Dans les récits de certains groupes de population vivant tout au long de l'année dans les forêts humides d'Amérique du Sud, on retrouve souvent la manifestation de l'esprit du jaguar. Hantant les bois les nuits de grande chaleur, cette âme errante, incarnation pure de la férocité du chasseur, ne trahit sa présence que par les vies qu'elle ôte. Violente et cruelle, cette dernière agit en tant que carnassier, cherchant avant tout sa victime dans une logique de meurtre froid, sans réelle motivation. Plus prudente que la mort, cette entité choisit précisément sa victime. Jamais de femmes, ni d'enfants. Simplement des hommes. Lever la main contre elle amènera inévitablement son courroux. Néanmoins, et ce depuis quelques temps, ces mêmes légendes peuplent les hauts immeubles des villes. Certain ont vu cette vérité, bien plus effrayante qu'un dieu.
Alors que l'on pensait la Terre libérée du statut de terrain de chasse pour la caste codifiée des Predators, voilà que des meurtres mystérieux et catalogués comme rituels surgissent de nombreux recoins de la ville. L'un d'eux agit à nouveau dans l'ombre afin de satisfaire ses besoins ataviques. La force physique, l'acuité visuelle, l'instinct du tueur doivent être travaillés. Pourtant son entraînement va connaître un revirement inattendu. Blessé et incapable de mener à son terme son objectif premier, le guerrier fantôme décide de son propre chef de provoquer l'explosion de sa navette, rayant ainsi de la carte la cité dans laquelle il venait juste d'expérimenter ses talents. Cet acte infamant, en fonction du code d'honneur de sa race, se double d'une honte personnelle d'être resté en vie après cet acte de désespoir profond. Exilé sur une planète peuplée de créatures belliqueuses, le valeureux combattant dut attendre cent longues années avant de retrouver les siens, bien décidés à le réintégrer face à la menace que l'ensemble de la race semblait devoir subir. En effet, les humains, après avoir fondé des sortes de sectes spécialement destinées à lutter contre les Predators, en se servant de la technologie de ces derniers (camouflage optique,...) ont installé un gouvernement général basé sur la corruption et la rigueur. Loin d'êtres des redresseurs de tort, nos amis aux dreadlocks et aux grandes mâchoires cherchent juste à punir les présomptueux êtres humains de leurs massacres à l'encontre de leur communauté. C'est donc à ce moment que vous intervenez, dépêché par les instances supérieures de votre tribu. Votre mission est claire, déstabiliser vos adversaires bien décidés à repousser vos séances de remise en forme. Pour ce faire, vous êtes dotés de ce qui se fait de mieux en matière de technologie extraterrestre, que ce soit en matière offensive ou défensive. En revanche, prenez garde, car vous n'êtes plus le seul à demeurer invisible. Enfin, quand on voit la facilité avec laquelle on vous repère.
En effet, et c'est là l'un des aspects les plus frustrants du jeu, alors que l'on pouvait clairement espérer une prédominance des légendaires "stealth kills" ou meurtres furtifs en français, on se retrouve face à une absence totale de gestion de la discrétion. Chers à Tenchu, ces assassinats en tout anonymat et dans un silence total auraient normalement dû trouver une place logique et légitime dans un titre mettant en scène la quête de l'une des seules figures cinématographiques plaçant la furtivité au-dessus de toute autre forme d'action. Mais par des méandres que personne ne s'explique, la focalisation s'effectue davantage sur la plongée dans la mêlée sans plus de réflexions. Certes, on peut se fondre dans l'environnement comme tout Predator qui se respecte, mais il faudra souvent asséner un enchaînement de coup à sa cible avant de la voir s'affaisser. Et si, par le plus grand des hasards, vous parvenez à la tuer en un seul coup, tous ses compères vous repéreront sans aucune difficulté et videront leurs imposants chargeurs sur votre belle peau granuleuse. Il est évidemment prenant et fascinant de revêtir l'invisibilité, mais cet aspect est tellement peu exploité, que cela en devient un gadget peu convaincant. Une lacune vraiment dommageable, tant le jeu aurait pu tiré parti de ce point particulier de l'équipement des chasseurs intergalactiques. Néanmoins, on se dit que malgré cette déception, les combats risquent d'être intenses et fouillés, à la vue des possibilités techniques inhérentes au peuple qui nous intéresse aujourd'hui. Et bien une nouvelle fois, vous risquez d'être particulièrement désappointé. Effectivement, et bien que la variété des armes à votre disposition soit notable, les combinaisons que vous réaliserez se borneront la plupart du temps à une série de quatre coups sans aucun dynamisme, ne pouvant pas même être liées aux différentes spécificités de la combinaison du Predator que sont le Speargun ou le Plasmacaster. De ce fait, la richesse du gameplay se réduit aisément et fort rapidement, pour atteindre celle d'un beat'em all lambda, sans vraiment d'inspiration. Seules les espèces d'actions spéciales réalisables une fois votre opposant prêt à sombrer dans l'inconscience, s'apparentant à des "fatality" issues de la série Mortal Kombat apportent un tant soit peu de piment à l'action.
