Nouveau blockbuster de cet hiver, Constantine fait comme tous ses copains, il s'incruste dans le monde du jeu et ne déroge pas à la règle d'or d'une bonne licence en excellant dans la catégorie des jeux sans intérêt, fades et pesants. Bienvenu John Constantine mais je te propose pas de t'asseoir parce que là, vraiment, tu vas pas pouvoir rester, on m'attend pour faire des cookies.
Pour résumer Constantine en quelques mots, je dirai que les développeurs ont su capter l'essence même de Keanu Reeves, héros du film : platitude, inexpressivité et fadeur d'un acteur qui perdrait tout son jeu de scène si on lui épilait les sourcils. A l'heure où j'écris ces lignes et probablement à l'heure où vous les lirez, le film n'est pas encore sorti, ce qui est bien dommage pour moi vu que le jeu reste d'une obscurité totale sur les détails du scénario, n'ayant jamais lu le comic dont il s'inspire, je dois dire qu'on n'y comprend pas grand-chose. De toutes façons, le premier gros problème de Constantine, c'est son atmosphère, en l'occurrence, c'est le genre atmosphère d'altitude, raréfiée en somme. On fait des trucs sans savoir pourquoi et surtout, jamais le jeu n'arrive à imposer son ambiance, en très grande partie à cause de son doublage VF complètement raté. Je vais vous apprendre une grande vérité absolue là, les mauvais doublages se divisent en 3 catégories : le mauvais lambda, le si mauvais qu'il en devient drôle, et enfin celui qui franchit toutes les limites pour atteindre des profondeurs insoupçonnées. Les acteurs parlent d'une voix monocorde et complètement décalée, visiblement absolument pas au courant de ce qui se passe à l'écran. L'effet ne peut même pas être qualifié de saisissant.
Autant dire qu'on a bien du mal à entrer dans un univers aussi transparent et dépourvu de la moindre profondeur. En dépit de cinématiques qui d'un point de vue graphique s'en sortent avec les honneurs, même Keanu Reeves a l'air expansif. Evidemment, on comprend vite qu'il est question de la guerre du bien et du mal, soigneusement enrobée d'imagerie chrétienne, la question étant "qu'est-ce que je fous là ?". Enfin nous voilà partis dans le jeu, sans vraiment piger ce qu'on fait là. A l'origine je pensais que Constantine était un énième clone de Max Payne, en fait même pas. C'est juste un jeu d'action un peu moisi sur les bords dont le héros sait tirer et courir, parfois grimper sur un mur ou sauter au-dessus d'un trou, mais de façon automatique. En plus de son aptitude au tir, le petit John Constantine s'adonne à la magie. Accumulant le sorts au fil du jeu, il suffira d'entamer la procédure en appuyant sur un bouton et de suivre ensuite les indications à l'écran pour réaliser la combinaison de touches adéquate afin d'exorciser un démon ou de le faire dévorer par une nuée de mouches. Vous imaginez comme ça doit être déplaisant ça ? Déjà une seule mouche qui vous tourne autour c'est lourd mais toute une nuée !
L'autre grand pouvoir de John, c'est qu'il a un passe-droit pour aller se promener en Enfer, certes c'est pas terrible comme destination mais on fait ce qu'on peut hein. Attention toutefois, il ne s'agit pas d'un pouvoir utilisable à volonté mais d'une action qui se produira à des moments bien précis, vous expédiant dans la version infernale du lieu que vous êtes en train de visiter, en gros la même chose mais avec plus d'ennemis, du feu et une porte ouverte à la place d'une porte fermée. Une façon de faire croire que le jeu n'est pas complètement linéaire et jouable sans cerveau. Car dans Constantine, on n'a pas vraiment de questions à se poser, il est rare que plus d'une porte puisse être ouverte dans un couloir et si vous avez besoin d'une clef, inutile de vous mettre martel en tête pour la dénicher, avancez et vous finirez par tomber dessus tôt ou tard sans même le savoir.
