« En arrivant dans la petite bourgade de Valadilène, j'étais loin de m'imaginer que ce serait pour moi le début d'un long voyage qui me mènerait aux confins de l'Europe de l'est. Une traversée remplie de mystères qui me ferait découvrir des décors et des paysages somptueux marqués par l'empreinte de nombreux automates... »
Syberia est le second jeu réalisé par Microïds en collaboration avec Benoît Sokal ou plutôt le second jeu réalisé par Benoît Sokal en collaboration avec Microïds, tant l'homme s'est investi dans le projet. Après L'Amerzone et sa jungle étouffante, l'auteur nous convie cette fois-ci à parcourir l'Europe d'ouest en est à travers une série de décors et de lieux tous magnifiques et emprunts d'une certaine dose de mystères. On y suit une jeune avocate new yorkaise du nom de Kate Walker. Froide en apparence et dotée d'une ambition dévorante, Kate est envoyée à Valadilène, un petit village perdu au beau milieu des Alpes françaises, pour assurer le rachat d'une usine d'automates. La vente étant prévue depuis longue date, cela ne devrait pas lui prendre plus d'une journée. Un problème de taille vient pourtant perturber le bon déroulement des opérations.
Dès son arrivée à Valadilène, Kate est témoin d'un étrange cortège funèbre composé uniquement d'automates. Mais plus que les machines qui ouvrent et ferment la marche, c'est la nature même du convoi qui inquiète Kate. En effet, il s'agit ni plus ni moins de l'enterrement de Anna Voralberg, la propriétaire de l'usine ! Qu'à cela ne tienne, elle est ici pour effectuer une vente et vente il y aura ! Un rapide tour chez le notaire l'avertira cependant que tout n'est pas aussi simple. Anna a un héritier en la personne de Hans, son frère lancé sur la trace des mammouths depuis de nombreuses années. Voilà qui complique la tâche de Kate. Non seulement le rachat va prendre plus de temps que prévu, mais en plus, il va falloir qu'elle retrouve Hans. Et quand on sait que la dernière missive de ce dernier remonte à il y a plus de six mois et qu'il se trouvait alors au cœur de la Sibérie, on se doute bien que ce n'est pas gagné d'avance.
Syberia est un de ces (trop) rares jeux à mettre l'accent sur un scénario fort et qui parvient à instaurer une ambiance très prenante. Sur ce titre, Benoît Sokal nous livre une vision décalée de l'Europe centrale où les automates font partie intégrante du quotidien. Ils sont partout à tel point que l'on se demande parfois s'ils ne sont pas vivants et qu'ils ne possèdent pas leur propre conscience... Tout comme L'Amerzone à son époque, Syberia jouit d'une grande qualité graphique qui lui permet de se placer largement parmi les plus beaux jeux du moment. Chaque décor est extrêmement soigné et on note de nombreux détails qui confèrent à tous ces tableaux une identité et une crédibilité non négligeable. Le soin apporté à chaque texture donne l'impression que l'on se trouve devant de véritables photos et pourtant quelques éléments viennent rapidement trahir cette idée. Les oiseaux batifolent dans le ciel, l'eau ruisselle dans les rivières... C'est très joli. On sent également qu'un gros travail de recherche a été effectué sur l'architecture de chaque lieu. Valadilène dans un style art nouveau, Barrockstadt et son université majestueuse, la cité industrielle de Komkolzgrad ou la station thermale d'Arabald avec tous ses bâtiments délabrés... autant de lieux magnifiques que nous fera découvrir Kate dans son voyage. J'ajouterai cependant un léger bémol sur la réalisation graphique. Les personnages tout en 3D s'intègrent en effet assez mal à ces décors. La différence de « qualité » qui sépare ces deux éléments (personnages et décors) se remarque un peu trop, notamment sur les contours trop aliasés de l'héroïne. A part ça, c'est du tout bon et on oublie rapidement la modélisation des personnages un peu trop raide (toujours ces mains aux doigts écartés !) pour se laisser porter par la beauté des paysages.
L'ambiance sonore n'est pas en reste et nous berce d'agréables musiques parfois symphoniques, d'autres fois d'inspiration plus soviétiques, voire tzigane. Tous les dialogues sont parlés (en français). Le jeu d'acteurs est d'ailleurs très satisfaisant. Enfin, les bruitages (chants d'oiseau, grincements des automates rouillés...) sont très réussis et parachèvent une réalisation déjà de haute volée. Vous vous demandez sûrement ce qu'il en est de l'aspect aventure, car ne l'oublions pas, Syberia est un jeu avant tout. Je vous avoue que ce point est un peu plus difficile à traiter en raison de la politique adoptée par la production. Ces derniers ont souhaité que le joueur progresse rapidement dans Syberia, qu'il ne soit pas bloqué par des énigmes illogiques ou qu'il ne tourne pas en rond inutilement parce qu'il n'avait pas repéré un objet à peine plus grand que trois pixels. On avance donc assez vite dans le scénario et au risque de décevoir les passionnés de grandes aventures à la Gabriel Knight 3 ou même à la Grim Fandango (dans un tout autre genre, je vous l'accorde), la fin arrive malheureusement trop précipitamment. Au total, on aura passé que quelques heures devant son écran (moins d'une dizaine) mais ces heures-là furent un vrai bonheur et après avoir parcouru le jeu de bout en bout, on attend plus qu'une chose : que Benoît Sokal nous fasse vivre une nouvelle aventure le plus rapidement possible.
- Graphismes18/20
Malgré des personnages un peu trop raides et mal intégrés aux décors, on ne peut que féliciter Microïds pour l'aspect général de son titre. Chaque lieu semble directement provenir d'une photo ou d'un tableau. Les nombreuses animations telles que les oiseaux dans le ciel nous démontrent pourtant que les images ne sont pas fixées mais bel et bien vivantes. Du grand art !
- Jouabilité15/20
Syberia se joue à la manière d'un point and click classique, c'est à dire entièrement à la souris. On indique l'endroit où on veut que Kate se rende et on clique sur les objets avec lesquels elle doit interagir. C'est simple et efficace.
- Durée de vie12/20
Syberia se parcourt un peu à la manière d'une bande dessinée. On avance vite et à un rythme régulier sans jamais rester bloqué trop longtemps face à une énigme.
- Bande son16/20
Aussi en ce qui concerne les dialogues, les musiques et les bruitages, l'aspect sonore de Syberia colle parfaitement à l'ambiance graphique. Il parvient à immerger davantage le joueur dans cet univers à la fois si réel et complètement hors du temps.
- Scénario16/20
Les décors, les personnages, les automates... tous ces éléments donnent une ambiance très particulière au titre sur laquelle vient se poser une intrigue originale et passionnante.
Syberia confirme tous les espoirs que nous placions en lui. Avec une réalisation léchée et un scénario bien construit, on se prend rapidement au jeu pour accompagner Kate dans son voyage. Dommage qu'il soit si court.