Dans le monde vidéoludique, existe une maladie, gangrenant dangereusement sa vitalité insatiable. Son nom scientifique est "absence d'inspiration". Après avoir passé en revue les différents types de jeux, certains éditeurs se laissent tenter par un titre axé sur la conduite automobile à plus ou moins grande vitesse. Mais là où le bât blesse, c'est que le genre même appelle une carence imaginative. Du coup, en ce moment, la mode est à l'utilisation d'un nouveau courant catalogué encore récemment comme "underground" (voir Need For Speed), et nommé tuning. RPM Tuning apportera t-il quelque chose à ce marasme ? J'aurais aimé dire oui.
Vous êtes Vince, l'archétype du perdant, dont la voiture a été volée par des malfrats pour le moins peu scrupuleux. Ivre de colère et sûrement de quelques boissons dont nous tairons le nom, vous décidez de la retrouver par vous-même. Pour cela et très intelligemment, vous allez rentrer dans le monde fermé et inquiétant (selon le jeu) du tuning, afin de collecter des informations et de mener à bien votre enquête vitale. Les développeurs ont l'amour grec de la tragédie, c'est évident. Une trame sincèrement imbécile et complètement invraisemblable, qui a pourtant le mérite d'asseoir un tant soit peu la succession de défis qui vous attendent. Ceux-ci sont de plusieurs natures, ce qui apporte un peu d'air frais dans ce qui aurait pu n'être qu'une lassante exposition de voitures lustrées et multicolores.
Tout d'abord le tournoi, répondant à un classement à base de points, puis le "quart de miles", course avec départ arrêté sur 400 mètres, en passant par un ralliement de checkpoint en un temps donné appelé course contre le chronomètre, la course sauvage, dont le but est d'arriver premier à un point donné par le chemin que vous désirez, la fuite, mode dans lequel vous devez échapper à la police ou à des personnes peu amicales, et enfin la poursuite, où vous devez rattraper un concurrent par tous les moyens dont vous disposez avec en priorité la force. Bien entendu vous n'avez pas le choix d'effectuer tel ou tel genre d'épreuve. Elles se mettent en place au fur et à mesure du déroulement du scénario et dépendent du contexte ou des rencontres que vous ferez. Cependant ne pensez pas pour autant être libre de vos actions. Tout est linéaire au possible, et aucune déviation sur la route menant à la conclusion du soft n'est possible. Mais le pilier de soutien n'est pas ici. Il ne se découvre qu'avec l'obtention d'un maigre pécule de départ.
Après être rentré dans la confrérie de la modification d'automobiles diverses et variées, vous voici enfin face à votre conscience. Allez-vous racheter une voiture ? Ne va t-elle pas faire de l'ombre à votre ancienne acquisition ? Sans l'ombre d'un remord vous vous offrez donc une belle berline. Néanmoins ce n'est pas tout. Dorénavant vous allez pouvoir vous exercer à l'exploitation graphique et mécanique de votre futur bolide. En effet, bien qu'ayant une somme dans les mains assez conséquente dès vos premiers pas, elle ne vous suffira pas à rivaliser contre les monstres métalliques de vos opposants, aux jantes agressives. Pas d'inquiétude pourtant, car vous empocherez bien évidemment de la monnaie sonnante et trébuchante à chaque "run" remporté. Sachez de plus qu'il vous est possible d'augmenter ces gains grâce à un bonus multiplicateur découlant de vos points de "flambe". Mais qu'est ce que ce nom barbare ? Me direz-vous. Et bien il s'agit tout simplement de l'appellation relative à votre façon de conduire. Suivant les dérapages, risques pris et figures acrobatiques, vous engrangerez un certain nombre de ces points, qui déclencheront donc l'apparition d'un chiffre multipliant vos gains. Un principe véritablement digne d'un épisode de Derrick, vu et revu. A vous par la suite de choisir les bons équipements pour votre monture, en sachant tout de même que plus elle se trouve "embellie", et plus les points de flambe seront nombreux à l'arrivée des courses. En premier lieu, l'aspect extérieur peut être modulé à votre convenance. Les rétroviseurs, les vitres, les jantes, les phares, le capot, etc, s'avèrent disponibles dans de nombreuses formes et couleurs très différentes, permettant de vraiment octroyer à votre petit bijou le "caractère" qui vous correspond. Dans le même ordre d'idée, il est possible et recommandé d'apposer des autocollants au design accrocheur sur diverses parties de votre oeuvre, afin de la parachever en bonne et due forme. Deuxièmement, et pour finir sur ce sujet, vous pouvez remplacer l'ensemble des pièces mécaniques, allant de l'embrayage au volant moteur, en passant par les jantes, et les puces électroniques. A l'image des autres titres, un montage permettant l'utilisation de nitro est également vivement conseillé dans le but de distancer rapidement des adversaires trop combatifs. Encore faudrait-il pouvoir manoeuvrer.