Dans un même ordre d'idées, la construction du soft se base sur des objectifs peu dignes d'intérêts, pour lesquels aucune motivation réelle ne vient nous sortir de la torpeur générale. En sus, les problèmes de jouabilité, ne permettent pas à cette dernière de se retirer posément. En fait, on observe un grand déséquilibre dans les capacités du Predator. Tout d'abord, malgré le fait qu'il ait résisté à des milliers d'insectes géants seuls pendant 100 ans, le héros de cette aventure sanglante ne peut pas s'accrocher à une échelle en tenant un homme dans l'un de ses bras. Un détail, mais qui prend toute son importance dans une mission énervante à souhait à cause justement de cette erreur de logique. Ensuite, et bien que cela soit agréable d'effectuer des sauts de plusieurs mètres de haut, on rencontre de sérieux problèmes lorsque l'on veut se placer précisément sur une plate-forme ou un rebord. Surtout que la caméra, extrêmement nerveuse, prend un malin plaisir à se placer sous votre personne, vous empêchant de vous repérer une fois en l'air. Peu pratique, et surtout insupportable. Pour autant, votre avatar n'est pas spécifiquement difficile à diriger, les déplacements étant assez fluides, et les diverses attaques s'effectuant avec facilité. On notera en sus quelques petites précisions en rapport avec les trois systèmes de visées du Predator, vous dévoilant chacune des indices invisibles particuliers, et vous renseignant sur l'état des ennemis, une fois en vue interne. Un ajout intéressant, mais qui ne suffit pas à rattraper l'ensemble. Au final, Predator Concrete Jungle devient ce que l'on craignait. Profitant d'une licence porteuse et offrant un univers immersif, glauque et fascinant, le titre de Sierra se laisse tirer dans les filets de la facilité. Simple Beat'em All de seconde zone alors qu'il aurait aisément pu se définir comme le pendant futuriste de Tenchu, ce titre, pourtant réalisé correctement et proposant des environnements urbains détaillés, ne parvient pas à se hisser hors du marasme vidéoludique actuel. Sans imagination, dénué de caractère, et arborant simplement une ambiance extraordinaire, Predator ne réussit pas suffisamment à étonner. Comme dirait l'autre : "T'as pas une gueule de porte-bonheur !".
- Graphismes10/20
Assez décevants pour une PS2 qui ne cesse de nous étonner, les graphismes de Predator s'avèrent pourtant d'une qualité certaine parfois. En effet, la modélisation des bâtiments s'avère relativement convaincante, et on ne peut que remarquer une utilisation de textures correctes. Malheureusement, l'apparence anguleuse des personnages, et le manque de crédibilité des divers effets émaillant le jeu, ne permettent pas de se réjouir du rendu global. L'aliasing s'est également invité à la fête, même s'il est moins présent que dans des productions plus ambitieuses.
- Jouabilité9/20
Les déplacements et les diverses attaques s'effectuent sans heurts véritables, mais souffrent d'une gestion de la caméra très désagréable, qui handicape surtout lors de sauts précis. D'autre part, le gameplay, lacunaire sous bien des aspects, déçoit grandement à la vue de ce que l'on aurait pu espérer. On se retrouve devant de nombreuses redites, ainsi que face à une absence d'innovation flagrante. De même, le système de combinaisons n'est pas du tout bien pensé, et l'on s'ennuie rapidement. Reste l'exploitation des différentes visions.
- Durée de vie14/20
Offrant une bonne quinzaine de missions différentes, Predator vous demandera quelques heures avant de pousser son dernier râle. Néanmoins, il est peu certain que vous preniez un réel plaisir à subir des objectifs inconsistants et parfois sans aucun réel rapport avec la trame scénaristique. Enfin, les divers modes disponibles, et la possibilité de débloquer les différents costumes aperçus dans les deux films ne suffiront pas à vous tenir en haleine sur le long terme.
- Bande son13/20
Certains thèmes s'avèrent vraiment bien construits, collant parfaitement à l'ambiance noire et mystique du titre, tandis que d'autres se révèlent bien plus anecdotiques. Les voix, quant à elles, demeurent assez crédibles, même si on retrouve souvent les mêmes intonations et les mêmes cris au cours du jeu. Les effets sonores sont, dans leur cas, véritablement effacés, ne participant pas véritablement à l'immersion.
- Scénario/
-
Malgré sa licence qui laissait supposer une possible adaptation de qualité, Predator se noie dans les turpitudes habituelles des jeux se basant uniquement sur un nom sans se soucier d'un fond pourtant remplis d'idées et de possibilités. Peu intéressant, dénué d'originalité, manquant d'imagination, et surtout lacunaire dans sa gestion de la caméra, le titre de Sierra ne parvient pas à convaincre. Pourtant entre le design fantastique du Predator et les scènes cinématiques probantes, il y avait de quoi composer une bonne surprise. Dommage. Je retourne me cacher dans la boue, moi. Juste au cas où.