Après avoir révisé leurs leçons et réjoué à Max Payne et compagnie, Genuine Games lâche son 50 Cent Bulletproof dans la nature. Parrainé par le célèbre chanteur et toute sa clique de rappeurs, ce titre s'évertue à singer ce qui s'est fait ces dix dernières années en matière de jeux d'action. Maintenant la grande question qu'on peut se poser est de savoir si reprendre quelques bonnes idées en y rajoutant quelques centaines de "Mother Fucker" par-ci, par-là, peut suffire à faire d'un jeu, un bon jeu.
50 Cent Bulletproof marque sans doute un tournant dans l'univers du jeu vidéo, en cela qu'il s'affiche davantage comme une vitrine pour sa star, 50 Cent, que comme un jeu d'action censé apporter de l'eau au moulin. Bien qu'il ne soit pas ici question de révolutionner un genre par ailleurs déjà bien fourni sur consoles, on peut tout de même douter de la bonne foi des développeurs et des producteurs quant au temps de gestation qu'il a fallu pour concevoir ce titre. Ceci dit, personne ne tentera de nous persuader que le jeu a avant tout été pensé par et pour des joueurs puisque dès la scène d'introduction le ton est donné : 50 Cent et sa G-Unit marchent vers nous, dans un ralenti "Bruckheimeresque", puis dans un jeu de plans très commerciaux, la caméra s'attarde sur la casquette, le tee-shirt, le pantalon et les pompes des protagonistes. Les choses ont au moins le mérite d'être claires et cette impression se renforce par la suite dans le sens où la grande majorité des bonus à débloquer tourne autour des clips de 50 Cent ou de ses morceaux de zizike. Après tout, pourquoi pas, mais le plus important dans l'histoire est de savoir ce qu'il reste du jeu une fois qu'on a franchi la barrière promotionnelle.
Comme je l'évoquais plus haut, le côté face de 50 Cent Bulletproof reflète un grande nombre d'échantillons de gameplays issus de Max Payne, True Crime New York City, GTA ou bien encore Dead To Rights. Pour clarifier la situation, nous sommes en pleine guerre des gangs, Fifty va devoir mener une enquête pour découvrir ce qui'il se trame derrière la mort de son pote K-Dog et de ce fait en découdre avec des nuées d'ennemis lourdement armés. Aucun doute à avoir, le jeu est bourrin, il ne lésine pas sur les douilles et encore moins sur la redondance de son action. Pourtant, d'une manière paradoxale, plus on est confronté à cette surenchère d'action et plus on éprouve de la lassitude à dégommer les adversaires qui sortent de partout, la faute à un énorme manque de profondeur que ce soit dans la façon de progresser, la diversité des décors ou l'approche du genre qui se borne à nous lancer des tonnes de poncifs à la figure. Ici aussi, on peut s'étonner de cette grande redondance et de ce manque de pêche d'autant que les développeurs ont pioché à droite et à gauche pour donner un peu de saveur à leur bébé. Par exemple, entre chaque mission, vous retournerez dans votre quartier où il sera possible d'effectuer quelques emplettes. Dj Whoo Kid vous permettra ainsi d'acheter de nouveaux morceaux musicaux, Doc Friday aura toujours sous la main quelques médocs pour faire remonter votre santé, Bugs ne rechignera jamais à vous donner quelques informations, Grizz vous offrira une petite sélection d'armes, etc. Le but sera alors de faire les poches de vos ennemis lors d'une mission (pour récolter du cash) puis d'utiliser votre fric pour acheter ce qui vous fait envie. A signaler, que vous pourrez aussi vous payer plusieurs choppes (en allant voir Popcorn) qui seront utiles pour mettre à mort les gougnafiers qui vous tirent dessus. Le tout est un peu cher mais si vous fouillez régulièrement les corps des mecs que vous venez de liquider, vous devriez vous en sortir. Une fois votre matos en poche, il ne restera plus qu'à prendre le métro pour rejoindre votre prochaine destination.
Bien que les missions offrent plusieurs objectifs, disons qu'elles se résument le plus souvent à désactiver des systèmes de sécurité ou trouver des objets spécifiques. Pour vous aider, vous pourrez appeler un de vos compadrés en passant par une espèce de PDA, qui vous servira également à changer votre Track List, reluquer des clips ou faire le point ce qu'il vous reste à faire. Malheureusement, si nos amis s'exécutent sans broncher, on a parfois droit à des bugs qui font que les membres de la G-Unit ne bougent plus d'un pouce et refusent de vous suivre. Agaçant, surtout quand vous avez besoin d'eux pour finir un niveau. Heureusement que les checkpoints sont nombreux et qu'il est possible de modifier le niveau de difficulté. Malheureusement, ici aussi, ce n'est pas vraiment la joie. De fait, si vous jouez en Facile, le jeu présente autant d'intérêt qu'un tir au pigeon et si vous optez pour le mode Normal (ou +), vous vous arracherez les cheveux à cause de cette foutue maniabilité. En effet, 50 Cent peine à se mouvoir et il est horripilant de devoir vider tout un chargeur sur un ennemi avant que ce dernier ne passe de vie à trépas. Au final, nous avons droit à des types qui ne bougent pas d'un pouce se contentant de vous tirer dessus à découvert ou au contraire à des sbires qui bougent tout le temps en vous canardant. Sachant qu'il n'y a pas de visée automatique et que la vue choisie n'est pas très jouable, on a bien du mal à se dépêtrer de ses gunfights qui n'en finissent jamais. Bien entendu, la possibilité de se planquer derrière des objets ou des ennemis peut aider mais c'est un bien pour un mal.
