L'acteur Jet Li continue à vivre pleinement son rêve américain. Après avoir cédé à l'appel d'Hollywood, la prochaine étape sur le plan de carrière du champion d'art martiaux le mène dans le monde virtuel du jeu vidéo. Etait-ce vraiment ce qu'il avait de mieux à faire ?
Annoncé en grandes pompes l'année dernière à l'occasion de l'E3 2003, Rise To Honour nous a, il est vrai, pas mal intrigué. Jet Li parviendrait-il à faire mieux que Jackie Chan et Bruce Lee déjà tous deux passés par la case consoles ? Est-ce que la campagne de communication complètement axée sur les techniques de motion capture déployées pour intégrer les vives acrobaties du héros ne tenteraient-elles pas de nous faire oublier l'essentiel ? C'est à dire qu'il s'agit d'un jeu avant tout et que peu importe les moyens pour y parvenir, ce qui nous intéresse en tant que joueur, c'est le bel et bien plaisir de jouer ? Voilà, globalement les questions qui pouvaient trotter dans nos petites têtes à l'évocation de Rise To Honour. Ah oui, on se demandait également quelle était l'orthographe exacte du titre – tantôt Rise To Honour, tantôt Rise To Honor – mais on a fini par comprendre que les deux écritures étaient acceptées, la seconde étant plutôt nord américaine. Puis la version est arrivée avec ses débuts de réponses, pas vraiment réjouissantes, je dois dire.
Avec Jet Li en tête d'affiche, vous vous doutez bien que Rise To Honour se veut être un jeu d'action rempli de combats martialement artistiques. On a beau dire tout ce qu'on voudra sur les dernières apparitions ciné de monsieur Li, on ne peut lui ôter son talent et sa souplesse qui le font exceller dans les scènes de baston aux chorégraphies toujours plus folles dont le cinéma HK s'est fait une spécialité. Cela se retrouve entièrement dans Rise To Honour, ce qui sera d'ailleurs là le principal point fort du jeu. Avec des séquences d'action en veux-tu en voilà, le titre de Sony est évidemment un hommage à tous les films d'art martiaux et même si le gameplay n'est pas des plus profond comme je vous le montrerai plus bas, rares sont les jeux à respecter aussi bien les règles dictées par ce genre cinématographique.
A ce titre, Rise To Honour tient même davantage du film que du vrai jeu. J'entends par là qu'on se retrouve plus spectateur que véritablement acteur. Non pas que le jeu soit noyé sous les séquences cinématiques comme on aurait pu le craindre (quoique...), mais plutôt parce que les développeurs ont fait le choix douteux d'un gameplay bien trop simplifié, prenant le joueur par la main à chaque instant pour lui faciliter la tâche. A la manière du système de combats de Blade 2, celui de Rise To Honour se déroule aussi exclusivement au stick analogique. C'est à dire que pour asséner n'importe quel coup, il suffit de pointer la direction de son adversaire avec le stick droit et le jeu se chargera tout seul de déclencher l'action la plus appropriée à la situation.
Sympa à petite dose, ce système a tout de même de lourds défauts dont l'impossibilité de prévoir la tournure d'un combat. Puisqu'il suffit de dire sur quel ennemi frapper sans se préoccuper réellement de la frappe (coup de poing ? De pied ?) on n'est absolument pas maître du déroulement des événements, et on les découvre bien en tant que spectateur. Dans un style de jeu où tout l'intérêt est justement de prévoir ses coups et de les enchaîner en fonction de ce que fait l'adversaire, ça le fait pas trop. L'autre défaut inhérent à ce style de contrôle est d'ordre purement pratique et il concerne les combos qui nécessitent que l'on pousse plusieurs fois le stick dans la direction souhaitée. Je ne sais pas si vous avez déjà fait le test, mais pousser plusieurs fois et aussi rapidement que possible le stick vers le haut ou vers la gauche n'a rien de très ergonomique. Allez-y, essayez vous verrez qu'en plus du manque total de prise sur le stick, on fatigue vite. Alors imaginez ce que cela peut donner dans un jeu qui base tout son gameplay sur cette technique !
Les deux autres touches qui servent durant la partie, sont les gâchettes L1 et R1. Celles-ci servent à éviter les coups des adversaires ou bien à les agripper pour réaliser une action spéciale. Les actions spéciales... voilà encore une riche idée pas forcément flatteuse pour le joueur. Pourquoi ? Parce qu'elle ne sert pas à grand-chose si ce n'est à signaler à celui qui tient la manette qu'il peut réaliser une action particulière à ce moment précis. Ces actions dépendent en grande partie de l'endroit où l'on se tient. Face à un mur, ça peut être de prendre appui pour faire un saut périlleux, devant un bar, ce pourra être de faire glisser un ennemi sur le comptoir, près d'une chaise, ce sera enfin de pouvoir la balancer au visage de ses assaillants. La mise en scène gagne en style, mais le jeu reste toujours aussi creux puisque complètement assisté.
