Même si l'ordre chronologique n'est pas respecté, voir arriver La Pucelle : Tactics est une bénédiction pour tous les amoureux de RPG tactique. Ancêtre de Phantom Brave et de Disgaea, La Pucelle installait déjà à l'époque les prémices de ces futurs chefs-d'oeuvre par le biais de l'humour et d'un système de jeu technique et bourré de bonnes idées. Bien entendu, ce titre ne peut prétendre être aussi bon que ses successeurs mais se veut malgré tout d'un excellent niveau pour ceux qui savent que la qualité d'un jeu ne se limite pas à sa partie graphique. Nous vous invitons donc à entrer de plain pied dans ce monde féerique où les Teddy Bear sont aussi puissants que des démons séculaires, où des midinettes en jupon cachent une puissance monumentale, où le plaisir de jeu se complaît dans une réelle difficulté.
Comme nous conte la légende (et encore plus la notice), il est dit qu'un jour le prince des ténèbres sera réveillé par son plus fidèle serviteur, l'ange déchu Calamity. Ce réveil sera alors le début de la fin, l'arrivée du chaos et l'impossibilité de vivre libre pour les hommes. Mais comme le Mal ne peut coexister sans le Bien, les puissances célestes se dresseront toujours contre les démons. Et c'est ainsi que naîtra la légende d'une jeune faiseuse de miracles, surnommée la vierge de lumière, qui se dressera contre le Prince pour le service de la déesse Poitreene. Si le scénario de départ ressemble à s'y méprendre à celui de n'importe quel RPG lambda, il va sans dire que La Pucelle : Tactics joue la carte de la dérision pour plier les convenances afin de mieux les utiliser pour en sortir des situations absurdes et décalées. C'est d'ailleurs une des caractéristiques des titres de Nippon Ichi qui n'a pas son pareil pour nous faire rire par le biais de dialogues savoureux, soutenus par un design tout en rondeurs avec grands yeux de rigueur et onomatopées directement inspirés du manga. Mais si le côté humoristique de La Pucelle provient bien de sa galerie de personnages loufoques, on pourra aussi citer les patronymes français qui accentueront encore le côté burlesque de l'entreprise. Il est certain que côtoyer une dénommée Culotte, le Père salade ou de visiter des endroits comme le Mont Tarte et la ville de Pot au feu ajoutera au "charme" de l'ensemble.
Votre mission, en tant que membre de l'unité La Pucelle, qui officie pour la Sainte Mère l'église, va donc être de venir à bout de tous les démons qui apparaissent un peu partout dans le monde. Cette mission sera alors le prétexte à de nombreux affrontements tactiques qui préfigureront tout ce qui viendra par la suite dans Disgaea et Phantom Brave. Pourtant, si le jeu date maintenant de plusieurs années, il conserve un système de jeu absolument génial, bien que plus limité que celui des jeux susnommés. Avant d'entrer dans les détails, sachez tout d'abord que la linéarité du titre vous fera vous déplacer sur une carte où sont indiqués les principaux lieux où vous pourrez vous rendre. Les villes vous permettront d'acheter des objets, de soigner vos personnages ou de papoter avec divers NPC pour faire avancer l'histoire. Ensuite, de nouveaux endroits vous permettront d'accéder à des lieux indispensables à l'avancée du scénario alors que d'autres ne seront ni plus ni moins que des donjons où vous attendront de multiples combats. Pour être précis, chaque donjon est constitué de plusieurs pièces remplies de monstres. Une fois venu à bout du premier combat, vous aurez alors accès à une carte qui vous présentera les autres pièces accessibles qui vous réserveront d'autres affrontements. Le but du jeu sera alors d'arriver le plus rapidement possible au boss de fin ou de visiter toutes les pièces afin de booster vos personnages.
