Cette petite pépée m'avait bien entourloupé. Ce jour là, j'aurais mieux fait de m'enfiler une bonne bouteille de scotch plutôt que d'accepter cette affaire. Mais bon, un privé comme moi ne sait pas dire non aux jolies femmes même quand il s'agit de remuer les bas fonds d'Ankh-Morpok. Et pis elle paye bien alors...
Terry Pratchett, auteur à succès outre-Manche, est célèbre pour l'univers qu'il a créé. Imaginez, sillonnant l'espace, une tortue géante où reposent quatre éléphants. Par dessus, vous rajoutez un disque et vous obtenez le disque monde. Un lieu où humour anglais, magie et anachronismes sont monnaie courante. Après deux jeux vidéo inspirés de son univers et du héros de ses romans, Rincewind (Rincevent en français), Terry Pratchett vous propose aujourd'hui de rencontrer la face cachée de la cité d'Ankh-Morpok, celle de la corruption et des meurtres sanglants. Projecteurs... Ankh-Morpok est LA ville du disque monde. S'y côtoient vampires, zombies, magiciens et autres trolls. C'est dans cette fange putride que vous avez décidé de devenir le premier détective privé après vous être fait viré injustement de la police pour avoir accepté un ridicule pot-de-vin . Vous êtes donc Lewton, un croisement entre Philip Marlowe et Mike Hammer dans le plus pur style regard dur, réplique fracassante et look borsalino, imper miteux. Votre entreprise ne marche pas très fort quand une mystérieuse et pulpeuse jeune femme arrive dans votre bureau pour vous engager. L'affaire paraît simple : retrouver son amant disparu au retour d'un voyage. Elle paye grassement mais l'affaire n'est que la partie visible de l'iceberg...
Si vous connaissez déjà la série des Discworld, vous ne serez pas intimidés devant l'interface. Différents lieux sont accessibles depuis une carte de la ville. Par contre, la grande nouveauté est l'utilisation de personnages et de cinématiques en 3D. En effet, le jeu ressemble plus visuellement à Grim Fandango ou à Blade Runner qu'aux autres Discworlds. Les personnages sont très bien intégrés dans le décor et bougent de manière très naturelle ou comique selon les cas. Les décors sont eux en 2D. Tout cela donne un ensemble très homogène et très beau. L'ambiance est un point important car elle diffère radicalement des Discworlds. Même si l'esprit cartoon est encore très présent dans la soixantaine de personnages, le jeu s'affirme ouvertement comme une parodie des polars des années 40 et 50. Par exemple, le détective que vous incarnez rassemble à lui seul tous les clichés du détective privé. Ankh-Morpok devient pour l'occasion, une cité nocturne de crime et de corruption, continuellement battue par la pluie comme dans Blade Runner. Le mélange prend bien et respecte tous les aspects de la parodie.
Au niveau du jeu, Discworld a revu un peu sa copie. Discworld Noir mise tout sur les dialogues. Même si vous possédez un inventaire permettant de stocker des objets. Leur nombre est réduit afin de laisser une grande part aux interrogatoires. Vous avancez plus souvent en cuisinant les différents protagonistes plutôt qu'en utilisant tel objet sur tel autre. Pour vous y aider, un calepin répertorie tous les indices collectés et se met à jour automatiquement. Discworld Noir garde cependant les atouts familiaux en adoptant un style d'humour anglais genre Monthy Python. Absurdité et causticité sont les maîtres mots des 1300 pages de dialogues présentes dans Discworld Noir. Certains trouveront ça marrant, d'autres pas mais il vaudrait mieux apprécier si vous achetez ce jeu car les dialogues sont l'essence même du jeu. D plus, ce jeu est très cinématographique du fait de l'ambiance, des nombreux dialogues et de la myriade de belles cinématiques qui s'intercalent ça et là.
Pour finir, le scénario paraît assez énorme avec beaucoup de personnages à voir, des dialogues à n'en plus finir et trois CD pleins à craquer. L'aspect dialogue peut devenir rapidement un handicap car les interrogatoires se font à coup de clics de souris. Donc quand on rencontre quelqu'un, il suffit de lui parler de tout ce qu'il y a écrit sur le calepin pour le faire parler et avancer dans l'intrigue. Heureusement, ceci est contrebalancé un petit peu par l'amoncellement d'indices et de personnages. Peut-être un peu trop facile quand même. Discworld Noir est donc un très long et joli jeu qui distrait autant qu'il fait rire. Des personnages loufoques et des dialogues absurdes (merci Pratchett) contribuent à la qualité de ce bon jeu d'aventure.
- Graphismes17/20
De la 3D dans des décors en 2D. Le tout s'imbrique parfaitement sans aucun défaut. La pluie et les effets de caméras sont très bien mis en place, donnant une dimension cinématographique à l'ensemble. Du bon cinéma.
- Jouabilité15/20
Le calepin, une fois maîtrisé, s'avère très pratique pour passer d'un sujet de conversation à un autre. Le jeu se contrôle entièrement à la souris. C'est ergonomique et propre.
- Durée de vie14/20
Sûrement long mais aussi facile, ce sont les deux caractéristiques de Discworld Noir. Les joueurs assidus auront droit à un beau spectacle mais pas de véritable challenge neuronal. Les autres mettront un temps respectable pour boucler l'enquête.
- Bande son14/20
Des musiques et bruitages plus que corrects. Les voix en français sont toutefois un peu misérables. Pas spécialement pour leur ton, (vous avez une voix très "détective privé"), mais plutôt pour leur léger talent de comédie. Un peu d'énergie quand vous faîtes les dialogues, que diable !
- Scénario17/20
Une bonne histoire digne des meilleurs polars. Tous les ingrédients d'une enquête sont là avec une bonne dose d'indicateurs véreux, de pianistes de bar placides et de petites pépées provocantes, saupoudré d'un zeste de trahison et de drame. Le tout empaqueté dans beaucoup d'humour décalé et british.
Un bon jeu d'aventure qui change un peu de ce que l'on connaissait. Des dialogues parodiques qui font toujours sourire et une ambiance polar peu retrouvée dans les jeux vidéo. Bref, quoique trop facile, Discworld Noir est un bon soft plein de pêche et de beauté. Pour les mordus d'aventure, souvent délaissés au profit de jeux d'action, ce jeu sera un bon placement.