Véritable légende en matière de jeu de plateau, la licence Dungeons & Dragons a aussi donné lieu à des jeux de rôle d'excellente facture sur PC tels que l'éternel Baldur's Gate ou le non moins palpitant Neverwinter Nights. Mais jamais les règles de cet univers n'ont été utilisées dans un jeu de stratégie. Eh bien c'est aujourd'hui chose faite grâce à Dragonshard.
Ceux qui connaissent déjà D&D retrouveront dans Dragonshard leur univers fétiche. Cela se matérialise surtout par le background qui reprend celui de la campagne Eberron. Le scénario a d'ailleurs été écrit par Keith Baker, l'auteur du fameux jeu de plateau. On y rencontre évidemment les créatures étranges issues de cet univers tels que les beholders, les driders, les ettins ou encore les incontournables dragons. Deux campagnes solos sont présentes. Dans l'une d'entre-elles vous présidez à la destinée de l'Ordre (alliance entre les humains, les halfelins, les nains...) et vous allez devoir tenter de vous emparer du Coeur de Sibérys et de ses pouvoirs magiques. Dans l'autre, vous dirigez le peuple lézard. Ces natifs de l'Anneau des Tempêtes n'ont qu'un objectif : défendre leur domaine contre tout intrus. On s'aperçoit vite que les deux campagnes sont interconnectées. Elles se déroulent en même temps et les liens entre-elles sont nombreux. Vraiment sympathique.
Si Dragonshard dispose d'un univers très particulier, son gameplay est quant à lui un subtil mélange d'éléments que l'on a déjà vu ailleurs avec quelques adaptations et nouveautés cependant. Ainsi on peut percevoir quelques points communs avec Warcraft 3, Armies of Exigo et Le Seigneur des Anneaux : Bataille pour La Terre du Milieu. Remarquez qu'il y a pire comme comparaison. Commençons par les similitudes avec le maître du genre j'ai nommé Warcraft 3. Et bien on retrouve tout comme dans le jeu de Blizzard le petit côté jeu de rôle qui va bien. Mais dans le cas de Dragonshard, celui-ci est un peu plus poussé. Dans chacune des 14 missions des deux campagnes solos il y a des objectifs principaux que l'on est obligé de remplir si l'on veut progresser, mais il y a aussi des quêtes annexes assez complexes qui demandent parfois de choisir entre deux possibilités de résolution en sachant que la récompense ne sera pas la même selon le choix que l'on fait. C'est vraiment très intéressant puisque ça nous oblige à fouiller méthodiquement les niveaux à la recherche de quêtes secondaires à accomplir. D'ailleurs, à la fin de chacune de vos missions, un récapitulatif s'affichera à l'écran pour vous attribuer un score reflétant vos performances.
Les ressemblances avec Warcraft 3 ne s'arrêtent pas là puisqu'on remarque aussi que le nombre d'unités qui sont sous notre commandement reste assez faible. Rien à voir en tous les cas avec les centaines, voir les milliers d'unités que l'on peut gérer dans d'autres STR. On retrouve aussi un désormais grand classique dans tout jeu de stratégie qui se respecte : la présence de héros. Au nombre de quatre par camp, ils disposent chacun de pouvoirs particuliers que l'on peut déclencher en pleine bataille (gel des adversaires, appel de la foudre...). Hélas, ils n'évoluent pas au fil des missions puisque l'expérience que l'on gagne, en accomplissant des quêtes et en tuant ses adversaires, l'est de façon globale pour notre camp et non pas pour chaque unité. Gérée comme une ressource, l'expérience peut ensuite être dépensée pour upgrader l'ensemble d'un type d'unité particulier (améliorer ses roublards par exemple). Mais de niveau en niveau, on ne garde pas le bénéfice de la progression. L'expérience revient en effet à 0 et on doit tout recommencer pour faire progresser ses unités. En fait, seuls les items que l'on ramasse peuvent être conservés d'une mission à l'autre. Des héros gérés comme dans les RPG, qui auraient pu gagner en force et en pouvoirs au cours de la campagne aurait certainement rajouté un plus au jeu. Dommage que les développeurs n'y aient pas pensé.
Hormis Warcraft 3, Dragonshard pique aussi des idées du côté d'Armies of Exigo. De ce jeu, il reprend la présence de deux plans : un en surface et l'autre en sous-sol. On peut passer de l'un à l'autre grâce aux passages aménagés à cet effet. C'est pour cela que vous avez pu remarquer sur les captures d'écran la présence de deux mini-maps. C'est très pratique pour contourner les défenses adverses. En passant par les souterrains, on peut parfois arriver à ressortir dans le dos de l'adversaire et coordonner des attaques sur deux fronts d'autant que le pathfinding du jeu est fort convaincant. Il suffit de sélectionner les unités que l'on souhaite et de cliquer indépendamment sur l'une ou l'autre des deux cartes pour que vos troupes s'y rendent sans se perdre. C'est vraiment pratique et c'est bien plus probant que dans la plupart des STR qui ont du mal à gérer un seul plan de jeu et où la moindre unité fait des détours importants si on lui désigne une destination un peu trop éloignée de son point d'origine.
