Après s'être fait remarquer au Japon et aux Etats-Unis, Trauma Center nous aura fait languir de longs mois avant d'arriver finalement en version européenne. Un laps de temps qui, pour ma part, m'aura paru interminable, puisque ayant passé des moments exceptionnels sur la version US, j'attendais impatiemment l'occasion de vous parler de ce titre absolument fantastique. S'essayer à Trauma Center, c'est basculer dans le quotidien bouleversant d'un jeune chirurgien qui n'est pas au bout de ses surprises, et mieux vaut y être préparé.
Vous n'êtes aucunement attiré par le monde médical et la moindre piqûre vous donne des sueurs froides ? Pourtant, croyez-le ou non, vous avez autant de chances que les autres de succomber au virus Trauma Center. Parfaitement accessible aux néophytes qui ne connaissent rien de la médecine, le titre d'Atlus saura vous faire acquérir en un clin d'oeil les réflexes d'un expert en chirurgie. Prenant place dans un contexte relativement sérieux, compte tenu du propos abordé, le jeu compense son approche réaliste par son atmosphère très typée manga et ses opérations parfois fantaisistes. Dans la peau du docteur Derek Stiles, vous devrez faire vos preuves à l'hôpital Hope avant de tenter d'éradiquer une nouvelle forme de virus mortel en intégrant Caduceus, une organisation secrète spécialisée dans l'enrayement des maladies incurables.
Débutant par une série de cas assez bénins, Trauma Center vous oppose rapidement à des opérations beaucoup plus délicates sur des patients victimes du TAC, ou toxine anti-immunocellulaire. Ce nouveau fléau de l'humanité, plus terrible que le sida ou le cancer, est encore sujet à bien des interrogations au moment où se passent les faits, soit en l'an 2018. Selon la rumeur, ce virus aurait été mis au point à des fins terroristes dans le but de constituer une arme bactériologique. Entouré d'une équipe de brillants chercheurs et chirurgiens, c'est vous qui allez devoir trouver le moyen d'enrayer cette maladie incurable. Concrètement, vous serez confronté à plusieurs reprises à des victimes du TAC au cours de missions ayant pour but de vous présenter les différents stades de cette maladie. En progressant dans le jeu, vous devrez apprendre à identifier les différentes formes du virus pour les traiter correctement, tandis que vos collègues tâcheront de mettre au point des solutions viables pour que vous puissiez mener à bien vos opérations. Les formalités médicales du début laisseront donc vite place à un stress permanent lorsque vous serez confronté à des cas critiques qui exigeront de votre part une concentration et une efficacité optimales.
Autant dire qu'il est impensable de se lancer dans une opération si l'on est pas parfaitement opérationnel. Jamais un jeu n'aura été aussi éprouvant et usant pour les nerfs, mais il faut vraiment l'essayer sérieusement pour comprendre à quel point Trauma Center parvient à installer une tension si terrible pendant les opérations. Mais pour réussir à rendre aussi réelle et aussi palpable cette atmosphère stressante, les développeurs ont tout misé sur les particularités de la DS en exploitant de façon très intelligente l'écran tactile. Le gameplay trouve ainsi son efficacité dans l'utilisation omniprésente du stylet, qui peut aussi bien faire office de scalpel que de seringue. En réalité, les dix instruments chirurgicaux qui sont mis à votre disposition peuvent être activés à tout moment par simple pression sur l'icône correspondante. On peut donc passer et en un clin d'oeil d'un outil à un autre sans avoir à attendre qu'une infirmière, aussi réactive soit-elle, vous tende l'objet. Et quand on sait à quel point il faut aller vite dans Trauma Center, ça n'est pas un détail anodin.
Le principal tour de force réside donc dans le fait que l'on oublie totalement le contexte dans lequel on joue pour se focaliser uniquement sur la complexité des opérations. Dès lors, ce n'est plus le stylet que l'on contrôle mais tout l'arsenal chirurgical indispensable à l'accomplissement des tâches qui vous sont demandées. Là encore, il est bien difficile d'expliquer cela à quelqu'un qui n'a pas joué à Trauma Center. Dites-vous que lorsque vous faites une incision avec le scalpel, vous avez vraiment le sentiment d'entamer la chair du patient, et de le faire souffrir lorsque le bruit vous indique que vous vous êtes légèrement loupé. Imaginez l'angoisse qui s'ensuit lorsque vous provoquez une hémorragie, et qu'il faut drainer le sang manuellement avant de suturer la plaie. Les seules choses qui seront bien réelles dans tout ça seront la tension qui fera accélérer votre pouls, la sueur qui perlera sur votre nuque et la sensation d'avoir les mains qui tremblent. Le maniement du stylet exigeant une précision chirurgicale de votre part, et c'est le cas de le dire, la moindre bavure peut suffire à faire échouer toute une opération. Fort heureusement, vous disposez d'un atout précieux dans votre manche : la Healing Touch.
