Il faut parfois s'imposer des limites au détour d'une aventure de la vie tumultueuse qui est la nôtre. De ce fait, je vous promets qu'il ne sera pas une seule fois fait allusion à un poisson dans ce test de Colin Mac Rae 4, bien que cela puisse permettre de se tirer d'un manque d'inspiration. Pourquoi ? Me direz-vous. Et bien tout simplement parce qu'un titre comme celui-ci ne peut que permettre l'afflux de sentiments et d'idées, susciter l'intérêt et plonger dans une admiration profonde et sincère. Après un épisode numéro 3 fort décevant de tous points de vue, le "Flying Scotsman" prend ce nouveau virage en épingle avec maestria et avec une Xsara WRC. Vérifiez vos amortisseurs, c'est parti.
Colin Mac Rae, c'est en premier lieu une âme, un caractère propre le différenciant de toute la concurrence mettant en scène de vigoureux véhicules aux sensuelles formes et dynamiques accélérations. Bénéficiant d'un design actuel et sobre tout en étant parfaitement en adéquation avec le sujet abordé, cet opus 4 se situe par conséquent dans la lignée de ses illustres prédécesseurs. Si le 3 affichait une innovation encore plus poussée dans la recherche stylistique et monochromique, mais inaugurait par ce biais une illisibilité peu entrevue, le constat est ici bien plus glorieux, mêlant habilement classe et ergonomie. Un bel écrin pour un diamant brut. Mais s'arrêter à cette constatation certes flatteuse, mais insuffisante à la découverte du plaisir futur, serait pure folie. En effet, le corps, puissance viscérale de ce titre repose en son gameplay, sacrifié sur l'autel du marketing dans le soft précédent. Celui-ci reparaît, abreuvé de l'incarnation ludique du plaisir de la conduite contenue dans Colin Mac Rae 2.0, seul parent dont celui qui nous intéresse aujourd'hui est digne de tirer les enseignements. Difficile à décrire, et paradoxalement aisé à faire partager, le système de conduite allie avec brio et sans fioritures à but spectaculaire, la prise en main immédiate d'un jeu d'arcade et l'austère technicité et sérieux d'une simulation poussée. Immergé dans les claires, limpides et éreintantes sources du Rallye, le soft de Codemaster retranscrit exactement ce que l'on peut s'imaginer ressentir lové au sein de l'exigu et sécurisant habitacle d'une quatre roues motrices aux feulements langoureux. La négociation de courbes à première vue cassantes et aussi acérées qu'une lame récemment aiguisée ne s'est jamais réalisée de manière autant réaliste et prenante.
Profiter de sa vitesse pour incliner son véhicule légèrement sur la droite, dans le but d'attaquer à la corde en sentant ses pneus exercer une pression puissante, savoir que l'on se trouve sur le fil du rasoir, la limite extrême, et savourer l'instant où le monstre d'acier se cabre et agrippe l'asphalte dans un crissement plaintif, met à contribution une tension exacerbée, débouchant sur un jouissif moment de calme jusqu'au prochain virage en épingle. De plus, dans un soucis de retranscription de conditions réelles de courses, les développeurs ont pris visiblement le temps de modifier radicalement les paramètres de pilotage suivant le revêtement emprunté. Gravier, boue, ou sable, chaque environnement implique une stratégie et un comportement différent. Et cela se retrouve jusque dans les brusques revirements de pistes. Passer d'un chemin sablonneux chaotique à une nationale lisse et peu propice aux dérapages, engage à connaître parfaitement les réactions de son bolide aux teintes chamarrées. Doser le sous/survirage, et comprendre la gestion du frein et de l'accélérateur afin d'augmenter sans cesse sa prise de risque et par la même son gain de temps fait partie de vos priorités, et se montre sous un jour illuminé car jouissant d'une souplesse et d'une précision rarement approchées. N'espérez pas de même vous sentir à l'aise au volant d'une Ford Focus après avoir parcouru la moitié du monde en Subaru. Chaque modèle à ses particularités et vous force à réapprendre les bases. Disposant d'un moteur physique prenant en charge un nombre impressionnant de conditions, vous ne serez jamais pris en traître par les réactions des voitures de course. Vous ne pourrez vous en prendre qu'à vous-même. Intransigeant et abordable.
Néanmoins, comme si ce n'était pas assez, Codemasters a eu la bonne idée de rendre son titre quasi exhaustif, par l'intermédiaire de huit modes de jeu allant du classique championnat (2 ou 4 roues motrices, Groupe B et bonus), au mode Étape Simple, en passant par Rallye Simple. Ce dernier vous permet d'effectuer un parcours prenant place sur une destination simple. Une sorte de mini-championnat sur une seule contrée pour être plus clair. Il vous est également possible de fabriquer vos propres rallyes en puisant ça et là des spéciales remportées en championnat et en les imbriquant ensemble. L'intérêt s'en trouve donc sans cesse renouvelé. Mais intéressons-nous au mode principal, la coupe du monde des rallye (championnat). Se déroulant sur huit pays compris entre le Japon et l'Angleterre en passant par l'Australie, vous devrez survivre face à pas moins de 52 spéciales dont on ne peut que louer la construction. Agrémentées de virages retors et de pièges particulièrement vicieux, il vous faudra conserver une vigilance de tous les instants afin d'espérer retourner au stand sans trop de tracas mécaniques. Présent toutes les deux étapes, celui-ci vous offre le loisir de remettre à neuf (si le temps vous le permet) la carcasse roulante qui vous sert de moyen de transport, s'il vous est arrivé de ne pas respecter les indications limpides, concrètes et d'une justesse effarante de votre co-pilote vital.