Il en va de même des séquences de tirs où, flingues à la main, Jet traverse des longs couloirs truffés d'ennemis. Le système de visée est exactement le même que celui des combats, combinant stick et gâchettes. Ces phases reprennent le même moule que le reste du jeu, de l'action, du spectacle, mais un plaisir de jeu qui ne décolle toujours pas en raison de ce sentiment permanent de se trouver devant un film interactif. Rythmée et pêchue, la mise en scène nous fait enchaîner combat sur combat dans un découpage proche du chapitrage d'un DVD (en gros, à chaque combat, son chapitre). Vous noterez au passage qu'en partant du menu principal, on peut directement accéder à la séquence de son choix en sélectionnant... son chapitre ! Tout pareil qu'un film, je vous dis ! Sauf que là, le film dure un peu plus de 6 heures et que vous fatiguerez du pouce au bout de quelques minutes (la fatigue du pouce, un fléau qui touche de plus en plus de joueurs...).
Dommage que le gameplay ne soit pas une réussite, car la réalisation a, elle, franchement la classe. En décortiquant les images qui ornent cette page, vous verrez que Jet Li n'a pas seulement joué le jeu de la motion capture, mais qu'il prête également ses traits au personnage principal. La ressemblance est d'ailleurs assez troublante. Et puis, chose que vous ne pouvez pas voir, on peut aussi entendre la voix de l'acteur durant toute la première partie du jeu qui se déroule à Hong Kong. Pendant ce niveau, tous les personnages s'expriment en chinois (heureusement sous-titré) puis tout bascule brutalement en français dès lors que les pas du héros le mènent à San Francisco. J'avoue que si je suis globalement pour une localisation française pour chaque jeu, je m'interroge sur la raison de ce choix. Pourquoi traduire simplement les deux tiers du jeu ? Pourquoi pas le jeu en entier ? Pour une plus grande immersion ? D'accord, mais dans ce cas-là, pourquoi ne pas basculer en anglais au moment voulu ? Enfin, s'il n'y avait que ce détail pour me déplaire, Rise To Honour serait incontestablement un bon jeu. Ce n'est pas vraiment le cas, malheureusement pour Jet Li qui semble s'être beaucoup investi dans le projet si j'en crois le making-of du film, ou plutôt le film du making of présent en bonus sur ce DVD.
- Graphismes15/20
Un très joli jeu qui reprend des thèmes graphiques chers au cinéma Hong-Kongais. On y retrouve les cuisines d'un restaurant, les échafaudages sur un immeuble en construction, les rues étroites propices à de nombreux échanges de coups de feu et bien d'autres endroits encore. Les personnages sont parfaitement modélisés. La motion capture apporte une animation de qualité même si on pourrait lui reprocher une certaine vitesse d'exécution tendant à rendre le jeu un peu bordélique.
- Jouabilité11/20
Bien, j'espère que les développeurs réalisent maintenant leur erreur, que les sticks sont faits pour déplacer des personnages ou pour recentrer des caméras, mais certainement pas pour distribuer des mandales ! Fatiguant et imprécis, le stick droit devient notre pire ennemi le temps d'une partie de Rise To Honour. Les caméras, définies à l'avance, ne posent pas vraiment de problème. C'est déjà ça.
- Durée de vie10/20
Plus d'une soixantaine de chapitres au compteur, mais certains d'entre eux ne sont que des cinématiques. On avance donc à un bon rythme seulement freiné par la difficulté grandissante et par la jouabilité pénible.
- Bande son13/20
Difficile pour moi de juger des voix chinoises puisque je ne comprends pas un traître mot de cette langue. Tout ce que je sais, c'est que l'immersion fonctionne et que lorsque le jeu passe en français, ça le fait déjà moins. Dommage. Il est aussi regrettable que l'ambiance musicale passe constamment au second plan.
- Scénario10/20
Bon, j'avoue, je n'ai rien compris à l'histoire de Rise To Honour. Mais je plaide non coupable, car elle est très très mal amenée.
Rise To Honour se classe largement dans la section de ces jeux pop-corn qui se laissent manger, sans vraiment délivrer un souvenir impérissable dans la tête du joueur. Bien réalisé, le titre pêche complètement du côté de son gameplay où une jouabilité trop hasardeuse le rend finalement très fade. Les fans purs et durs de Jet Li devraient néanmoins apprécier, vu que tout repose sur les épaules de l'acteur.