Le concept de Healing Touch, traduit par "Don de Guérir" en français, constitue en quelque sorte un joker auquel vous pouvez recourir lorsque la situation vous échappe dramatiquement. L'échec d'une opération découle directement du pouls du patient qui, s'il tombe à zéro, entraîne la mort du malade et l'irrémédiable Game Over. Malgré le fait que vous serez complètement absorbé par l'application du traitement, vous devrez donc impérativement garder un oeil sur ce pouls qui peut chuter brutalement lorsque vous "dérapez". Le seul moyen de faire remonter celui-ci est d'injecter régulièrement une certaine substance à l'aide de la seringue, ce que vous ne pourrez pas vous permettre de faire n'importe quand. Il est donc parfois inévitable de faire appel au Don de Guérir, une notion un peu fantaisiste qui constitue en quelque sorte le pouvoir spécial du docteur Stiles. Concrètement, la chose consiste à tracer un pentacle avec le stylet pour quasiment figer l'action et faire passer le temps au ralenti. Vous disposerez ainsi d'un laps de temps précieux que vous devrez mettre à profit pour redresser la situation en agissant vite et bien. Notez que vous ne pourrez hélas l'utiliser qu'une seule fois par mission.
Même si les premières missions demeurent très simples, elles sont indispensables pour que le joueur acquiert les réflexes de base afin de les utiliser par la suite de manière intuitive sans passer trente secondes à se demander comment procéder pour effectuer un massage cardiaque, extraire une tumeur, retirer un corps étranger ou traiter une hémostase au laser. Histoire que vous ne perdiez pas vos bonnes habitudes de médecin si vous arrêter de jouer pendant plusieurs jours, le soft vous donne la possibilité de recommencer les missions terminées dans n'importe quel ordre en passant par le mode Opération (anciennement le mode Challenge). Vous pourrez ainsi en profiter pour améliorer votre score en agissant plus proprement ou en allant plus vite, puisque le chronomètre représente votre principal menace après l'état du patient. Parmi les 36 missions proposées, quelques-unes font vraiment preuve d'originalité, notamment la scène mémorable où vous devrez désamorcer une bombe dans un avion avec vos instruments de chirurgien ! Les derniers cas sont d'ailleurs tellement fantaisistes qu'ils sont carrément indescriptibles. Pour vous donner une idée, dites-vous que vous aurez affaire à des parasites monstrueux aux réactions totalement imprévisibles, et que vous allez vraiment en baver pour en venir à bout. Malgré tout, Trauma Center est une expérience à part à découvrir absolument si vous ne voulez pas passer à côté de l'un des jeux les plus marquants de l'année.
Pour des raisons techniques, ces images ont été prises sur la version US, mais tous les textes sont traduits en français sur la version PAL.
- Graphismes15/20
L'écran supérieur affiche les conseils de vos assistants tandis que l'écran tactile permet de visualiser l'opération en cours. Présenté de façon assez réaliste, le soft peut être déconseillé aux âmes sensibles qui risquent d'être effrayés à la vue du sang. Quoi qu'il en soit, la gestion des instruments chirurgicaux est tellement crédible qu'elle donne vraiment l'impression d'agir à même la chair.
- Jouabilité17/20
Modèle de précision, le stylet est l'accessoire idéal pour manipuler des instruments aussi divers qu'une seringue, un scalpel, un drain ou un laser. L'utilisation du Don de Guérir se fait sans problème une fois qu'on a compris le truc, le seul outil délicat à manier étant la loupe.
- Durée de vie15/20
Il faut le mériter pour venir à bout des 36 missions proposées. Trauma Center est un titre auquel on ne joue pas des heures d'affilée mais sur lequel on revient souvent lorsqu'on se sent prêt à endurer le stress que la moindre partie engendre. On regrettera juste que certains cas reviennent plusieurs fois durant le jeu.
- Bande son14/20
Ce n'est pas le point fort du jeu, mais si les musiques sont peu présentes, les bruitages sont en revanche assez dérangeants. Vous aurez du mal à ne pas tressaillir en entendant le son du scalpel qui dérape sur la chair du patient.
- Scénario15/20
Bien qu'assez réaliste au départ, le scénario bascule vite dans la fantaisie. Malgré tout, on aurait bien aimé que les cas à traiter soient encore plus incroyables, à l'instar de ce qu'on peut trouver dans le fameux Blackjack de Tezuka. Les phases narratives ont un côté manga appréciable et rappellent assez celles de Phoenix Wright.
N'allez pas vous imaginer que je m'obstine à exploser l'échelle de notation pour le plaisir, mais Trauma Center constitue véritablement l'une des meilleures surprises de l'année sur DS. Brillant et sans équivalent, ce titre a cela de particulier qu'il parvient à créer une vraie fascination chez le joueur. Son côté éprouvant ne le rend peut-être pas aussi plaisant à jouer qu'un titre simplement divertissant, mais il propose une expérience de jeu incroyable. Voilà certainement la cartouche qui exploite le plus intelligemment les fonctions tactiles de la console au point de nous faire oublier que c'est un simple stylet que l'on tient entre nos mains.