Dernier titre auquel Dragonshard a emprunté des idées : Le Seigneur des Anneaux : Bataille pour la Terre du Milieu. Du jeu d'Electronic Arts est repris le principe des constructions qui ne peuvent se faire que dans des endroits prédéterminés à l'avance. On ne peut donc pas construire de bâtiments où l'on veut sur la carte, mais seulement là où l'ont prévu les développeurs. Cependant, dans le cas de Dragonshard, une nouveauté intéressante fait son apparition : c'est le système baptisé Nexus. En fait, chaque base est composée de plusieurs blocs de quatre places constructibles. S'il est possible de bâtir n'importe quel bâtiment sur n'importe quelle des places constructibles, il est néanmoins plus avantageux de fonctionner par bloc. En effet, du nombre de bâtiments de même type que vous bâtissez dans un même bloc va dépendre le niveau que peuvent atteindre les unités créées par les bâtiments en question. Ainsi, si vous construisez 4 tavernes sur les quatre places d'un bloc, vos roublards pourront atteindre le niveau maximal (5), ce qu'ils ne pourront jamais faire si vous n'en construisez que deux. Hormis les bâtiments classiques capables de créer des unités, il existe un second type de constructions qui elles, ne font qu'améliorer une caractéristique comme le nombre de points de vie. Tout l'enjeu consiste donc à trouver les meilleures combinaisons pour chaque bloc de sa base. Si on reprend notre exemple de tout à l'heure, vaut-il mieux construire quatre tavernes pour avoir des roublards de niveau 5 ? Ou bien alors seulement deux tavernes et deux monuments pour améliorer la résistance de nos roublards et les dégâts qu'ils infligent ? Ce système est vraiment intéressant puisque la façon dont on construit sa base influe vraiment sur les caractéristiques de ses unités.
Côté escarmouche et multijoueur, Dragonshard propose plusieurs conditions de victoire que l'on peut paramétrer. Il y a tout d'abord la traditionnelle destruction totale de tous les bâtiments ennemis, mais aussi la possession de plus de la moitié des artefacts, bases ou lieux de pouvoirs pendant une durée définie. Que du très classique donc. Les principaux regrets que l'on peut émettre au regard du multi sont de plusieurs ordres et tout d'abord au niveau des cartes. Certes, il y a bien un éditeur mais celui-ci est assez complexe à utiliser et on aurait aimé avoir la possibilité de jouer sur des maps créées aléatoirement. Autre regret, s'il y a bien une option pour jouer en équipe, il n'y a en revanche rien qui permet de s'échanger des ressources entre joueurs. Dommage car cela aurait pu permettre d'aider un ami en difficulté à se redresser. Enfin, le dernier petit grief que l'on peut émettre concerne aussi le jeu en équipe puisqu'il s'avère que les points d'expérience sont automatiquement décernés à celui qui donne le coup final à un adversaire. Un système de partage entre tous les joueurs qui ont participé au combat aurait été plus juste. Mais bon, rien de très rédhibitoire cependant car même si le multijoueur est un peu décevant, les deux campagnes solos du jeu valent vraiment le coup d'être parcourues.
- Graphismes14/20
Les décors n'ont vraiment rien d'exceptionnel et en plus, ils s'avèrent très répétitifs. Les effets spéciaux découlant de l'utilisation des sorts ne sont eux non plus pas à la hauteur de ce qui se fait actuellement. Seul le design des personnages fort convaincant sauve quelque peu l'aspect graphique du jeu.
- Jouabilité16/20
Dragonshard innove avec son système "nexus" qui prend en compte le nombre et la position des bâtiments pour déterminer la puissance que peuvent atteindre vos unités. Seuls regrets, l'expérience acquise est globale (pas de gain en particulier pour vos héros qui n'évoluent pas au cours de la campagne) et il n'y a pas de pause active ce qui est très dommage au vu du nombre élevé d'aptitudes spéciales et d'items que l'on peut utiliser au cours des batailles.
- Durée de vie15/20
La durée de vie du jeu est très correcte. Les deux campagnes sont plutôt consistantes, hélas, les modes escarmouche et multijoueur connaissent quelques points faibles qui gâchent un peu le plaisir : impossible d'échanger des ressources entre équipiers, pas de carte aléatoire et pas de partage d'expérience lors des combats (c'est celui qui donne le coup de grâce à une créature adverse qui gagne toute l'expérience).
- Bande son14/20
De jolies musiques (quoiqu'un peu répétitives) et des doublages (en anglais) convaincants. Dommage que les bruitages soient un peu en demi-teinte.
- Scénario16/20
Le scénario est très intéressant d'autant que les deux campagnes du jeu se déroulent en parallèle : on constate des interactions entre l'histoire d'un camp et celle de l'autre.
Dragonshard est un jeu de stratégie qui vaut surtout pour ses deux campagnes solos vraiment passionnantes grâce à leur scénario très bien ficelé et à l'apport des quêtes annexes qui font beaucoup pour la richesse du background. Le système Nexus n'est pas en reste et apporte un sentiment de nouveauté loin d'être désagréable. Il manque donc vraiment très peu de choses pour faire de ce jeu un gros hit. Avec une réalisation plus avenante, une pause active, des héros qui évoluent véritablement au cours de l'aventure et un multijoueur mieux pensé, le titre de Liquid Entertainment aurait vraiment pu rivaliser avec les meilleurs du genre. En l'état, c'est tout de même un STR que ne doivent pas louper les fans de jeux Dungeons & Dragons qui y retrouveront leur univers fétiche.