Mais c'est une fois en plein combat qu'on se rend compte de la richesse du titre. Premièrement, il faut savoir que vos sorts magiques seront rattachés à vos armes ou à vos armures. Ainsi, si vous désirez apprendre tel ou tel sort, il faudra avant toute chose peaufiner votre équipement, pour être sûr d'être bien préparé face aux ennemis tout en ayant une équipe équilibrée. Par contre ayez en tête que vos personnages disposent d'alignements magiques qui influeront sur l'apprentissage des sorts. par exemple, si votre personnage a un alignement rouge (feu) et qu'il possède une arme dont l'alignement est bleu (glace), il ne pourra pas apprendre le sort associé à l'objet. De plus, chaque objet et arme augmentera ou baissera vos caractéristiques de défense ou d'attaque. Comme vous pouvez le penser, vous rencontrerez beaucoup de personnages jouables qui viendront grossir les rangs de votre bande de joyeux drilles, ce qui vous amènera rapidement à utiliser 8 combattants (maximum) lors d'une bataille. Mais une des trouvailles les plus géniales consistera à purifier des monstres pour les enrôler ensuite dans votre équipe. Une fois ceci fait, vous pourrez les entraîner au combat mais vous devrez surtout faire attention à leur moral en leur parlant à intervalle régulier ou en leur offrant des babioles. Il n'y a pas à dire mais quand les développeurs décident d'innover, cela peut nous donner des idées farfelues mais vraiment excellentes. Maintenant que vous avez une équipe prête au combat, voyons de quoi il retourne.
Eh bien cette fois, le jeu s'appuie en grande partie sur la notion de purification dont je parlais plus haut. En plus de vous permettre d'enrôler des personnages, cette action vous servira également à sceller des portails magiques d'où sortiront des monstres. Il faudra ainsi purifier ces points en tout premier lieu puisque tant que vous ne l'aurez pas fait, des monstres réapparaîtront constamment. Sachant que la plupart des objectifs de missions seront de venir à bout de tous les monstres, vous comprendre l'intérêt de la chose. Ensuite, vous noterez dès le départ que des lignes de différentes couleurs zèbrent la surface de combat. Cette caractéristique, reprise à un certain niveau dans Disgaea, est un des points les plus importants du soft. Ainsi, en plus d'être un accès que les monstres emprunteront pour arriver sur la surface de combat, les portails sont également les points de départ des lignes mentionnées plus haut. De ce fait, vous pourrez les purifier afin de créer des réactions en chaîne qui en plus d'augmenter vos compétences d'exorciste pourront toucher les ennemis à distance, si tant est qu'ils se trouvent sur la ligne que vous aurez décidé d'exorciser. Le tout est bien pensé et s'avère très stratégique puisque vous pourrez également modifier la direction des lignes (qui ne pourront cependant prendre que des formes à angles droits) afin de les orienter vers des monstres.
D'ailleurs, un des points négatifs du titre tient à sa difficulté qui est particulièrement corsée. En gros, si vous ne boostez pas vos personnages ou si vous ne prenez pas votre temps pour bien les équiper, vous risquez de mordre la poussière dès le premier combat du chapitre 2 qui est incroyablement difficile. Ceci vient en grande partie du fait que les monstres apparaissent rapidement sur le champ de bataille et surtout du fait que vos ennemis ne bougeront que si vous êtes à leur portée. Résultat, si vous décidez de venir à bout des ennemis un par un, ceci prendra trop de temps puisque des nouveaux ennemis apparaîtront, mais si vous décidez d'y aller franco, il sera fréquent que les ennemis vous encerclent et vous tuent en un coup. Pour avoir une chance de vous en sortir, pensez donc à utiliser les attaques à plusieurs en encerclant vos ennemis ou à utiliser les invocations qui pourront être appelées si vous réussissez à purifier une ligne qui forme une boucle complète d'au moins 15 cases.
