Trimballant sa carcasse toute recouverte de lanières de cuir depuis maintenant quelque temps, le Prince de Perse est en passe de suivre la destinée des plus grands héros vidéoludiques. Digne successeur des Kratos, Alucard, et autres guerriers agiles et charismatiques, ce dernier rend un hommage vibrant à la notion même d'aventure/action. Il est donc très surprenant de le voir débouler dans un soft clairement stratégique, reniant ce qui a fait de lui une étoile montante. Ce changement de registre va-t-il booster sa carrière, à l'image d'un Vin Diesel qui tournerait dans un film d'auteur traitant du mal être d'un plongeur pyromane ? En quelque sorte...
Une fois passée la surprise de voir le Prince faire des phrases de plus de trente mots, c'est donc le type de jeu qui étonne agréablement. Alors que les épisodes "classiques" tendent à se ressembler d'années en années, même s'ils demeurent toujours aussi plaisants, c'est un véritable cri d'espoir que nous fait pousser cette version DS. Enfin une grosse licence qui prend des risques, face à un public pourtant déjà conquis aux actions acrobatiques du héros au bouc bien taillé. Pourtant, les premières impressions restent plutôt négatives. S'attendant à bénéficier des ambiances habituelles de la série, mêlant onirisme et architectures torturées, il est troublant de n'évoluer que dans de vastes plaines agrémentées de quelques monticules et arbres épars. Oubliez les notions de hauteur et de profondeur, Battles Of Prince Of Persia met en avant les surfaces planes comme autant de champ de batailles. Type de jeu oblige, vous évoluerez la plupart du temps sur des cartes plus ou moins précises, officiant comme une sorte de plateau d'échec. Une réalité loin d'être handicapante, mais qui cache pourtant un lourd secret. En effet, bien éloigné de la magnificence et du design si particulier de la saga, cet opus DS affiche une qualité graphique bien en deçà de ce à quoi l'on pouvait s'attendre sur une portable de ce calibre. Malgré l'animation irréprochable des sprites de taille imposante durant les phases de combat proprement dites, il est troublant de se retrouver face à des personnages peu diversifés, grossièrement représentés, et surtout manquant de personnalité. Il en va de même pour les environnements, souvent vides et accusant un manque de détails flagrants. Mais comme les amateurs le savent, l'intérêt d'un Tactical Rpg ne réside jamais dans son apparence en tant que telle.
Et sur ce point précis Battles Of Prince Of Persia amène une preuve évidente. En effet, clairement en retrait d'un point de vue plastique, il rehausse la vision du joueur par le biais d'un gameplay contenant de nombreuses idées originales. Tout d'abord, il est bon de savoir que le déroulement général des rixes se rapproche de celui d'un Fire Emblem, dans le sens où l'on déplace ses troupes sur une carte, et que chaque rencontre avec un ennemi amène un changement de plan montrant la bataille en elle-même. On retrouve d'ailleurs une variation du Triangle des Armes, vous aiguillant sur les rapports de puissance entre les différents objets offensifs. Par exemple, une épée aura l'avantage sur un arc, qui aura lui-même le dessus par rapport à une pique qui elle dépassera la lame. Un principe digne d'intérêt, mais qui ne montre que trop peu son efficacité, tant les dégâts infligés varient peu. La taille des unités s'avère également prise en compte afin d'ajouter une seconde indication dans votre choix stratégique. D'autre part, chacune de vos unités peut être affectée par une condition particulière suivant sa position de force ou de faiblesse. Si, par le plus grand des hasards, vous effectuez un assaut particulièrement raté, vous aurez sans doute la désagréable surprise de subir un effet de sésorientation. Vous empêchant d'attaquer durant un certain moment, cet état est à éviter à tout prix si vous désirez terminer une bataille en paix. Néanmoins, rien de plus facile, il vous suffit d'éviter les attaques avec un trop faible taux de réussite. Indiqué avant chaque conflit, celui-ci change au gré de votre placement et du type d'unité en présence, allant de "abominable" à "fabuleux". Si le dernier rang vous apportera un malus, le plus haut vous donnera la possibilité de repousser votre adversaire d'une case, et de lui causer 50 pour cent de dégâts supplémentaires si vous parvenez à le coincer contre un obstacle.
