Signé des ukrainiens de GSC, Heroes of Annihilated Empires est bien parti pour s'imposer comme le fourre-tout de 2006. A la fois RTS et jeu de rôle, il s'assoit sur un scénario mêlant les figures classiques du médiéval fantastique (elfes, dragons, nains...) à des personnages tout droit sortis d'un roman de science-fiction. Au cours des trois volets prévus pour l'instant, le scénario verra converger ces deux univers pourtant antinomiques et qui finalement se rejoindront dans une histoire où l'épée et l'arc devraient côtoyer le rayon laser et le champ de force.
La totalité de la saga est censée s'étaler sur trois jeux différents. D'ailleurs, si le premier volet est un RTS pur jus, il se pourrait que les suivants s'éloignent de ce genre, voire que le troisième soit un MMO. MMO quoi ? RPG, RTS ou action à la Guild Wars ? Rien de très précis ne filtre encore sur le sujet. Mais revenons à la mise en bouche que constitue cet opus-ci. En solo, on suit les exploits d'un ranger elfe appelé Alhant qui refuse de battre en retraite face à la vague déferlante d'une nouvelle menace : les morts vivants. Cette campagne se déroule sur des cartes très dirigistes car fortement escarpées. Les objectifs à atteindre se trouvent en général au bout de canyons qui font office de couloirs dans lesquels vous attendent des ennemis variés : araignées, dragons, goules et minotaures. A côté de ces créatures qui ne sont en fait que des aléas de voyage, Alhant et ses compagnons doivent également affronter un groupe constitué : les orques. Ceux-là construisent des camps et génèrent des troupes qu'ils lancent à l'assaut de vos installations et de vos troupes.
Histoire de pousser le joueur à vraiment explorer la carte, on croise des personnages divers qui donnent des missions à Alhant. En les accomplissant, on récupère de l'argent ou des objets divers : des armes, des armures, des potions (mana, santé, vitesse, dégâts...). On trouve également des échoppes d'alchimistes vendant divers objets magiques ou des ateliers de forgerons qui proposent des armures et des armes plus performantes. Et c'est dans la gestion de ces objets que Heroes of Annihilated Empires confine au jeu de rôle. Les attributs des différents artefacts modifient les capacités de votre héros de manière drastique et c'est au joueur qu'il appartient de décider si, par exemple, il sera plus rapide ou mieux protégé, disposera de davantage de santé ou de mana, etc. Ce principe s'étoffe d'un arbre de sorts qui permettront à Alhant, par exemple, de ralentir ses ennemis grâce à des flèches de glace ou de guérir ses troupes en invoquant des "arbres de vie", éléments inévitables de la culture elfique.
Le mode multijoueur aura la particularité de demander d'emblée au joueur de décider s'il va jouer en mode jeu de rôle ou stratégique. Dans le premier cas, on se sert à outrance d'un héros dont la nature est décidée avant de lancer la partie : guerrier, archer ou mage. On ne peut compter que sur lui seul et les pouvoirs ainsi que les armes qu'il glanera au cours de ses déplacements. Si on passe en mode stratégique, le premier geste à faire est bien entendu d'obtenir des constructeurs de base qui vont édifier un camp. L'invocation de ces "peons" se fait en utilisant l'énergie du héros qui, dès lors, devient inutilisable pendant de longues minutes. Il se transforme en esprit éthéré et ne peut plus prendre part au combat. Tout est donc une question de choix.
De cette preview, il ressort déjà plusieurs choses. D'abord, sans être vraiment révolutionnaire, Heroes of Annihilated Empires est un RTS très complet qui va directement taquiner les ténors du genre, à commencer par Warcraft III. En cela, il est aidé par son côté RPG, bien entendu. Techniquement, le constat est nettement moins enthousiaste. Il y a d'abord le graphisme. C'est joli, soit, mais un peu trop naïf pour vraiment revendiquer une patte, un style. Les personnages et les bâtiments ressemblent hélas à d'autres déjà vus dans des dizaines d'autres jeux. Autre problème, plus grave et sans doute plus objectif : le pathfinding. Ce système qui gère les déplacements des unités connaît quelques difficultés à leur indiquer le chemin dans le dédale que sont certaines cartes. Il n'est pas aidé, c'est vrai, par le fait que le jeu utilise des couloirs pour gérer les déplacements des troupes du joueur de manière bien moins ouverte qu'il n'y paraît de premier abord. Et, alors qu'on mène une bataille acharnée à un bout de la carte, il faut se préoccuper encore du trajet qu'empruntent les troupes fraîches pour rejoindre l'échauffourée. Ce n'est pas toujours très simple.
Et justement, la principale inquiétude qui nous taraude et sur laquelle nous reviendrons lors d'un prochain test concerne le niveau de difficulté de Heroes of Annihilated Empires. Il faut comprendre une chose : tout y est conçu sur un principe exponentiel. Un exemple tout simple : une première tour de garde nécessitera, disons, 200 stères de bois. La suivante en réclamera 400 puis la troisième 1200, la quatrième 2300, etc. Ces chiffres ne sont pas formellement exacts mais ils reflètent bien le principe du jeu. Il en va de même pour les forces ennemies. Le camp confié à l'intelligence artificielle se comporte comme un "rusher", comprenez qu'il ne tarde pas à vous rendre une petite visite. Alors que vous vous débattez encore pour mettre sur pied vos productions de ressources ou édifier vos défenses et tentez de rassembler suffisamment de troupes pour oser une sortie, il est déjà là avec ses unités de base à faire des misères à vos "peons". Et non seulement ça n'arrête jamais mais, là aussi, c'est exponentiel. Rapidement, vous vous retrouvez vraiment submergé sous le nombre. Dans ces conditions, mener une mission à bien relève de la gageure. Avec un tel niveau de difficulté, on a du mal à imaginer que Heroes of Annihilated Empires puisse conquérir le grand public. Mais ça, seul l'avenir nous le dira et ce serait bien dommage car, mis à part cet énorme défaut, il recèle de beaucoup d'éléments qui semblent jouer en sa faveur.