Pour le reste, rien de bien particulier n'est à signaler, surtout si vous connaissez Disagea et Phantom Brave. Les affrontements se déroulent toujours au tour par tour, vous pourrez déplacer vos personnages dans la limite du nombre de cases visibles à l'écran, attaquer, purifier ou lancer un sort magique ou une attaque spéciale. Une autre donnée à prendre en compte vient de la topographie du terrain. Ainsi, si vous surplombez un ennemi et que vous le frappez, les dégâts seront plus importants que si vous êtes à la même altitude. De même, si vous êtes face à un ennemi, vous lui causerez moins de dégâts que si vous le frappez dans le dos. Ceci est d'ailleurs également valable pour vous, n'oubliez donc pas de modifier la direction dans laquelle doit regarder votre personnage une fois son tour d'action terminé. Si le jeu est toujours aussi mignon et mêle une fois encore 3D et 2D, on notera que les attaques sont cette fois représentées en 2D (à l'image des invocations qui sont visibles sous la forme de superbes artworks) alors que les déplacements se feront toujours sur une carte en 3D isométrique. A ce sujet, si on peut disposer de deux niveaux de zooms et tourner la carte à 360°, il est dommage que la lisibilité du terrain ne soit malgré tout pas parfaite. Mais malgré ces petits défauts, La Pucelle : Tactics est un formidable titre qu'il serait idiot de bouder, surtout quand on voit que l'Europe est complètement délaissée de ce côté-là. Ok, le jeu est très difficile mais en contrepartie, il est un peu moins technique que les autres jeux de Nippon Ichi, ce qui permet de mieux appréhender son gameplay. En tout cas, j'espère que cette petite présentation vous incitera à découvrir cet illustre ancêtre sans qui Disgaea et Phantom Kingdom n'auraient peut-être pas vu le jour. Encore une preuve que Nippon Ichi peut innover et rester fidèle à ses principes de jeu à destination des passionnés sans pour autant rebuter les adeptes moins acharnés de RPG tactique.
- Graphismes15/20
La 3D du titre est quasiment du même niveau que celle de Disgaea et les invocations sous forme d'artworks étaient déjà présents à l'époque. Le design est frais, tout en rondeur, coloré et vraiment trop "kawaï". Les effets spéciaux sont chatoyant sans être faramineux et on appréciera également le bestiaire qui est une fois de plus bien déjanté avec des oursons qui en veulent, des boules de poils agressives, des squelettes brinquebalants ou des champignons qui sont aussi méchants que les amanites phalloïdes sont toxiques.
- Jouabilité15/20
Malgré la gestion de la caméra qui vous permet de tourner la map à 360° et les deux niveaux de zoom, le tout manque parfois de lisibilité. Un autre problème vient aussi du fait que les ennemis ne bougeront que s'ils sont à votre portée, ceci induisant une difficulté élevée. En dehors de ça, le jeu est plus simple à prendre en main que les futurs jeux de la firme mais il vous faudra malgré tout passer beaucoup de temps à gérer votre équipement, vos coéquipiers, etc.
- Durée de vie17/20
Tout comme Disagea et Phantom Brave, vous en aurez facilement pour une centaine d'heures, surtout si vous vous prenez au jeu en boostant vos personnages. La difficulté participe à cette longévité puisque dès le début du chapitre 2, les choses deviennent très compliquées. Préparez-vous quand même à des combats qui peuvent durer plus de 3/4 d'heures et à réfléchir comme un beau diable avant d'agir si vous ne voulez pas vous arracher les cheveux.
- Bande son15/20
Le doublage anglais est aussi réussi que ceux des autres titres de la firme, ce qui n'est pas peu dire. Les voix sont très bien choisies et sont bien accentuées pour coller aux personnalités débordantes d'énergie de la plupart des héros. Les musiques sont par contre assez anecdotiques, même si elles suivent également l'ambiance générale du jeu.
- Scénario13/20
Moins drôle que celui de Disgaea, le scénario de La Pucelle : Tactics navigue parfois entre le burlesque inspiré et revendiqué et les passages plus sombres qui s'insinuent habilement dans l'intrigue. Le résultat est bien équilibré mais quelque peu moins inspiré que celui de ses successeurs.
La Pucelle : Tactics est, malgré son grand âge, un excellent titre tant dans son système de jeu que dans ses péripéties. Cependant le scénario est moins attachant que celui de Disgaea ou Phantom Brave et on note quelques problèmes concernant la lisibilité de la carte 3D ou les réactions des ennemis. De plus, il est un peu agaçant de constater à quel point la difficulté est élevée et ce dès le début du jeu. Malgré ces bémols, La Pucelle reste un incontournable du RPG tactique, qui malgré une absence de localisation, vous retiendra à votre console contre vents et marées.