Il y a quelque chose du VIP honorifique dans Gradius Collection. La puce portable de Sony n'a jusqu'à présent pas reçu la moindre avance d'un shoot'em up. Et là, paf, 5 d'un coup, dites donc. Cette généreuse compilation, forte de retracer 11 années d'un baron du genre, embarque le joueur au quai du premier épisode pour l'emmener jusqu'au Gaiden, sorti sur PSone, dernière étape avant la révolution Gradius 5. Dans les dates, c'est aussi, très symboliquement, la belle époque du shmup que l'on visite ou revisite, selon l'âge et la culture de chacun. Une fois rassasié, on rangera Gradius Collection dans la pile du fond, celle que l'on ne fouille plus jamais, décidé à tourner la page des shmup old school pour de bon. Le faire avec regret serait la plus éclatante preuve de réussite pour Konami.
Le voyage de 1986 à 1997 évoqué dans l'introduction n'est qu'une image, il n'y a évidemment aucun ordre imposé dans Gradius Collection. De toute façon, n'importe quel versant, mis à part l'antique premier épisode, sera suffisant pour appréhender la forme générique d'un Gradius. L'icône de Konami a toujours été très rigide, refusant de troquer ses canons contre d'autres expérimentations, voire tout simplement contre des évolutions tangibles dans le coeur du jeu. Il est ainsi aisé de dégager rapidement des principes communs aux cinq épisodes concernés. Bon, on ne va pas s'appesantir sur le scrolling à défilement horizontal, qui s'étale quelquefois sur des plans verticalement prolixes. Le patron d'un stage à la Gradius est d'ailleurs quasiment toujours le même. D'abord une sorte de zone tampon, sans aucun obstacle, seulement des rangées horizontales ou désordonnées d'ennemis. L'agencement se remplit très vite par des blocs de décors flottants, tandis que les murs invisibles imposés par le cadre de l'écran tombent. Ces phases privilégient davantage l'évitement que la destruction et vous devez utiliser ce désenclavement autant que possible à votre avantage en vous déplacant sur toutes les hauteurs. Le troisième temps de Gradius vous ramène à des cages sur un seul cadre d'écran, qui jouent sur la profusion de corps et de feux adverses. Enfin, pour conclure la partition, le boss de fin s'amène pour rattraper la négligence de ses soldats. De charybde en scylla, cette progression en quatre mouvements est le reflet des ambitions un peu moins autarciques et limitées d'un R-Type (que l'on retrouve d'ailleurs quelque peu dans certaines configuration du décor). En commandant une part égale d'évitements, de prises de risques et de destructions massives, Gradius ratisse large. Je pense sincèrement que tous les types d'amateurs y trouveront, ou y ont trouvé leur compte.
Autre pilier du genre, le mécanisme de bonus est quasi identique dans chaque morceau de cette compilation, du fondateur de 1986 à l'adaptation 32 bits de 1997. Le compteur puissance est la clé et n'a pas grand chose de différent du module de force de R-Type. Il s'agit d'une chaîne de powers-ups, dont vous validez la progression en récupérant étape par étape les bonus indiqués. Dans le "pilote" de la saga, ce compteur puissance est unique et non modifiable. Je vais faire crier les retrogamers attachés à rendre justice aux copies "originales" mais ce manque rend la visite de cette antiquité finalement assez anecdotique. Car à partir de Gradius II, vous pouvez, avant de vous lancer, choisir parmi une large sélection de compteurs puissance et jouir de deux types de boucliers différents. Il est dès lors réellement embêtant de revenir sur le premier opus, sinon pour se rendre compte que le titre de 1986 n'est que l'ombre de Gradius II, l'un des plus séduisants shmups de l'histoire et personnellement mon chouchou du catalogue proposé par Konami en cette année 2006. J'y reviendrai.
Dans l'épisode qui suit, il est même possible de créer son propre compteur puissance, tandis que le nombre de powers-up continue de s'allonger, jusqu'à atteindre une petite vingtaine dans Gradius IV. Quant au Gaiden, ne vous y trompez pas : sous couvert de nous proposer trois autres vaisseaux en sus du Vic Vipers, ce sont bien les powers-ups et donc quatre compteurs puissances propres à chaque frelon qui donnent l'illusion d'un quelconque changement entre ces avatars. Enfin, pour conclure sur la tournure commune à tous les Gradius, et même s'il restera ça et là des similitudes non signalées, évoquons un peu les bonus d'accélérations. C'est le power-up "d'allumage" de n'importe quel compteur puissance. Vous devez récupérer 5 de ces capsules avant de pouvoir réellement disposer d'améliorations guerrières. La première d'entre elles a l'effet du bon coup de pied aux fesses tant Vic se traîne sans au moins un petit dopant. Mais arrivé à 4 ou 5 absorptions, la nervosité dont fait preuve notre petit frelon demande irrémédiablement un nouveau doigté, une certaine attention. Le déplacement est ouvertement casse-gueule et excitant.
