la grenouille Tink ou les fameux Prinnies. La réalisation est meilleure que dans l'opus précédent, même si les trois niveaux de zoom et les rotations de caméra n'empêchent pas quelques soucis de lisibilité.
- Jouabilité16/20
Les développeurs se sont attachés à conserver l'essentiel du système de jeu de Disgaea en y rajoutant quelques nouvelles idées qui sont toutes vraiment excellentes. Hormis les quelques problèmes de lisibilité évoqués plus haut, le gameplay est impeccable et d'une profondeur affolante.
- Durée de vie16/20
En ligne droite, ce second volet est d'autant plus abordable que la difficulté est parfaitement dosée et ne vous obligera pas à faire du level-up à outrance. En plus des 13 chapitres de l'histoire, le jeu renferme une multitude de challenges secrets et vraiment corsés qui vous tiendront en haleine pendant des dizaines et des dizaines d'heures.
- Bande son14/20
Bonne initiative, le doublage est proposé en version anglaise ou japonaise, mais les textes restent en anglais. Bien que très diversifiées, les musiques s'apprécient difficilement, même dans le contexte du jeu. A noter que le soft contient un CD de l'OST en bonus.
- Scénario14/20
En tentant d'invoquer l'Overlord Zenon pour l'éradiquer afin de neutraliser le sortilège lancé sur la population de son monde, le jeune Adell ne réussit qu'à faire venir sa fille Rozalin qui choisit de l'accompagner dans une aventure invraisemblable. Malgré le caractère complètement loufoque des dialogues et de certains personnages, le côté gentillet du héros et la retenue que l'on sent dans le scénario décevront peut-être les fans de Disgaea.
Acclamé à juste titre par les amateurs de Tactical-RPG, Disgaea méritait bien une suite de cette qualité, même si on pourra toujours reprocher à celle-ci de ne pas se démarquer davantage de son aîné. Ne serait-ce que pour son ambiance unique et sa profondeur de jeu étonnante, Disgaea 2 mérite d'ores et déjà son statut d'incontournable.