Lorsque des transfuges d'Impressions Games, studio de développement reconnu pour ses city builders (jeux de construction de cités), partent fonder une nouvelle boîte, on attend forcément impatiemment leur première production. Et bien l'attente est aujourd'hui terminée puisque voici venir Les Enfants du Nil, premier titre de la jeune société Tilted Mill Entertainment. Et devinez de quel genre de soft il s'agit ? D'un jeu de gestion évidemment !
La cadre dans lequel se déroule ce titre n'est d'ailleurs pas sans rappeler celui de Pharaon, le titre à succès des studios Impressions Games. En effet et comme son nom l'indique, Les Enfants du Nil nous convie en pleine Egypte antique, époque qui connaît actuellement un véritable engouement, le public se massant véritablement à l'entrée des musées et des différentes expositions qui y sont dédiés. Il faut cependant préciser que le jeu qui nous préoccupe aujourd'hui n'a plus grand chose à voir avec ses homologues et ce pour plusieurs raisons. La première, mais aussi la plus visible est l'utilisation de la 3D. Loin de relancer la polémique sur l'utilité de sa présence dans les jeux de gestion, nous nous contenterons ici de préciser quels en sont les avantages mais aussi les inconvénients.
Au rang des points positifs, on retrouve la possibilité de zoomer et de procéder à toutes les rotations de l'angle de caméra que l'on veut. Cela permet évidemment d'observer sa cité sous toutes les coutures. En outre, le relief est beaucoup plus perceptible que dans un jeu en deux dimensions. Mais tout cela a cependant un prix : la configuration demandée pour faire tourner le jeu avec les détails à fond de façon fluide est évidemment plus importante que pour un jeu 2D. De plus, le niveau de détail atteint est bien moindre que ce qui peut se faire en 2D surtout que le moteur utilisé n'est ici pas de toute jeunesse : c'est un dérivé de celui d'Empire Earth. Les unités ont un aspect cubique assez prononcé et les textures manquent de précison. On remarque aussi quelques bugs graphiques : l'eau par exemple dessine des rivages taillés à la hache. Bon, globalement c'est loin d'être moche et c'est même assez joli mais de là à dire que c'est magnifique, il y a un pas que je ne franchirais pas.
Hormis les graphismes, le jeu diffère totalement de Pharaon et des autres jeux Impressions Games sur un autre plan : le gameplay. Et c'est d'ailleurs ce qui risque de déstabiliser les habitués. En effet, tout est axé sur la gestion des individus et non plus des ressources. En clair, vous êtes le pharaon et vous devez juste déterminer les emplacements des maisons pour les paysans, les ouvriers... Mais ensuite, il n'est pas du tout certain que la totalité des habitations disponibles se remplissent. Il faut déjà que les villageois (présents avant votre arrivée sur les terres et habitant de petites huttes) souhaitent occuper effectivement les constructions prévues pour eux. De même, une fois installés, il faudra contenter tous leurs besoins si vous ne voulez pas que certains d'entre eux partent en grevant ainsi vos capacités de production. Et on peut dire qu'ils sont exigeants les bougres ! Infrastructures de soin, disponibilités de marchandises diverses et variées, sécurité... Pour connaître tous les desiderata de vos sujets, il faut cliquer sur les bâtiments. Et c'est là l'un des points faibles du titre : le manque d'informations données au joueur. Il n'y a aucune carte pour vous dire que telle ou telle zone de votre cité manque par exemple d'un hôpital ou d'autre chose. Pourtant une telle option existe dans la majorité des jeux de gestion et colore par exemple en rouge les habitations qui manquent d'approvisionnement ou qui ont un plus grand besoin de sécurité... Mais dans les Enfants du Nil il faut cliquer sur un bâtiment pour connaître dans le détail les besoins insatisfaits : pas pratique !