Trop poussiéreuses visuellement, surtout dans le cas de Gradius II, les versions consoles n'ont pas été les matières premières de ces portages. Le calque résulte des oripeaux de l'arcade, ce qui explique en partie pourquoi, exception faite du premier opus, l'âge de ces titres n'empêche pas quelques éclairs graphiques adorables. Par instants, la PSP nous sort crânement des éruptions lumineuses traumatisantes et foncièrement belles ou des animations majestueuses pendant les affrontements face aux boss. A ce petit jeu, comme à tant d'autres, Gradius II emporte mon coeur bien plus haut que les autres itérations. Le dessin de ses sprites est chaleureux et précis, et son animation faite de mouvements amples et riches. Mais surtout les ennemis, pourtant communs dans le monde de Gradius (Phoenix, Hydres, Cerbères, Anémones, etc...), sont croqués avec une puissance et une forme de mysticisme qui touche au génie. Quant à la constitution ludique de cet épisode, eh bien nous entrons de plain pied dans les terres de la subjectivité, mais il reste aussi en première position pour moi. Je vous le conseille particulièrement.
Bref, tout cela pour vous dire rapidement que l'adaptation est de toute manière intouchable sur le plan technique. Konami s'est même permis de proposer pour chaque versant diverses tailles d'affichage, pour profiter du plein écran comme de la résolution originale. Les pistes sonores, très midi dans l'âme, même dans Gaiden, sont restituées avec circonspection. Le cheap de cette restitution musicale comme des mélodies fait partie du sceau de Gradius. Il percera vos tympans avec la douceur de l'amusement ou la douleur de la répulsion. Les seuls ravages concrets de ce portage alimentent en définitive les mêmes dépôts de plaintes adressés à la PSP depuis sa création. Il faut d'abord que Sony prenne conscience, en vue de sa console 2.0, de la carence ergonomique déshonorante de sa croix D. Il n'est absolument pas compréhensible que le stick analogique se montre plus efficace et donc prioritaire face à une croix directionnelle incapable d'apporter le moindre confort de jeu. Et une pensée, évidemment, aux éternels temps de chargements qui ne font que prouver "l'archaïsme" paradoxal du support CD vis à vis de la cartouche. Ces deux gênes contraignent le joueur à un temps d'adaptation supplémentaire qui n'a pas grand chose à faire là, surtout quand les titres proposés sont déjà suffisamment compliqués et austères comme ça, pour les non initiés je précise. Cela dit, il reste exclu de taper sur Konami tant il aura de son côté fait montre de générosité et d'application.
- Graphismes12/20
L'évolution technique est palpable entre Gradius I et II. Le troisième épisode ne prend pas vraiment le relais, on stagne un peu. Les deux dernières portions du cycle font intervenir de mignonnes incrustations 3D, très sommaires cela dit. D'un coup d'oeil, il semble impossible de se (re)prendre d'affection pour ces rendus en apparence simplistes. Mais sous le barda de références usitées (d'Alien à la mythologie grecque), certaines séquences formidables, surtout dans Gradius II, nous font bien vite revenir sur nos amères et premières impressions.
- Jouabilité12/20
C'est le socle solide de Gradius : quatre montées en puissance dans chaque niveau, les compteurs puissances et le coup des powers-up d'accélération comme "starters". Bien sûr, à être répétés sur cinq épisodes d'une quinzaine de stages chacun, il y a un petit problème de renouvellement. La première itération est d'ailleurs à éviter, quand vous ne devrez surtout pas passer à côté de sa suite (et du Gaiden dans une moindre mesure). Maudit soit la croix D de la PSP. Se rabattre sur le stick analogique pour approcher au mieux le rendement que nous impose la difficulté du titre n'est point normal.
- Durée de vie15/20
Comme indiqué ci-dessus, oubliez Gradius I et son absence de multiples compteurs puissance. Le reste des épisodes est exclusivement solo et roule à une moyenne de 10 à 15 niveaux par itération. Vous pouvez sauvez votre position sur le dernier checkpoint à tout moment ce qui supprime évidemment le temps supplémentaire des relances et allège une difficulté exigeante. Malgré cette concession, la compil atteint aisément les dix heures de jeu acharné.
- Bande son13/20
Le seul test de rorschach valable pour déterminer vos affinités avec l'univers musical de Gradius : c'est d'écouter attentivement le "jingle" qui annonce un nouveau stage. Il n'y a pas plus atypique que ce morceau de pas grand-chose, pourtant d'un exotisme à toute épreuve. A partir de Gradius II, les digits vocaux s'accumulent et les années 80 ont définitivement repris le contrôle du monde.
- Scénario/
-
Gradius Collection est un bel objet que vous laisserez en paix avec effectivement quelques regrets. Le plaisir atteint son climax sur Gradius II, ici en version arcade, un titre dont le pouvoir de fascination ne semble pas avoir été touché par le temps. Les autres versants sont un cran en dessous, et l'épisode fondateur est malheureusement un peu inutile. La conversion respecte les copies d'origine sur le plan technique tout en diminuant au mieux son aspect le plus imperméable : la difficulté. C'est la Playstation Portable elle-même qui se charge de saboter quelque peu le portage, la faute à une croix directionnelle qui ne fait pas son job. Une compilation qui a beaucoup de charme malgré tout. Il est tout de même temps de passer à autre chose, et d'espérer, en guise de suite à ce premier pas, une éventuelle traduction du formidable Gradius 5 sur la même machine.