Mais qu'est-ce qui cloche dans Constantine en dehors de son épaisseur dramatique qui en ferait une triste tartine ? Sa mollesse en premier lieu, l'action est aussi fade que le reste et les démons profitent d'un design d'une grande banalité. S'il est possible de se battre à mains nues, c'est pour enchaîner 3 pauvres coups de tatanes minables et sans pêche. Idem en ce qui concerne le tir qui manque de patate et de subtilité. Quant aux énigmes supposées freiner votre progression, tant qu'à faire dans le bateau autant y aller à fond. On n'hésite donc pas à nous ressortir des astuces vieilles comme le monde que l'on repère au premier regard, du genre marcher sur des dalles en respectant la bonne séquence... sachant que chaque erreur vous coûte un peu de vie et qu'il faut ensuite se battre contre un boss. Ceci dit, quand on essaie de faire dans l'original chez Bits Studio, on a visiblement tendance à sombrer dans l'absurde vous obligeant à faire tomber des bustes en pierre sur une paroi vitrée quand vous êtes un sorcier capable de dézinguer 50 zombies et surtout, équipé d'un fusil à pompe qui serait sûrement venu à bout de la paroi en question. L'ensemble du gameplay manque de saveur, de nervosité et de surprise, on progresse sans passion et j'en suis presque arrivé à m'endormir pad en main.
En ce qui concerne sa réalisation, Constantine ne frappe que très moyennement. Inutile de revenir sur les dialogues, je pense que tout le monde a bien cerné le problème sur ce point. Si les cinématiques en images de synthèse sont assez jolies, le reste est simplement moyen, particulièrement pour la version Xbox qui est un vilain copié-collé de la PS2. L'animation d'une manière générale est peu travaillée, et Constantine lui-même bouge d'une manière assez risible. En même temps, quand il ne bouge pas, il a une façon de se tenir droit en penchant la tête avec un air qui se voudrait perplexe mais qui rappelle plutôt l'attitude dubitative d'un chien face à l'inconnu. C'est d'ailleurs un peu le même genre de tête qui je tire à l'instant même. Constantine est ennuyeux, plat et sans originalité. Son ambiance vous passe à travers comme la pluie battante dans un pull en laine et au final, il n'y a rien à sauver.
- Graphismes13/20
Pas trop moche, pas trop beau non plus. Si les scènes cinématiques sont très réussies, le reste du jeu tire sur la corde du minimum syndical avec en point noir ses animations simplistes et quelques chutes de frame-rate inexplicables.
- Jouabilité10/20
Le gameplay se montre creux, sans ambitions et soporifique. La maniabilité manque de souplesse et de précision, ce qui ne fait que rendre Constantine encore plus roboratif et repoussant.
- Durée de vie14/20
Ne présentant pas de grandes difficultés, la progression est rarement entravée par quoi que ce soit et on avance assez vite. Une durée de vie qui reste cependant assez honnête, à condition de se passionner pour le jeu.
- Bande son9/20
Outre les dialogues sur lesquels je n'épiloguerai pas une fois de plus, Constantine dispose de quelques effets convenables mais manque de densité dans son ambiance sonore avec des musiques plutôt rares et des effets sporadiques.
- Scénario11/20
Point de salut sans avoir vu le film pour ce qui est de comprendre les tenants et les aboutissants du scénario. La mise en scène est laborieuse, confuse et on ne sait jamais réellement pourquoi on part en mission.
Constantine n'a pas beaucoup de chance. Dépourvu d'ambiance tout autant que d'intérêt, l'adaptation du film est, sans surprise, bâclée et bonne à oublier. Je ne sais pas ce que vaut le film mais ça donne pas envie d'aller le voir. Ceci dit si vous êtes fan de Keanu Reeves, il livre ici une de ses meilleures prestations d'acteur. Merci à la technologie qui nous offre là un véritable simulateur de Keanu Reeves (dixit Dexter).