Grosse interrogation de ce titre, la jouabilité s'avère dramatiquement raide et n'offre que peu de possibilités. Les commandes sont mal définies, et l'on a le plus grand mal du monde à prévoir ce qui va se passer à la sortie du prochain virage. Le moteur physique défaillant y est également pour quelque chose, vous poussant à la faute et au tête-à-queue sans raison valable, si ce n'est le hasard pur et simple. Le freinage est fort mal dosé, et l'on s'en tient davantage au frein à main et aux "changements de direction extrêmes" (avec L1 plus une direction) avec l'espoir de prendre une courbe sans se heurter à la maison d'en face qui vous donnera une nouvelle occasion d'inquiétude. En effet, la gestion des dégâts se révèle très étrange, et médiocrement mise en place. Le moindre petit choc vous désintégrera votre capot, le plus insignifiant frottement détruira l'un ou l'ensemble de vos feux arrières, sans pour autant influer sur la prise en main. La désagréable impression d'observer un artifice inutile vient alors immédiatement à l'esprit avec une moue dubitative. Dans un registre similaire, la qualité graphique de l'ensemble est vraiment décevante aux vues de ce qui se fait aujourd'hui sur PS2. Les textures s'avèrent peu convaincantes, n'exploitant pas du tout la gestion des contrastes indispensables pour aboutir à une impression de réalisme. Elles paraissent plates et sans nuances.
La modélisation des véhicules est quant à elle tout aussi lacunaire. Si les reflets s'étirant langoureusement sur une carrosserie brillant de milles feux sont agréables et bien rendus, l'aspect cubique dont les arrêtes d'angles saillantes donnent la justification, entravent grandement l'immersion, et par là même l'intérêt profond. Le comble est que le titre (indirectement bien sûr) se vante de proposer une modélisation de plus de 100 km de routes en plein Los Angeles. Cette donnée est sans doute exacte (je n'ai pas vérifié), mais c'est au détriment de tout apport artistique. De plus, si l'on observe bien derrière soi en roulant dans le mode course libre (promenade en ville), on s'aperçoit indigné que le décor disparaît derrière vous grande vitesse, pour réapparaître sous forme de clipping devant vous. On pourrait croire au manque de ressources du processeur, mais étant donné la qualité plus que moyenne des graphismes, l'énigme reste complète. En bref, clone sans saveur de NFS Underground, RPM Tuning n'offrira à ses acheteurs qu'une somme de défauts dérangeants, au service d'un intérêt relativement absent. Seuls les grands fans de tuning n'ayant jamais touchés à NFS y trouveront un amusement certain durant quelques heures. Mais un tel manque d'originalité incarné en vaut-il la peine ?
- Graphismes8/20
Sans êtres affligeant de laideur, les graphismes de RPM Tuning ne rendent pas du tout hommage aux possibilités pourtant conséquentes de la machine noire de Sony. Mêlant dans un maelström peu probant des textures sans saveur et peu convaincantes à une modélisation cubique et hachée des véhicules, le titre de Wanadoo ne peut pas espérer rallier à lui les joueurs de plus en plus exigeants. L'impression de vitesse est correcte, mais disparaît complètement à deux joueurs, tout comme les cinq vues disponibles qui n'en deviennent qu'une seule dans ce même mode. A noter également un bien vilain clipping.
- Jouabilité8/20
Raide et peu précise, la jouabilité requiert un très grand temps d'adaptation pour espérer pouvoir se rétablir correctement en sortie de virage. Le survirage abusif dans certains cas, complètement inexistant dans d'autres, alors que l'approche est identique constitue un frein incontestable dans le plaisir de jeu pris. De même, les dégâts, bien que souvent impressionnants ne nuisent en aucun cas à la conduite de votre bolide. Heureusement que les commandes réagissent bien, et que le tout demeure intuitif.
- Durée de vie7/20
Certes le mode histoire est un peu étoffé, grâce à son "scénario", mais il ne vous retiendra que peu de temps, celui nécessaire au gain de voitures et de circuits. Une fois cette étape passée vous ne reviendrez certainement pas dévaler des rues à toute vitesse pour le plaisir. Un intérêt à court terme, qui ne justifie pas un achat.
- Bande son6/20
Si le son relatif aux instruments utilisés est de bonne qualité, et que les compositions sans être spécialement originales se laissent écouter, c'est la variété de ces dernières qui nuit à l'ensemble. Seulement deux ou trois vraiment différentes, agrémentent vos pérégrinations. Décevant. Les effets sonores ne sont pas non plus dignes d'intérêt de par leurs sonorités (surtout le bruit des moteurs) assez étranges.
- Scénario5/20
Ridicule est le mot qui convient. Les motivations du personnage ne collent pas du tout avec ses actes, et les psychologies des personnages sont des clichés navrants. Une plongée au coeur du cerveau d'Howard dans "L'homme qui tombe à pic".
Surfant sur la vague se retournant maintenant en un tsunami d'insignifiance du tuning, RPM Tuning donne un piètre spectacle à ceux qui veulent le regarder. Dépositaire de carences graphiques majeures, d'une jouabilité hésitante et d'un plaisir éphémère, il ne se rattrape même pas sur l'i.a catastrophique des concurrents, qui subissent des accidents certes, mais toujours aux mêmes endroits et aux mêmes moments. Seules les possibilités de customisation nombreuses et la vitesse des courses peuvent sortir un tantinet la tête de ce titre de l'eau. L'inspiration à partir d'une mode n'est pas une tare, mais elle le devient lorsque trop de produits formatés l'utilisent.