Parcours du combattant gorgé d'essence, ces circuits tortueux feront le bonheur des méticuleux techniciens visualisant un tracé comme un champ de bataille, et adoptant les mesures avec réflexion. En effet, les réglages, s'ils ne sont pas aussi précis qu'un Gran Turismo, se révèlent complets et relativement intéressants. Il vous faudra passer par là obligatoirement si vous désirez tirer la quintessence de votre voiture. Bien que le soft propose des choix automatiques, il vaut toujours mieux, via les indications d'une indiscutable qualité de la carte, exécuter soi-même les vérifications. A côté de cela, on trouve un mode réseau, donnant le pouvoir de vous exercer contre huit autres joueurs du monde entier. Que dire alors, sinon que la durée de vie prend le chemin d'une longue et heureuse destinée. Pour finir sur ce point, il serait dommageable de ne pas faire mention d'une épreuve de test, servant à sonder la qualité de vos acquisitions offertes durant le championnat. Nouveaux pneus, moteurs, suspensions, tout doit s'avérer fiable, et vous fournira bien entendu un avantage non feint sur vos adversaires, qui mordront la poussière. Parlons-en d'ailleurs.
Réalisé de façon magnifique doublé d'un sérieux visiblement sincère, Colin Mac Rae étonne et dépayse non culturellement mais visuellement. Peu de titres peuvent se targuer d'afficher une telle finesse graphique. Que ce soit au niveau des rendus de particules, ou des reflets relatifs aux rayons du soleil sur une carrosserie nacrée, les effets dépendant de l'ambiance artistique du soft ne déméritent pas une seule fois. Les programmeurs ont poussé le vice jusqu'à mettre une place une gestion de la "salissure" des véhicules d'une virtuosité sans commune mesure. Le moindre pixel peut se voir couvert de sable, évitant de ce fait une grosse plaque à un endroit et rien à un autre. Perdant ainsi toute capacité de réfléchissement, vous n'aurez plus alors l'occasion d'admirer les jolies volutes de lumière. Impressionnant. Mais ce n'est pas tout. Dans l'optique de contenter le joueur avide de grands espaces, les environnements se révèlent fort détaillés, affichant des textures vraiment convaincantes, mises à part certains aplats disgracieux aux abords lointains des routes. Les forêts sont de ce point de vue les plus réussies, mariant habilement une utilisation de la lumière et des contrastes d'une habilité rare, à la présence d'herbe et de troncs détenteurs de textures quasi photo-réalistes.
Dans un semblable registre, les déformations exercées sur les carrosseries sont prisses en compte savamment, faisant correspondre exactement le type de choc à la forme de l'accroc. Le souci louable d'une localisation au centimètre près, donne une vraie assise au moteur de jeu. L'opportunité de se mettre au volant de 23 voitures modélisées parfaitement, joue beaucoup en la faveur du titre, et fait vite oublier le désormais légendaire problème des petits piquets indestructibles, stoppant net une automobile lancée à 130 Km/h. Phénomène étrange lorsque l'on fait le compte de tous les objets destructibles le long des pistes. Il fallait bien un défaut à cette approche de la perfection du jeu de rallye. Peut-être le prochain. Plus qu'une simulation, un aboutissement.
- Graphismes18/20
Une prouesse tout simplement. Chaque endroit des environnements traversés où vos yeux se posent évoque la beauté et une volonté de réalisme forcenée. Béat d'admiration devant les timides rayons du soleil traversant la canopé, émerveillé par les nuages vaporeux de poussières, subjugué par les vieilles pierres des habitations, vous ne pourrez que reconnaître la qualité graphique intrinsèque du titre. D'autant que les véhicules disposent eux aussi d'un soin tout particulier, allant jusqu'aux disques de frein. Un travail remarquable.
- Jouabilité17/20
Après avoir eu des sueurs froides dans l'opus, on retrouve enfin le coeur de Colin Mac Rae. Le plaisir remplace enfin la conduite. On ne dirige plus son bolide, on le ressent. Tel un animal, il faudra l'apprivoiser pour découvrir toutes ses possibilités. Gardien de son unicité, cet opus se pose comme digne successeur de la série au nom évocateur de passion.
- Durée de vie17/20
Vous aurez du mal à vous lasser de ce nouvel épisode en date. Détenteur de 8 modes de jeu, avec entre autres une possibilité online, et la création des vos propres rallye, seule la nuit pourra vous pousser à lâcher le volant tout de cuir vêtu. Essayez en difficulté expert, c'est un conseil...niark.
- Bande son16/20
Les compositions musicales sont très discrètes, mais dans l'ensemble de bonne qualité, et surtout peu répétitives. Néanmoins ce qui impressionne, ce sont les bruitages inhérents aux voitures de courses. Immersifs et sincèrement fort bien rendus. Avec un casque et une personne qui vous crie des directions et des chiffres à côté de vous, on s'y croirait.
- Scénario/
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Sans aucun doute possible le meilleur jeu de rallye sur PC, Colin Mac Rae 4 rassure sur le sérieux et la passion de Codemasters. Magnifique, prenant et exhaustif, on se demande si l'opus 3 n'était pas simplement une manière de rendre le 4 encore plus flamboyant. Colin ne se joue pas, il se ressent. Cela est l'apanage des grands titres.