Finalement, 50 Cent Bulletproof mise avant toute chose sur cette surenchère de violence (verbale et physique) dans laquelle exploser la tête d'un type tout en se félicitant est aussi facile que de devoir payer un inspecteur véreux, joué par Eminem, pour avoir des infos. Le hic est qu'on a un peu de mal à adhérer aux propos (du moins ludiques) et ce malgré la possibilité de tirer avec deux armes en même temps (parmi une sélection de 20 joujoux), les balles qui fusent de partout ou la désinvolture qui régit la mise en scène. Cependant, il serait mal venu de critiquer ce titre uniquement du point de vue de sa violence intrinsèque ou de ses choix marketing. En l'état, 50 Cent Bulletproof est un jeu moyen qui n'arrive pas à utiliser des ébauches d'idées matérialisées par une jouabilité embryonnaire où IA hésitante, lenteur de déplacements et fusillades répétitives ne cessent de se voler la vedette. On aura beau nous retenir en nous rappelant aux bons souvenirs du mode Arcade soucieux de rallonger la durée de vie famélique du mode Histoire, rien n'y fera, la pièce de 50 Cent retombe à chaque fois sur la tranche et on aura bien du mal à se pencher pour la ramasser.
- Graphismes8/20
Si on trouve quelques environnements plus "champêtres" entre deux visites de décharges, garages ou sous-sols, on a bien du mal à se convaincre qu'on évolue dans le même New-York que celui de True Crime 2. Chinatown est symbolisé par un bâtiment où traînent deux trois lampions, la gamme de couleurs se situe entre le gris et le noir et si le design d'ensemble fait penser à un jeu EA BIG, on est encore loin d'atteindre la qualité d'un titre de cette société.
- Jouabilité11/20
Les choppes permettent d'assister à des mises à mort très violentes, on dispose d'une vingtaine d'armes et il est possible de se servir d'objets ou d'ennemis comme de boucliers. Les gunfights sont intenses et on peut appeler ses potes sous le feu nourri de l'ennemi pour papoter un coup. En contrepartie, la lenteur de déplacement de la caméra empêche de viser les ennemis (même si on peut régler le tout), la vue proposée est mal pensée pour ce type de jeu et l'immense redondance de l'action achèvera le plus blindé des amateurs.
- Durée de vie9/20
Une dizaine de niveaux constitue le mode Histoire qui se boucle en une petite journée. Le mode Arcade ne présente aucun intérêt, si ce n'est refaire les mêmes stages pour battre des records. Bien que le jeu comporte plusieurs niveaux de difficulté, le faire en Normal prend trop la tête et en Facile, c'est tout le contraire.
- Bande son12/20
Tous les morceaux sont à la gloire de 50 Cent et de la G-Unit. Difficile de porter un jugement quand on n'est pas vraiment fan du bonhomme. Néanmoins, la bande-son ne peut supporter la comparaison avec celles de True Crime New York City ou de GTA San Andreas, beaucoup plus éclectiques. Les bruitages, eux, sont peu réalistes mais on profite toute de même des doublages des rappeurs qui ont prêté leur image au jeu.
- Scénario8/20
Le semblant de scénario vaut surtout pour la présence de nombreuses stars dans les rôles principaux. On aura beau nous dire que c'est Terry Winter, producteur exécutif des Sopranos (excellente série devant énormément à ses dialogues), qui s'est chargé du synopsis, on ne peut s'empêcher de se dire que le boulot a dû être bouclé en deux temps, trois mouvements.
Si j'osais, je vous dirais que 50 Cent Bulletproof ne vaut pas un kopeck. Répétitif malgré un mode Histoire à la durée de vie faiblarde, un gameplay d'une lourdeur affligeante, une complaisance dans l'excès de violence, autant dire que les développeurs n'ont pas fait dans la dentelle en s'attardant davantage sur la devanture du magasin que sur ce qu'on trouve à l'intérieur. Pour la peine, ça me donnerait presque envie d'écouter en boucle le dernier Maxi-CD d'André Rieu...