Qui eût cru un jour que Gustave Flaubert serait source d'inspiration pour les jeux vidéo ? Pas moi en tout cas. Pourtant, c'est bien le roman Salammbô de Flaubert qui se trouve à la source du nouveau jeu de The Adventure Company.
En voyant le nom du dessinateur Philippe Druillet sur la boîte, j'avoue avoir eu peur, très peur même. Pas particulièrement fan de l'oeuvre graphique de ce grand monsieur de la BD, j'ai immédiatement repensé à son travail sur Ring 1 et 2 qui était loin de m'avoir emballé et je pensais me retrouver devant un titre du même acabit. Et pourtant... La tête remplie d'a priori j'ai installé le jeu. D'un pessimiste extrême, j'ai commencé l'aventure. Et après des débuts peu enthousiasmants, je me suis peu à peu laissé prendre à l'univers. J'avais envie d'en savoir plus et j'ai finalement parcouru Salammbô avec grand plaisir, en me laissant emporter dans l'oeuvre de Flaubert.
Salammbô est en effet directement inspiré du roman de Flaubert. Déjà adapté une première fois en BD par Philippe Druillet, on a droit aujourd'hui à une version plus ludique qui réunit le dessinateur à l'équipe de Atlantis 3. L'histoire se déroule environ 300 ans avant JC, juste après la première guerre punique qui opposa Rome à Carthage. Faisant le siège autour de cette dernière, les nombreux mercenaires qui se sont battus pour la ville attendent impatiemment d'être payés et projettent éventuellement de se rebeller si l'or tarde trop à arriver. Sous ce climat de tension, Salammbô, la fille du commandant des armées carthaginoises, tombe pourtant amoureuse de Mâtho, le chef des mercenaires. Vous incarnez Spendius, un esclave enfermé dans les geôles de Carthage. Après avoir trouvé une manière de tromper la vigilance de vos gardiens, votre destinée vous fera gagner la confiance de Salammbô et de Mâtho et fidèle à votre nature, vous profiterez de la moindre occasion pour tourner les événements en votre faveur.
Le titre a été confié à l'équipe de Atlantis 3 qui reprend ici le même style de représentation, à savoir une vision à 360°. La souris est directement associée au regard du joueur et en toute logique, bouger le mulot partout permet de regarder tout autour de soi. J'ouvre une petite parenthèse ici : le curseur de la souris est systématiquement centré au milieu de l'écran, c'est à dire que chaque mouvement modifie le champ de vision et que les phases de balayage de l'écran propres aux jeux d'aventure deviennent assez vite « vomitoires ». On aurait aimé une petite zone neutre au milieu de l'écran afin de pouvoir fouiller tranquillement un lieu sans que la caméra bouge dans tous les sens. Bon, on évite déjà le titre boiteux à la Ring 2 où tout se serait passé au clavier, c'est déjà ça ! Fin de la parenthèse.
Le niveau de difficulté n'est pas très élevé. La plupart du temps, il s'agit d'apporter le bon objet à la bonne personne mais il arrive aussi que l'on doive se dépatouiller dans des séquences de dialogues en trouvant les phrases adéquates. Les énigmes s'intègrent bien à l'histoire et font du titre plus une histoire interactive qu'un véritable jeu d'aventure où l'on bloque régulièrement. Faciles et pas vraiment stimulantes intellectuellement parlant, elles ne poseront aucun problème à ceux qui auront triomphé des Myst et autres Post Mortem. Le gameover n'est cependant jamais loin, mais contrairement à nombre de jeux, un système de sauvegardes automatiques permet de recommencer juste avant l'instant fatidique. On peut donc jouer sans crainte et sans avoir à s'arrêter toutes les cinq minutes pour mettre sa partie à l'abri. Je dois par contre vous prévenir que le jeu nous a planté entre les doigts d'un coup d'un seul. Apparemment, c'est un souci que beaucoup de joueurs ont rencontré et qu'un patch devrait rectifier sous peu. En attendant, il vous faudra quand même prendre vos précautions et effectivement sauvegarder de temps en temps.
La grande réussite du titre tient autant à l'histoire de Flaubert qu'au design général des décors et des personnages. Le style Druillet, dont je disais pourtant ne pas être fan, trouve sa place ici et participe pleinement à donner une dimension fantastique à l'aventure. Servi par un moteur graphique performant, les environnements se font tour à tour inquiétants et apaisants mais toujours magnifiques et remplis de mille détails. Les personnages bénéficient également d'un soin tout particulier. Leurs gestuelles, quoique répétitives, s'éloignent du style marionnettes que l'on pouvait constater dans d'autres productions de l'éditeur. Les voix françaises, elles aussi très soignées, permettent de s'immerger pleinement dans l'ambiance quant aux musiques, on reconnaît des airs issus de la « Symphonie du Nouveau Monde » de Dvorak. En proposant une histoire intéressante et, contrairement à la série Ring, bien racontée, ainsi qu'une réalisation à la hauteur, Salammbô a su me convaincre de tout son potentiel. C'est sûr, à la base, il faut aimer ce genre de jeu d'aventure en vue à 360° et en accepter ses règles (facilité et durée de vie réduite), mais une fois dedans, on est content d'être là et de pouvoir admirer chaque décor qui nous entoure.
- Graphismes17/20
Même moi qui d'habitude reste insensible aux planches de Philippe Druillet, je ne peux que m'incliner devant le travail effectué. L'excellent design des personnages, la beauté de Salammbô, les décors emprunts de mystères, les animations, tout concourt à faire du titre un délice visuel.
- Jouabilité14/20
Tout comme Amenophis, un autre titre de The Adventure Company, on regrette que le curseur soit constamment fixé au centre de l'écran. A part ça, tout va bien, même si on se perd un peu dans les décors très fouillés. Heureusement, une carte peut nous aider à retrouver le droit chemin.
- Durée de vie13/20
Les jeux de ce genre ne sont pas réputés pour être extrêmement longs. Même s'il est un peu plus long que la moyenne, Salammbô suit le mouvement et se termine un peu vite. La facilité des énigmes fait que l'on ne bloque jamais devant une situation.
- Bande son15/20
Tout aussi soigné que les graphismes, la bande-son nous permet d'entendre de belles mélodies tantôt sombres, tantôt plus gaies toujours en rapport avec les lieux visités. La localisation française est bien faite avec de voix adaptées à chaque personnage.
- Scénario16/20
Même si quelques remaniements ont dû être opérés pour s'adapter au format « jeu vidéo », ça reste du Flaubert. L'histoire avance bien et même sans avoir lu l'oeuvre originale, on parvient à suivre ce qui se passe. Régulièrement, des planches de BD résument les évènements marquants à la manière d'un journal de bord.
En voilà une bonne surprise ! Moi qui pensais me retrouver devant une sorte de Ring, me voici bien agréablement surpris ! Joli et intéressant, Salammbô dispose des ingrédients indispensable du bon jeu d'aventure. On peut cependant regretter sa faible durée de vie.