Le joueur est d'autant plus dans le flou sur ce qu'il doit faire qu'il n'y a pas de conseiller pour lui dire comment résoudre tel ou tel problème. Certes, il y a bien une aide très complète et bien faite qui est disponible, mais on aurait aimé ne pas avoir à chercher dans de longs textes la solution à un dysfonctionnement de notre organisation. Le manque d'informations se fait aussi sentir par les indications très incomplètes que donne le bref récapitulatif accessible à tout moment en bas de l'écran. Il nous dit par exemple qu'il y a un besoin religieux dans la cité : mais on ne peut pas cliquer dessus pour voir dans lequel des quartiers ce besoin est le plus fort. De plus, il n'est pas indiqué dans le résumé à quel Dieu il faut dédier l'autel ou le temple. Pour le savoir, il faut cliquer sur les habitations et regarder quelle divinité est vénérée. En voulant limiter le nombre de tableaux et de cartes remplies de données, ce qui est louable en soi pour rendre le jeu plus accessible, les développeurs sont tombés dans le travers inverse : les indications sont moins facilement accessibles ce qui fait que le joueur se sent un peu perdu et ne sait bien souvent pas où se situe exactement le problème empêchant l'évolution de sa cité.
Autre défaut que remarqueront certainement les amateurs de city builders, l'absence de signalement de la zone d'influence de chaque bâtiment. Par exemple, on ne sait pas du tout la portée exacte des soins qu'amène un hôpital. Certes, le jeu est fait de manière à ce qu'une unité qui a un besoin se rende à l'endroit permettant de l'assouvir aussi lointain soit-il, mais dans les faits il vaut quand même mieux faire en sorte que le chemin à parcourir soit le plus court possible. Hélas, on est obligé de placer ses bâtiments un peu au hasard en espérant que la zone couverte sera suffisante pour alimenter le quartier voulu sans que les unités n'aient à parcourir une trop longue distance. Avec le temps, on apprend à mieux placer ses constructions, mais on ne peut s'empêcher de pester contre le manque d'indications que nous transmet le jeu sur la zone d'influence d'une construction.
Heureusement, le jeu est aussi bourré de qualités. Ainsi, on est agréablement surpris par le soin qu'ont apporté les développeurs aux déplacements des unités. Celles-ci sont en effet capables de ne pas bêtement suivre le chemin que vous avez tracé pour se rendre d'un point à un autre : on remarque qu'elles coupent très facilement à travers champs. Vous n'aurez pas non plus à leur dire de planter telle ou telle céréale : c'est automatique. Les paysans choisissent l'endroit le plus adapté (au bord du fleuve), ils plantent et récoltent seuls. Pratique ! Autre très bon point, le jeu est assez complet pour plaire aux amateurs du genre et on remarque bien vite que chacune de nos actions a plusieurs conséquences. Bref, on doit bien admettre que le jeu est très accrocheur et qu'il peut vous scotcher littéralement devant votre écran, non seulement pour l'accomplissement de la campagne, mais aussi pour les différents scénarios "bac à sable" présents. Au final et même si le titre n'est pas exempt de défauts, il s'avère qu'il remplit fort bien sa mission et qu'on prend un malin plaisir à fonder sa cité. On en vient même à espérer qu'une suite corrigeant les quelques errances du gameplay et améliorant le moteur 3D soit rapidement mise sur les rails et on pourrait alors être en présence d'un grand city builder.
- Graphismes13/20
Le moteur 3D n'est pas de toute dernière génération ce qui fait que les unités et les textures ne sont pas des plus détaillées. On remarque aussi quelques bugs graphiques sur les rivages. Le tout reste cependant assez joli.
- Jouabilité14/20
Le jeu est assez riche pour plaire aux férus de gestion. Le problème est que la prise en main souffre un peu de l'absence de certaines options telles que la présence d'un conseiller qui aurait pu nous indiquer clairement comment remédier aux problèmes que connaît notre ville ou encore l'impossibilité de voir quelle est la zone d'influence de chaque bâtiment.
- Durée de vie15/20
Les campagnes disponibles et les différents scénarios isolés ajoutés à la possibilité de créer ses propres cartes font que le jeu dispose d'une durée de vie plus que convenable.
- Bande son15/20
Musique arabisante plaisante, effets sonores soignés et doublage français convaincant : voilà la recette gagnante de la bande-son des Enfants du Nil.
- Scénario/
Les Enfants du Nil n'a plus grand chose à voir avec les titres d'Impressions Games géniteurs de Pharaon et autres Empereur : L'Empire du Milieu. Son gameplay très particulier basé sur la gestion des individus et non plus des ressources risque d'en dérouter plus d'un. Si vous accrochez au concept, vous découvrirez pourtant un jeu très riche qui malgré ses quelques défauts (difficile d'appréhender de façon globale les besoins réels de ses citoyens, absence d'indications sur la zone d'influence de tel ou tel bâtiment, pas de conseiller...) risque bien de vous occuper pendant de très nombreuses heures.