Différentes tactiques se dévoilent alors, commençant à donner du corps au soft et surtout un véritable caractère, même si certaines lacunes demeurent persistantes. Je pense en particulier au déséquilibre concernant la magie, qui cause des dommages exceptionnels à une grande distance, pouvant décimer la moitié de votre effectif avant que vous n'arriviez au magicien en question. De même, le fait que des archers puissent aller au contact sans être vraiment inquiétés (le style Legolas), jette un froid qui a du mal à se dissiper. Fort heureusement, le système de combat masque quelque peu ces écueils pour apporter une réelle joie de jeu. Basé sur un système de cartes rappelant un tantinet Magic l'Assemblée, ce dernier s'avère assez complexe de prime abord, ne révélant ses subtilités qu'au gré de la progression assez aisée au sein du scénario. Plus précisément, il vous est possible de jouer un nombre défini de cartes par tour, celui-ci se concluant une fois vos actions épuisées ou sur votre demande. Toutefois, il faut savoir que les cartes se scindent en deux groupes. Le premier ne contient que celles permettant d'avancer et le second abrite celles provoquant différents effets mais un exemple sera plus parlant. Si vous piochez une carte surmontée du nombre 4, cela signifie que vous pourrez déplacer quatre unités dans les limites de leurs capacités de mouvement, afin de les conduire soit au contact d'un ennemi soit dans un lieu précis. Néanmoins, vous pouvez également choisir une carte "magique" affectant soit vos troupes de façon bénéfique, soit le camp adverse de façon néfaste. Tout en sachant que dans ce cas présent il vous faudra obligatoirement passer votre tour, sauf exception. C'est donc soit bouger, soit utiliser des changements d'état. Un choix cornélien qui ajoute une nouvelle dimension tactique mais qui peut également poser quelques problèmes dans la notion de défense.
Favorisant l'immobilisme, ce principe pousse paradoxalement l'ennemi à vous attaquer durant vos phases d'"ensorcellement", vous obligeant à utiliser très rarement ces dernières. Heureusement, et à la manière d'un Metal Gear Acid, vous avez le droit de transformer une carte d'action en carte de déplacement afin de pallier à un manque dans votre main. Effectivement, autre particularité, vous ne pourrez renouveler votre deck qu'après la fin d'une heure, à savoir une grande période de jeu. Sachant qu'une "heure" ne se conclut qu'après le choix des deux camps de laisser passer un tour, il vous faudra parfois attendre un long moment avant de revoir vos chères cartes. De même, vos unités ne peuvent plus bouger une fois leur action terminée, et ce pendant l'"heure" entière. Vous comprenez du coup que le rythme de la bataille peut être aisément haché par une telle pratique. Enfin, et même si ce n'est qu'un détail, il est déstabilisant de choisir la direction vers laquelle une troupe devra se tourner, une fois immobile, avant de se déplacer. Vous oublierez certainement très souvent à penser à cette petite subtilité, provoquant parfois des éliminations un peu frustrantes. Que penser alors de ce PoP nouvelle formule ? Eh bien, sous des couverts de T-RPG un peu léger, dénué d'acquisition d'expérience et d'une gestion de la hauteur, il apparaît comme un titre très honnête, bourré de bonnes idées et surtout conférant un confort de jeu convaincant par le biais du stylet. Un peu plus lourdaud que ses cousins, le jeu d'Ubisoft mérite pourtant que l'on s'y intéresse, ne serait-ce que pour la preuve que le Prince sait parler.
- Graphismes11/20
Clairement décevant de ce côté-là, Battles Of Prince Of Persia ne fait pas vraiment honneur à une DS normalement bien plus convaincante en matière de 2D. Exposant des personnages sans caractère et des armées de clones manquant de détails, il tranche nettement avec la réputation plastique de ses grands frères. Néanmoins, les animations demeurent particulièrement bien décomposées, laissant entrevoir un travail conséquent sur ce point.
- Jouabilité14/20
Version assez limitée du genre T-RPG, le titre d'Ubisoft manque quelque peu de profondeur malgré des idées très intéressantes. Empruntant des innovations de certains grands noms du genre tout en les mélangeant à de vraies notions originales, le gameplay de ce PoP nouveau diffuse un plaisir de jeu assez imposant. Même si l'on bute parfois sur des points perfectibles, on s'immerge facilement dans des principes prenants.
- Durée de vie15/20
Retraçant pratiquement l'ensemble de la saga, Battles Of Prince Of Persia vous confrontera à de nombreuses batailles, dont certaines ont été passées sous silence dans la trame générale de la série. De plus, vous pourrez vous adonner à des batailles en multijoueur, confrontant votre armée à celle d'un ami à l'aide du mode sans-fil. Et si cela ne vous paraît pas suffisant, vous pourrez toujours pratiquer des échanges de cartes parmi les 200 disponibles.
- Bande son14/20
Les compositions s'avèrent totalement en accord avec l'ambiance du jeu et disposent d'une qualité sonore très acceptable. Il est aisé de se plonger dans le titre grâce à cette aide précieuse. Néanmoins, le titre manque clairement de voix digitalisées et d'effets sonores suffisamment profonds pour convaincre totalement. Dommage.
- Scénario/
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Surprenant à bien des égards, Battles Of Prince Of Persia est l'un de ces jeux pas forcément exceptionnel, mais qui parvient à susciter une sorte de sympathie sincère. Loin d'être l'égal d'un T-RPG comme Fire Emblem, il amène suffisamment de nouveautés et d'âme pour dévoiler une vraie honnêteté et des qualités évidentes. Certes, il n'est pas le jeu à acheter obligatoirement en cette fin d'année sur DS, mais il pourrait peut-être vous faire chavirer.